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14/04/2021

    Bal tragique chez les Windsor

                    

 

 

  Le prince Philip est mort à 99 ans : paix à son âme. Mais ce non-événement – la mort d'un quasi centenaire – méritait-il que le journal télévisé du vendredi 9 avril lui consacrât la moitié de son temps d'antenne. Comme si ce jour-là, dans le monde, il n'y avait pas d'information plus importante. Est-ce que cette disparition nécessitait que France 3 bouleverse ses programmes pour diffuser, en première partie de soirée, un documentaire sur le royal défunt ? Comme si ce dernier – dont le principal titre de gloire aura été d'épouser une reine d'Angleterre – était un des grands personnages de ce monde, doté d'une réelle efficience politique ou auteur d'une invention capable d'influer sur notre destin collectif. Passe encore que les Anglais, névrotiquement attachés à leur régime monarchique, suspendent le cours de leurs activités à l'annonce de cette disparition. Mais en France, pays républicain (et régicide), une telle information ne devrait pas avoir de quoi remuer les foules. Cela n'a pas été le cas. Comme quoi il n'y a pas que l'ineffable Stéphane Bern pour éprouver chez nous la nostalgie de la monarchie.

 

Jacques Lucchesi

04/01/2011

Cinéma: "We are four lions", de Chris Morris (2010)


  Souvent amplifiée à des fins politiques, la menace que fait peser le terrorisme islamiste sur l’Occident n’en demeure pas moins une triste réalité de notre temps. Et l’expliquer par tous les points d’entrée possibles ne la rend pas moins angoissante pour des populations déjà fragilisées par d’autres inquiétudes. Aussi, le parti-pris d’en rire peut apparaître, au cinéma, comme une dédramatisation salutaire, dans la lignée, finalement, du « Dictateur » de Chaplin.  C’est ce qu’a fait, non sans nuances, le jeune cinéaste anglais Chris Morris avec « We are four lions », qui raconte les tribulations grotesques d’une poignée d’apprentis djihadistes entre le Pakistan et l’Angleterre d’aujourd’hui. Ils sont, en effet, risibles de maladresse et de vanité, ces Anglo-Pakistanais qui ambitionnent de gagner le paradis (musulman) en propageant la terreur et la mort autour d’eux. Ridicules mais inquiétants, pas inoffensifs pour autant. Car ces Bouvard et Pécuchet du meurtre de masse finiront par mettre leur sinistre plan à exécution ; et même si ce ne sera pas un remake du 11 septembre 2001, ils entraineront dans la mort des innocents avec eux.  
 Quoique prenant l’angle de l’humour –  et quel humour !  – pour parler de ce sujet grave, Chris Morris n’en décrit pas moins les mécanismes sociaux et psychologiques qui conduisent à ces stratégies fatales. En cela, il pourrait être le fils spirituel de Ken Loach autant que de Terry Gilliam (ou le produit hybride des deux). Ses « quatre lions » - qui sont, en fait, cinq – constituent autant de personnalités nettement différenciées, dont la moins troublante n’est sûrement pas celle de Barry, le pseudo imam joué par Nigel Lindsay. Et  de leur réunion va naître et croître leur détermination commune à ce projet destructeur. Ce faisant, Morris montre bien les phases de doute et d’exaltation que connaissent tous ceux qui ont participé à ce genre d’entreprise. Il insiste particulièrement, à travers ses personnages, sur la dimension spectaculaire et la volonté narcissique de sortir du rang, fut-ce au prix de sa propre annihilation. Délire paranoïaque où le sentiment religieux tient bien peu de place, où la haine des « infidèles » n’a d’égale que le mépris pour les musulmans modérés – eux sur qui retombent finalement les conséquences de ces actes extrémistes. Oui, le film de Chris Morris est d’une actualité brulante et ne doit être ignoré sous aucun prétexte. S’il provoque aussi le rire, c’est, comme on dit, un rire jaune.   
(En salle depuis le 8 décembre)                                

                                                    Serge DANON