Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/01/2011

Chronique d’une chute annoncée




Après la Tunisie, l’Egypte. C’est ce qui ressemble fort à une traînée de poudre. Ca sent effectivement la poudre ! Demain l’Algérie, le Maroc ou la Lybie ? Qui sait. Les révolutions n’ont pas de frontières ; elles font des émules pour peu qu’injustice et servitude poussent sur le purin de la misère. Et c’est bien précisément ce qui se passe dans le pays des Pharaons. Aujourd’hui, la momie Moubarak a de quoi se faire des cheveux ! Et peut-être devra-t-il, comme son ex-collègue Ben Ali, affréter l’avion qui lui sauvera la vie. Aujourd’hui, jour de la prière, les Frères Musulmans, premier parti d’opposition dans le pays, interdit depuis des lustres, ont appelé à manifester massivement. Contre Moubarak et son oligarchie. Pour le dit pouvoir, ce jour était décisif puisque les Egyptiens, prière faite, devaient s’emparer de la rue. Ils n’ont pas manqué le rendez-vous, pas uniquement bien sûr pour complaire aux Frères Musulmans, mais surtout, d’abord parce qu’ils en avaient assez de mourir de faim, que leur liberté d’action et d’expression était réduite à moins que rien. Ce soir, (je crains pour la nuit qui vient) l’insurrection a envahi les rues du Caire. En regardant les toutes premières images, on se rend compte qu’une révolution est en marche. Trop d’années de misère pour le peuple égyptien ! Trop d’années de pouvoir pour le raïs Hosni ! Trop de morgue, de cynisme distillé par la classe dominante ! L’Egypte n’est pas la Tunisie, chacun le sait. Les Américains les premiers qui, par la voix de son ministre des Affaires Etrangères, Hilary Clinton, appellent Moubarak à une certaine retenue, ce qui naturellement est une formule diplomatique. Pour eux, il était un allié, un rempart contre l’islamisme (comme Ben Ali l’était pour nous, du moins le croyait-on). Il pesait lourd dans la région en qualité d’intercesseur dans le conflit israélo-palestinien... Rédigeant ce billet, je m’aperçois que l’imparfait s’impose à moi. Comme si déjà notre raïs était dans son avion ! Nous en sommes loin. Je crois pourtant comprendre qu’il a déjà un pied sur le tarmac. En s’envolant, il serait sage et il éviterait un bain de sang !

Yves CARCHON

25/01/2011

Dignité recouvrée


Les Tunisiens ont relevé la tête. Il n’est que de les voir défiler dans les rues, parler à haute voix sur la place publique, exiger le départ de la clique au pouvoir –celle qui soutint durant plus de vingt ans le cynique Ben Ali - pour comprendre ce représente de facto une révolution en marche. Exulter ! Voilà ce dont un peuple longuement opprimé a besoin ! Et il est clair que là, en Tunisie, l’exultation est à son comble. On redécouvre le parler vrai, ce qu’est sourire, revendiquer, rêver. On ose enfin se regarder sans honte et sans tristesse.  Finis les sombres jours où l’on rasait les murs (qui avaient des oreilles), où l’on baissait les yeux par peur de la police, où l’on parlait à demi-mot en épiant son voisin. Désormais, on se lâche, exprimant ce qu’on pense, ce qu’on sent, ce qu’on veut. Et bien sûr on veut tout quand tout nous a manqué ! En observant ces turbulences, on craint bien sûr le pire : excès, épuration, liquidations aveugles. Mais le moteur de toute révolution est le désir de mettre fin au sentiment d’humiliation que ne supporte plus un peuple. Plus que le pain, le travail qui manquait, il s’agit bien de dignité blessée et bafouée dont les Tunisiens ont pâti. Dignité rétablie qu’ils comptent bien conforter, dussent-ils le payer cher. Un flou demeure pourtant dans les esprits chagrins. Tout paraît beau, trop beau. Pour l’après Ben Ali, après toutes ces années de dictature - donc de parti unique -, y a-t-il une relève politique capable de porter à bout de bras les aspirations de la rue ? Une opposition structurée, alors même que l’on sait que toute tentative démocratique a été minutieusement liquidée ? On sait que se préparent des élections, qu’on tiendra compte de toutes les mouvances (y compris islamiste). Espérons qu’elles accouchent du meilleur, non du pire. C’est en tout cas le vœu sincère et optimiste que je veux adresser au peuple tunisien.

 

                                           Yves CARCHON

17/01/2011

CYNISME ORDINAIRE


La fuite de Ben Ali jette un trouble parmi nos dirigeants, à commencer par Sarkozy lui-même qui a refusé in extremis d’accueillir le dictateur sur le sol français. Trois jours plus tôt, nous étions prêts à aider le régime tunisien à mettre bon ordre au chaos qui se profilait dans les rues tunisiennes. Cette complaisance à l’égard du dictateur ne date pas hélas d’aujourd’hui. Mitterrand, Chirac en leur temps ont soutenu implicitement ce régime, et pour la seule raison qu’il était et serait un rempart efficace – et musclé – contre toute avancée islamiste au Maghreb. C’est ce qu’on appelle la real politique. Quand il s’agit de géopolitique ou de sauver nos intérêts économiques, on préfère fermer les yeux sur les Droits de l’Homme. Le pire, c’est que Ben Ali n’a jamais donné la preuve qu’il luttait contre l’islamisme, si ce n’est qu’il luttait contre tout ce qui pouvait remettre en cause son pouvoir dictatorial. On dit même que pour asseoir sa dictature, il n’hésita pas à s’appuyer sur certaines factions de la dite mouvance fondamentaliste. Et alors ? Ce qui compte, c’est le résultat, me dira-t-on. On sait depuis Machiavel qu’on ne gouverne pas les peuples sans cynisme. Admettons, quoique la pilule soit dure à avaler. Elle l’est d’autant plus que nos dirigeants n’étaient pas (et ne sont pas) les seuls fautifs. Nous-mêmes à notre façon faisions preuve de cynisme, un cynisme que je qualifierai d’ordinaire. Un cynisme d’occidental en mal d’exotisme, qui poussait certains à vouloir jouir des sables du désert ou d’un farniente à Djerba pour un prix des plus modiques, jetant un mouchoir pudique sur le nombre de politiques jetés en prison par Ben Ali ou même sur le sort de journalistes muselés, expulsés, traqués, interdits d’antenne. Un cynisme bonhomme et pas méchant qui s’accompagnait de bonne conscience, puisqu’on était là aussi  pour aider l’économie du cru ! Aussi, après la piteuse fuite du dictateur, serait-on bien inspiré en battant chacun sa coulpe. La Tunisie est et restera une contrée enchanteresse. Elle nous sauvera de notre impudence d’enfants gâtés quand elle deviendra réellement démocratique.

                                            Yves CARCHON