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18/03/2010

Jean Ferrat: l'hommage de la France à un homme de coeur






Jean Ferrat lui-même ne l’aurait pas cru : communiqués en boucle annonçant son décès, samedi 13 mars, rediffusions d’émissions de télévision et d’enregistrements radiophoniques, montage d’archives en prime time. Quant aux hommes politiques – à commencer par Nicolas Sarkozy -, chacun y est allé de son hommage au chanteur disparu à 79 ans. Pour peu, on lui aurait fait des funérailles nationales. Bref, c’est une avalanche d’éloges, comme on n’en avait pas vu depuis longtemps pour une personnalité artistique française. Est-ce à dire que tout cela n’est pas mérité ? Certes non. Jean Ferrat fut et restera l’un de nos grands chanteurs populaires, à l’instar de Trenet, Brel, Brassens, Ferré, Bécaud et Nougaro. Il a écrit et interprété quelques chansons admirables - comme « Nuit et brouillard » ou « Ma France » - qui sont encore dans bien des mémoires. Il y aussi sa voix, grave, limpide, mélodieuse, aux accents colorés par la colère, l’ironie ou l’émotion amoureuse. Autant de qualités qui font l’unanimité, alors même que l’homme n’a jamais cherché, sa vie durant, le consensus, affichant dès le début de sa carrière ses convictions politiques, attaquant dans ses chansons des personnalités (comme Jean d’Ormesson) et, d’une façon générale, les travers de la société moderne. La censure des médias ne l’a pas épargné ; quant aux paillettes du show-biz, on sait qu’il leur a rapidement préféré la vie paisible de l’Ardèche. Tout cela aurait dû lui garantir une discrétion post-mortem certaine. Point du tout, et c’est bien là le paradoxe. A y réfléchir, cependant, une explication se dégage. Dans cette France essoufflée et frileuse, dans ce pays déboussolé, avec ses valeurs morales, politiques et esthétiques anesthésiées par les valeurs économiques, Jean Ferrat représentait l’exception, celle de l’artiste sincère et de l’homme resté fidèle à ses engagements. Si le succès l’a troublé, ce fut pour le pousser à une longue retraite ; retraite qui n’excluait ni les plaisirs de la vie ni l’observation attentive du monde. Et c’est aujourd’hui cette intégrité jamais prise en défaut que l’on salue, tout autant que son talent de poète et de chanteur. Peut-être d’une manière trop ostentatoire, plus que Ferrat le modeste, l’intransigeant, le sage, ne l’aurait sans doute souhaité.


Jacques LUCCHESI