09/01/2006
Bravo, la RTM!
46 jours consécutifs de grève dans les transports en commun marseillais ! On n’avait pas vu ça depuis dix ans. Vous les traminots, on peut dire que vous faites fort. Si, comme on a pu l’écrire, le droit de grève ne s’use que si on ne s’en sert pas, avec vous pas de danger : il n’est pas prés de se rouiller. Ce n’est pas la RATP qui battra un pareil record ; ni d’ailleurs la SNCF. Vous êtes en ce domaine les champions toutes catégories. Pendant un mois et demi, on a suivi votre feuilleton bien au delà de Marseille et des environs. Vous avez tenu en haleine la France entière : Vont-ils reprendre le travail ? Non, ils résistent toujours (un peu comme le camp retranché d’Astérix ). Au fait, sur quoi portaient initialement vos revendications ? Si ma mémoire est bonne, tout cela a commencé le 4 octobre dernier, avec la journée de grève nationale : Vous auriez été impardonnable de ne pas suivre le mouvement. Vous avez poursuivi par solidarité avec la SNCM également en lutte contre un plan de privatisation totale : juste cause. Enfin, vous avez abattu votre dernière carte : le tramway ou plutôt son refus de le voir filer sur d’autres rails que les votres. On vous comprend. Ca et là, dans vos tracts, vous cherchiez à rassurer vos usagers en leur disant que c’était pour eux et la qualité du service public que vous luttiez. Je doute que beaucoup aient avalé cette couleuvre, car vos intérêts corporatistes étaient par trop évidents ; mais c’est de bonne guerre après tout. Bref, vous avez soulevé bien des polémiques. Vous avez donné à de nombreux smicards quelques semaines de congé non payé – comme pour vous - . Et puis, alors que les marchands de vélos et de mobylettes faisaient, grâce à vous, leurs meilleurs chiffres d’affaires – c’étaient bien les seuls à Marseille - ; alors que, peu à peu, les marseillais apprenaient à se passer de vos services, on a vu ressurgir vos bus de leurs dépôts, tels des taureaux penauds poussés de force dans l’arène. C’était donc terminé ? Vous étiez revenus à la case départ, sans même avoir obtenu gain de cause sur le tramway. Tout ça pour ça ! Vous avez déçu jusqu’à vos supporteurs les plus ultras. Il y a des jours où l’on se demande à quoi servent tous nos efforts pour se maintenir simplement à la même place.
Bruno DA CAPO
15:25 Publié dans Numéro 1 | Lien permanent | Commentaires (0)
04/01/2006
AGORA
(page 4)
L’opinion publique doit être faite par tous et non par quelques-uns
Il y a des époques de grondements mal contenus. Des époques de scepticisme généralisé où, néanmoins, la vie semble chercher de nouvelles voies, de nouveaux espoirs. Celle que nous vivons est critique à plus d’un égard. Dans le champ social ou privé, les injustices y sont flagrantes et nombreuses. Les discours génèrent des discours, perdant le sens des évènements, repoussant toujours au loin les solutions et leur mise en acte. Valorisée de tous côtés, la parole est aussi de plus en plus « confisquée » par les « professionnels » de la communication. Et la liberté d’expression se débat de plus en plus souvent dans les rets de la censure.
C’est contre tout cela – et d’autres choses aussi – qu’AGORA veut s’insurger. Pourquoi AGORA ? Dans la Grèce antique, c’était cet espace public dévolu à la libre parole. Tout citoyen pouvait s’exprimer devant l’assemblée et pas seulement pour caresser le pouvoir dans le sens du poil. L’accusation, voire la calomnie, s’y exerçait aussi naturellement que la louange. Signe indéniable d’une vitalité qu’il faudra tôt ou tard redécouvrir.
Lautréamont, dans ses « Poésies », écrivait : « La poésie doit être faite par tous. Non par un. ». Nous voudrions reprendre à notre compte cette idée généreuse en remplaçant le mot « poésie » par l’expression « opinion publique » et en pluralisant le mot « un » par l’ajout de l’adjectif « quelques ». Nous ne sommes pas – ni ne nous adressons à – des professionnels de l’information. Nous reendiquons pleinement le statut de « corsaires ». Nous voulons parler au plus grand nombre, à cette majorité dite « silencieuse ». Et c’est précisément pour briser ce silence que nous vous demandons de nous livrer ce que vous avez sur le cœur et dans les tripes à propos de ce monde qui est aussi le votre.
Parce que nous pensons que dans une démocratie, rien ne doit être soutrait à la critique ; parce que nous savons qu’il y a un clivage entre ce que certains pensent de vous et ce que vous pensez vraiment sur votre vécu et votre avenir, nous vous invitons à nous envoyer vos témoignages sous la forme de textes brefs – environ un feuillet dactylographié - . Nous les mettrons en page et les ferons largement circuler. Nous archiverons les plus (im)pertinents en vue d’un prochain collectif d’écriture et de rencontres-débats qui suivront. Toute protestation est la bienvenue. Tout éloge aussi, pour peu qu’il soit sincère.
D’ores et déjà, nous vous invitons à rejoindre notre association et à créer avec nous un espace unique de liberté. Car, n’oubliez pas : AGORA, c’est VOUS !
Adresse : Association FLATUS VOCIS, 7 rue de l’Eglise Saint-Michel, 13005, Marseille
Numéro d’ISSN : en cours. Reproduction interdite des textes publiés, même partielle.
11:55 Publié dans Numéro 1 | Lien permanent | Commentaires (0)
Misère et exclusion
Depuis plus de dix ans maintenant Francis, 60 ans, vit le quotidien du SDF : longs déplacements urbains chargé de tous ses biens et vêtements, maigres repas, insécurité et errances de meublés en foyers d’accueil. Ces derniers temps, la maladie est venue grever un peu plus sa précaire situation. Malgré tout, il trouve encore la force de sourire et lorsque nous nous rencontrons, comme dans un passé plus heureux, il lui arrive même de me demander où en sont mes travaux littéraires. Ceux-ci n’ont pas comblé tous mes rêves de jeunesse mais j’essaie néanmoins de poursuivre, livre après livre, la traçé d’un sillon commencé voici une vingtaine d’années. Aussi l’ai-je invité, en juin dernier, à la lecture-présentation que je donnais de mon dernier recueuil (« Homonymies », éditions Gros Textes) dans une librairie marseillaise. Il fut, ce jour-là, l’un des premiers à venir. Cependant, après avoir feuilleté un exemplaire, il tourne doucement les talons et s’en va. Je le rejoins et lui demande pourquoi il ne veut pas attendre le début de la lecture. Il me répond , de sa voix douce et traînante, qu’il se sent gêné d’être ainsi accoutré dans une librairie ; il n’est pourtant pas mal vêtu mais ses vêtements sont usés, il s’appuie sur une béquille et charrie toujours ses paquets de linge . Comme ça, il craint même de me désservir. Je le rassure et l’invite à entrer de nouveau, mais rien à faire. Sa condition lui fait honte, le fait souffrir. Auto-exclusion qui est peut-être la pire conséquence de la misère.
Jacques LUCCHESI
11:55 Publié dans Numéro 1 | Lien permanent | Commentaires (0)