22/01/2013
Otages
Osons le rappeler : le phénomène des prises d’otages n’est pas nouveau dans l’Histoire. L’Antiquité l’a connu – Jules César lui-même fut capturé par des pirates qu’il fit, à peine libéré, pourchasser et exterminer-, de même que le Moyen-Âge et l’époque moderne, avec les combats opposant chrétiens et barbaresques en Méditerranée. Quand ils n’étaient pas échangés ou libérés contre rançon, les prisonniers – pour la plupart des combattants – étaient tout simplement réduits à l’esclavage. Sans remonter bien loin dans le passé, on constate que la recrudescence des prises d’otages va de pair, dans les années 70, avec la montée des mouvements terroristes, de quelque idéologie qu’ils se réclament. Ce parallèle caractérise les guerres dites « asymétriques », non pas entre deux états souverains mais entre un état et des groupes armés poursuivant des visées politiques. Dans ce cas, tous les moyens sont bons pour faire pression sur celui qui apparaît – parfois à tort - comme le plus fort, dont l’enlèvement et la séquestration de civils ou de ressortissants d’un pays allié. L’otage apparaît ainsi comme une monnaie d’échange vivante que ses ravisseurs chercheront à négocier au meilleur prix avec l’état concerné. Cela peut prendre la forme d’une grosse somme d’argent (comme pour l’anthropologue Françoise Claustre, enlevée par des rebelles tchadiens en 1974) ou la libération d’un nombre important de partisans emprisonnés, ce qui fut le cas, en 2011, pour le soldat franco-israélien Gilad Shalit. Même si cette expérience est sans doute l’une des pires que puisse connaître un être humain (séquestration dans un lieu inconnu, mauvais traitements, incertitude totale sur son avenir), elle se termine souvent bien et chacun soupire – rare moment d’empathie généralisée – avec les otages libérés. Ce ne sera pas, hélas, le cas, à In Amenas où l’on dénombre déjà – le bilan est encore provisoire – 38 otages tués, c'est-à-dire davantage que leurs ravisseurs (29, pour le moment). Pour ne pas céder au chantage des terroristes et alimenter ainsi leur capacité de nuisance, l’armée algérienne a donné l’assaut, samedi 19 janvier, au site gazier où ils étaient retenus sans chercher à temporiser. Même si cette attaque a permis de libérer 685 employés algériens et 107 otages étrangers, on imagine sans peine la colère, tant des états concernés et non informés (le Japon, la Grande Bretagne, entre autres) que celle des familles qui ont ainsi perdu un proche dans cette riposte sans concession. Ce bilan est lourd, trop lourd pour ne pas mettre en cause la méthode choisie par l’état algérien. On frémit d’avance pour tous ceux qu’un groupe de fanatiques retient loin de chez eux si elle venait à être généralisée. De façon toute diplomatique, François Hollande a salué cette initiative musclée. Aurait-il été aussi satisfait de ce dénouement sanglant si, parmi les otages, il y avait eu l’un de ses fils ? Ce n’est pas sûr. La raison d’état ne peut pas tout justifier en démocratie. Mais il est vrai que l’Algérie de Bouteflika n’est pas exactement une nation démocratique.
