Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25/01/2011

Dignité recouvrée


Les Tunisiens ont relevé la tête. Il n’est que de les voir défiler dans les rues, parler à haute voix sur la place publique, exiger le départ de la clique au pouvoir –celle qui soutint durant plus de vingt ans le cynique Ben Ali - pour comprendre ce représente de facto une révolution en marche. Exulter ! Voilà ce dont un peuple longuement opprimé a besoin ! Et il est clair que là, en Tunisie, l’exultation est à son comble. On redécouvre le parler vrai, ce qu’est sourire, revendiquer, rêver. On ose enfin se regarder sans honte et sans tristesse.  Finis les sombres jours où l’on rasait les murs (qui avaient des oreilles), où l’on baissait les yeux par peur de la police, où l’on parlait à demi-mot en épiant son voisin. Désormais, on se lâche, exprimant ce qu’on pense, ce qu’on sent, ce qu’on veut. Et bien sûr on veut tout quand tout nous a manqué ! En observant ces turbulences, on craint bien sûr le pire : excès, épuration, liquidations aveugles. Mais le moteur de toute révolution est le désir de mettre fin au sentiment d’humiliation que ne supporte plus un peuple. Plus que le pain, le travail qui manquait, il s’agit bien de dignité blessée et bafouée dont les Tunisiens ont pâti. Dignité rétablie qu’ils comptent bien conforter, dussent-ils le payer cher. Un flou demeure pourtant dans les esprits chagrins. Tout paraît beau, trop beau. Pour l’après Ben Ali, après toutes ces années de dictature - donc de parti unique -, y a-t-il une relève politique capable de porter à bout de bras les aspirations de la rue ? Une opposition structurée, alors même que l’on sait que toute tentative démocratique a été minutieusement liquidée ? On sait que se préparent des élections, qu’on tiendra compte de toutes les mouvances (y compris islamiste). Espérons qu’elles accouchent du meilleur, non du pire. C’est en tout cas le vœu sincère et optimiste que je veux adresser au peuple tunisien.

 

                                           Yves CARCHON

19/04/2010

A propos du DARD


Dans l’effervescence politique de ce printemps 2010, la création du DARD par l’animateur-vedette Patrick Sébastien n’est pas passé inaperçue. Qu’est-ce que le DARD ? Sous cet acronyme « scorpionesque » se cache le projet d’un mouvement pour le Droit Au Respect et à la Dignité. Noble et juste cause dans la France d’aujourd’hui : celle des licenciés économiques, des mal-logés et des victimes de gardes à vue abusives. Pas un nouveau parti politique – à l’instar de celui fondé, à peu près dans le même temps, par Dominique de Villepin -, mais un mouvement de conscience qui, de l’aveu même de son fondateur, ne brigue aucun pouvoir, sinon celui d’être un correctif dans le jeu politique actuel. Il s’agit pour lui, en toute neutralité, de rappeler aux uns et aux autres élus ce qu’ils doivent à leurs électeurs – le citoyen français lambda – et, peut-être, d’ inciter nos dirigeants à respecter davantage leurs promesses électorales. Bref, d’être un aiguillon vers l’idéal républicain : qui s’en plaindra ?

Des questions, cependant, surgissent rapidement. D’abord, on peut à bon droit se demander pourquoi des personnalités du show-business éprouvent, à un moment donné, le désir de sortir de leur pré carré et d’intervenir dans le champ politique. Est-ce la popularité acquise sur les plateaux de télévision qui leur fait s’imaginer un destin de leader au plan national ? Est-ce le sentiment – ou le dépit – de ne pas être suffisamment dans la réalité qui les pousse vers l’arène politique ? Dans ce cas, on pourrait pointer leur propre demande à être davantage prises au sérieux. S’interroger ensuite sur le devenir de pareilles initiatives est également pertinent. Quelle forme, au-delà de l’effet d’annonce, pourrait prendre le DARD dans la configuration socio-politique actuelle ? Donnera t’il, ou pas, des consignes de vote quand ses adhérents seront appelés aux urnes ? Pourra-t’il vraiment rester impartial lorsque les pressions et autres sollicitations s’exerceront sur lui ? Car il y en aura, surtout s’il prend de l’ampleur.

La presse, évidemment, n’a pas manqué de rapprocher le projet de Patrick Sébastien avec celui – canularesque – de Coluche, lors des élections présidentielles de 1981. Entre eux, pourtant, la différence est considérable. Le « programme » du candidat Coluche s’adressait, avant tout, aux hommes politiques eux-mêmes, par l’expression d’un ras-le-bol généralisé. Pour cela, Coluche comptait sur tous les marginaux de la société française d’alors (« les fainéants, les drogués, les pédés », etc). Il se présentait comme leur porte-parole, réinventant à sa manière l’esprit de l’ancien carnaval. On sait comment sa farce s’est terminée : par son soutien à la Gauche puis par ce geste, véritablement éthique, que fut la création, quelques années plus tard, des Restos du cœur. Plus prudent que son aîné, Patrick Sébastien n’entend pas, avec le DARD, faire rire une fois de plus, et surtout pas à ses dépens. L’époque a changé. Lui ne s’adresse pas aux exclus de tout poil mais bien à la majorité silencieuse –ces abstentionnistes dont le silence réprobateur résonne encore dans nos bureaux de vote. Il se situe d’emblée dans la sphère éthique, croyant avoir compris les raisons de leur lassitude. En cela, il reflète l’air du temps et l’aspiration supposée des Français à un retour aux vraies valeurs ; ces valeurs que Coluche n’a pas cessé de railler… Reste à savoir si tous ceux qui ne votent plus verront dans son projet sans perspective électorale une raison de croire encore au sérieux de la politique et de ses acteurs.

Bruno DA CAPO