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06/01/2011

Année 2011 : année zéro.




Quand on écoute les commentateurs politiques, - j’entends ceux qui font profession de relater par le menu la politique politicienne, autrement dit ceux qui s’échinent à débusquer qui se présentera à la future présidentielle – on est déjà en 2012 ! En fait, cette année ne serait qu’une année transitoire propice à affûter ses armes et à jouer des coudes pour accéder à la fonction suprême. Une sorte d’année d’échauffement. Tout tendus vers le grand pugilat médiatique, ces remuants commentateurs oublieraient presque qu’il nous faudra vivre 2011, bon gré mal gré, peut-être même la subir puisqu’il est évident que rien ne risque de changer profondément, qu’en France le désespoir - ou la morosité - subsistent (à bon droit, il me semble) et que l’Europe si chère à ses pères fondateurs n’a plus la forme conquérante et fière, guidée par l’attelage franco-allemand, qu’on a jadis connue. Si l’on parle du Monde, on pense évidemment aux mille dangers qui guettent notre planète tant politiquement qu’écologiquement. Bref, 2011 égrènera ses jours comme tous les autres ans, avec son lot d’espoirs, de rires, de larmes, de crimes, d’illusions, de rêves et de chimères, quoiqu’en puissent dire nos fins commentateurs. On ne peut que penser que les pauvres (au nombre de six millions, dit-on) resteront pauvres, pour ne pas dire plus pauvres. Qu’on poursuivra cette chasse aux sans papiers qui déshonore notre pays. Que le boulot ne sortira d’aucun chapeau (même d’illusionniste). 2011 ne sera pas un lit de roses. Qu’importe : tous nos piaffants commentateurs ont cure de cette année. J’ai beau l’écrire, je sais déjà que tous d’un même chœur se cabreront, arcboutés sur leur chanson qui ressemble fort à une antienne : 2012, 2012, la grande année qui vient ! Est-ce dire que cette année est une année zéro ? 2012, 2012 ! Attendez, juste un mot : ne me privez pas d’une année de ma vie !


                                            Yves CARCHON

04/01/2011

Cinéma: "We are four lions", de Chris Morris (2010)


  Souvent amplifiée à des fins politiques, la menace que fait peser le terrorisme islamiste sur l’Occident n’en demeure pas moins une triste réalité de notre temps. Et l’expliquer par tous les points d’entrée possibles ne la rend pas moins angoissante pour des populations déjà fragilisées par d’autres inquiétudes. Aussi, le parti-pris d’en rire peut apparaître, au cinéma, comme une dédramatisation salutaire, dans la lignée, finalement, du « Dictateur » de Chaplin.  C’est ce qu’a fait, non sans nuances, le jeune cinéaste anglais Chris Morris avec « We are four lions », qui raconte les tribulations grotesques d’une poignée d’apprentis djihadistes entre le Pakistan et l’Angleterre d’aujourd’hui. Ils sont, en effet, risibles de maladresse et de vanité, ces Anglo-Pakistanais qui ambitionnent de gagner le paradis (musulman) en propageant la terreur et la mort autour d’eux. Ridicules mais inquiétants, pas inoffensifs pour autant. Car ces Bouvard et Pécuchet du meurtre de masse finiront par mettre leur sinistre plan à exécution ; et même si ce ne sera pas un remake du 11 septembre 2001, ils entraineront dans la mort des innocents avec eux.  
 Quoique prenant l’angle de l’humour –  et quel humour !  – pour parler de ce sujet grave, Chris Morris n’en décrit pas moins les mécanismes sociaux et psychologiques qui conduisent à ces stratégies fatales. En cela, il pourrait être le fils spirituel de Ken Loach autant que de Terry Gilliam (ou le produit hybride des deux). Ses « quatre lions » - qui sont, en fait, cinq – constituent autant de personnalités nettement différenciées, dont la moins troublante n’est sûrement pas celle de Barry, le pseudo imam joué par Nigel Lindsay. Et  de leur réunion va naître et croître leur détermination commune à ce projet destructeur. Ce faisant, Morris montre bien les phases de doute et d’exaltation que connaissent tous ceux qui ont participé à ce genre d’entreprise. Il insiste particulièrement, à travers ses personnages, sur la dimension spectaculaire et la volonté narcissique de sortir du rang, fut-ce au prix de sa propre annihilation. Délire paranoïaque où le sentiment religieux tient bien peu de place, où la haine des « infidèles » n’a d’égale que le mépris pour les musulmans modérés – eux sur qui retombent finalement les conséquences de ces actes extrémistes. Oui, le film de Chris Morris est d’une actualité brulante et ne doit être ignoré sous aucun prétexte. S’il provoque aussi le rire, c’est, comme on dit, un rire jaune.   
(En salle depuis le 8 décembre)                                

                                                    Serge DANON

22/12/2010

Le vocabulaire de la crise



               


 Austérité, dette, rigueur : depuis plusieurs années, ces trois mots accompagnent notre quotidien comme ses doubles. Sans cesse, ils sont scandés par les gouvernants actuels comme des justificatifs à leurs mesures impopulaires. Selon eux, nous aurions trop dépensé au cours des décennies précédentes, nous aurions vécu au dessus de nos moyens. A chacun, bien sûr, il est demandé de participer à cet effort de redressement des finances publiques. Sinon, ce seront nos enfants qui paieront pour nos excès.
Ce discours culpabilisant nous devient, cependant, de plus en plus insupportable. En Grèce, en Irlande, en Espagne, en Angleterre, les citoyens lambda défilent massivement dans les rues pour protester contre les coupes drastiques dans les salaires. Ils ne comprennent pas comment leurs dirigeants ont pu les amener à cette situation. Ils ne comprennent pas les impératifs économiques européens. Et c’est pareil en France avec les retraites repoussées, le relèvement des contributions sociales, les hausses de l’électricité, des assurances et des produits de consommation courante. Avec, pour couronner le tout, le blocage du SMIC et des petits salaires depuis plusieurs années.
Or, qu’avons-nous fait de si grave pour mériter un pareil régime ? Qui se souvient d’avoir des folies en ces temps pas si lointains ?  Même sous le premier septennat Mitterrand, est-ce que le peuple jetait l’argent par les fenêtres ? Est-ce que nous ne regardions pas à deux fois notre porte-monnaie avant de faire telle ou telle dépense ? Mais le plus accablant est sans doute que ces injonctions répétées à l’effort et à la restriction émanent de gens qui n’ont pas à en faire, vu la hauteur de leurs salaires. Si j’étais François Fillon, je me sentirai mal à l’aise de toujours demander aux Français, grise mine à l’appui, de se serrer la ceinture, tout en percevant 20 000 euros mensuels. Compte-t’il relancer la consommation des ménages avec ce discours-là ? Car ils sont nombreux, en France, ceux pour qui la crise n’est qu’un mot épouvantail face à de légitimes exigences.
Si jamais la Gauche revient au pouvoir en 2012, il faudra, en premier lieu, qu’elle augmente conséquemment la plupart des salaires et s’engage à réduire, de façon significative, l’écart des revenus entre les plus riches et les plus pauvres. C’est à cette condition que le peuple retrouvera confiance en la politique et, tout simplement, en la vie. Elle qui a toujours exécré ce qui entravait sa naturelle exubérance.

                                           Erik PANIZZA