Bruno DA CAPO
16:18 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : otages, césar, in amenas, bouteflika
15/01/2013
La démocratie, c’est la guerre
A force de ne plus voir le spectacle de la guerre qu’à la télévision. A force de vivre dans une relative sécurité à l’intérieur de nos frontières – qui sont aussi celles de l’espace fédéral européen, désormais -, nous avons fini par oublier les terribles leçons de Mars et de Bellone. Depuis maintenant près de soixante-dix ans, nous avons interdit à la guerre l’accès à notre territoire, mais elle n’en demeure pas moins vivace dans le monde. Les conflits locaux, rapides ou endémiques, mais toujours très meurtriers, se comptent par centaines depuis 1945. Nation démocratique, la France y a souvent pris part, que ce soit pour ses intérêts économiques ou par le jeu des alliances internationales. De tous les continents, l’Afrique est celui où elle est, militairement parlant, le plus intervenu. Rien que pour ces cinq dernières années, elle a délégué ses troupes et sa logistique au Tchad, en Lybie, en Côte d’Ivoire et maintenant au Mali. Ce pays à majorité musulmane – l’un des maillons de la francophonie africaine, aussi – subit depuis des mois l’assaut de brigades islamistes particulièrement destructrices – comme on l’a vu avec les sanctuaires musulmans de Tombouctou. En répondant à l’appel au secours du président Traoré, François Hollande a pris certainement une décision grave et courageuse. Une décision qui, pour la première fois depuis son arrivée à l’Elysée, force le respect et l’adhésion de ses naturels adversaires, à droite. Ce n’est pas le même son de cloche sur sa gauche, où certains ont taxé sa décision d’ingérence. Pouvait-il faire autrement, surtout en sachant que quelques six mille ressortissants français vivent et travaillent actuellement au Mali (gibiers de choix pour ses agresseurs) ? Non, et c’est ne pas intervenir, laissant ainsi le champ libre à ces nouveaux barbares, porteurs d’une idéologie d’un autre âge, qui aurait été, stratégiquement parlant, irresponsable. Face à eux, il n’y a malheureusement que la force qui vaille. Car, dans cette affaire, c’est au moins autant une question de valeurs que d’intérêts commerciaux. La démocratie ne doit pas être l’apanage des seuls pays occidentaux. Tout peuple – à commencer par les Maliens – a le droit, sinon le devoir, de l’exiger pour lui-même. Mais la démocratie, nous le savons bien, ne fait pas l’affaire de tous. Nombreux sont encore ses ennemis, tacites ou déclarés, au premier rang desquels ces groupes terroristes dont les raids criminels sont avant tout dictés par des considérations bassement matérielles. Ils doivent être combattus avec la plus farouche détermination. Tout en déplorant les risques que cette attitude de fermeté fait encourir aux otages français de l’AQMI et sans écarter la possibilité sournoise d’un attentat sur notre territoire ou sur des institutions françaises à l’étranger. Si la démocratie est synonyme de paix pour les peuples qui l’ont durablement plébiscitée, elle implique souvent de recourir aux armes pour la défense de son principe même. C’est ce que nous constatons, encore une fois, au Mali.
Bruno DA CAPO
16:27 Publié dans 11 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mali, bellone, aqmi, démocratie
09/01/2013
Bruissements (16)
Rejet : en matière de politique fiscale, ce fut sans doute la grande nouvelle de la toute fin de l’année 2012. Le projet de taxer à 75% les revenus d’au moins un million d’euros annuels – proposition phare du candidat Hollande – a donc été rejeté par le Conseil Constitutionnel. Ce n’est pas vraiment une surprise, vu le nombre de membres issus de la Droite – dont, bien sûr, Nicolas Sarkozy – qui siègent dans cette institution dont la fonction première est de vérifier la constitutionnalité des lois. Du reste, l’honnêteté veut qu’on rappelle que par le passé, le Conseil a aussi rejeté des propositions de lois émanant de la Droite alors au pouvoir – comme la taxe carbone. Cet exemple, une nouvelle fois, montre que ce n’est pas le manque de détermination de François Hollande qui est en cause dans la lenteur à appliquer son programme, mais bien l’opposition qu’il rencontre de la part des institutions françaises et européennes. Nous l’avons déjà dit, sa marge de manœuvre est très étroite. Gageons, néanmoins, qu’il saura trouver, d’ici un an, une autre voie pour réintroduire cette loi fiscale emblématique d’un gouvernement de Gauche.
Vœux : pour ses premiers vœux à la nation, le 31 décembre dernier, François Hollande n’a surpris personne. Les questions économiques ont occupées les deux tiers de son allocution, mais ce fut pour mieux accorder un satisfecit à sa politique conciliatrice (la solidarité et la compétitivité, par exemple). Le cap sera donc maintenu en 2013. Il avait parfois des accents pathétiques lorsqu’il évoquait le sort de nos otages au Sahel et des militaires français blessés ou tombés en Afghanistan. Est-il vrai qu’ils ont tous quittés, comme l’affirmait notre président, ce beau pays montagneux depuis décembre 2012, terme de leur mission pacificatrice ? Un reportage sur une chaîne publique, quelques minutes après, montrait pourtant qu’ils étaient encore 1500 à réveillonner à Kaboul, ce soir-là. Là, je demande à comprendre.
Fête : 1193 voitures incendiées et 339 interpellations sur l’ensemble du territoire français durant la nuit de la Saint-Sylvestre. Ce n’était pas, comme on le voit, un jour férié pour la police. Ces chiffres ne feront sans doute pas plaisir aux assureurs ; peut-être un peu plus aux concessionnaires de véhicules automobiles, eux qui ne cessent de soupirer sur la chute de leur chiffre d’affaires. L’importation de pétards allemands semble, en revanche, bien se porter. Elle aura fait un mort et quatre blessés en Alsace durant cette folle nuit de nouvelle année. Ce n’est certes pas pire qu’en Syrie ou en Côte d’Ivoire, mais c’est quand même édifiant. Il n’y a pas à dire : les jeunes Français savent s’amuser.
Russie : après Depardieu – apologiste de l’infâme tyran tchétchène Ramzan Kadyrov - qui a maintenant demandé la nationalité russe, c’est au tour de Brigitte Bardot d’avoir des velléités d’exil vers la patrie de Pouchkine et de Prokofiev. La raison, pour elle, n’est pas fiscale mais éthique ; enfin, l’éthique humano-animale chère à l’ex-star des sixties (aujourd’hui âgée de 78 ans). Selon elle, le gouvernement français ne se soucierait pas assez du sort des deux éléphants lyonnais suspectés de tuberculose et menacés, pour des raisons évidentes d’hygiène, d’être euthanasiés. Indignation de madame Bardot qui menace de quitter la France. Qu’elle s’en fasse une raison : nul ne la retiendra plus, à présent. Elle pourrait, pourquoi pas, acheter une datcha en Sibérie pour vivre au plus près du tigre des neiges - menacé d’extinction – et en faire la grande cause mondiale de 2013.
TNT : le 12 décembre dernier, le CSA a décidé – arbitrairement – d’introduire 6 nouvelles chaînes télé (qui suintent la débilité pour la plupart). Cela, bien sûr, ne s’est pas fait sans bouleverser la programmation des 20 chaînes déjà disponibles pour le téléspectateur lambda. Aucun problème pour les gens qui jouissent d’un téléviseur de la dernière génération ou qui sont abonnés à des opérateurs satellitaires. Quant à ceux qui – comme moi – ne disposent que d’un simple décodeur et d’un récepteur déjà anciens mais fonctionnels, non seulement ils ne perçoivent pas les nouvelles chaînes (dont ils se seraient bien passés), mais surtout ils n’ont plus accès à des chaînes habituelles, comme TF1, TMC ou ARTE. L’enrichissement des uns fait l’appauvrissement des autres. On pourra toujours me dire qu’on peut vivre sans télévision, ou qu’il est temps d’investir dans du nouveau matériel. Simplement, j’aurais préféré – et sans doute beaucoup d’autres avec moi – décider seul de cet achat. C’est ce qu’on appelle vulgairement forcer la main et le marché excelle dans ce genre de pratiques, lui qui mise sur l’obsolescence programmée pour continuer à faire son beurre sur le dos des consommateurs. Eux aussi auraient intérêt à s’unir pour lutter contre ces escroqueries légalisées.
Erik PANIZZA
14:47 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voeux, fête, loi fiscale, bardot, tnt