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15/02/2013

Bruissements (17)

 


 

Tunisie : l’assassinat, le 5 février dernier, de l’avocat tunisien Chokrit Belaïd – l’un des principaux opposants au régime actuel – a relancé la polémique sur les accointances entre le gouvernement tunisien et des activistes islamistes, comme les salafistes. Ces derniers, nouveaux fascistes qui multiplient les actions punitives contre les femmes et les partisans de la laïcité, bénéficient d’une incroyable complaisance de la part de la police et de la justice tunisiennes. A n’en pas douter, ils sont derrière ce meurtre qui a fait, encore une fois, descendre  le peuple dans la rue. Devant l’ampleur de l’émotion et de la colère (40 000 personnes ont assisté aux  funérailles de Belaïd,  vendredi 8 février, à Tunis), le premier ministre, Hamadi Jebali a donc décidé de refondre entièrement son gouvernement pour n’y faire entrer que des technocrates. Une façon de dire qu’il faut que tout change pour que rien ne change. Fallait-il que les Tunisiens fassent une révolution pour en arriver à cette forme insidieuse de dictature ? Oui, car le processus protestataire est enclenché et il y a fort à parier qu’ils en feront bientôt une autre contre ceux-là mêmes qu’ils ont porté au pouvoir, ces faux amis de la démocratie dont le jeu consiste à faire croire qu’ils représentent l’avenir quand ils tirent le pays en arrière. Et ce sera sans doute pareil en Egypte.

 

Affiches : « Pourquoi l’UMP refuse-t’elle que je participe à la vie de ma ville ? » Dit ce slogan sous le visage fatigué d’un homme d’origine africaine. Il y a cinq autres « perles » du même genre sur les affichettes – 2,5 millions au total – que le PS a fait imprimer et que nous verrons bientôt éclore dans nos boites aux lettres. On reste perplexe devant une telle campagne, seulement neuf mois après l’élection  à la présidence de François Hollande, alors même que les élus socialistes détiennent actuellement la plupart des postes de pouvoir en France, alors que l’UMP est en pleine déconfiture. Est-ce la perspective des prochaines élections municipales qui justifie ce ton militant et cette insistance sur des questions sociétales ? Ou est-on en train d’assister à la transformation d’un président « normal » en candidat permanent, à l’instar de son prédécesseur ? A moins que tout cela ne traduise qu’un manque de confiance dans la capacité à mener à bien sa propre politique ?

 

FN : est-ce un effet de l’agitation générale autour du mariage homosexuel, de l’adoption et la PMA ? Quoiqu’il en soit,  le FN est en train de remonter dangereusement dans les sondages. Fin janvier, dans un échantillon de 1012 personnes interrogées par la  SOFRES, 32% d’entre elles se disaient proches des propositions de Marine Le Pen et 42% considéraient que le FN ne représente plus un danger pour la démocratie (bon, il y en a quand même 47% qui pensent le contraire). De façon plus resserrée, 38% d’électeurs de l’UMP estimaient que des alliances, aux municipales, étaient désormais possibles avec les candidats frontistes ; et 13% d’entre eux voyaient même, dans le FN, un allié potentiel. C’est différent quand il s’agit de passer aux urnes ; là, 67% des sondés n’envisageraient pas de voter bleu-Marine. Un baromètre dont il faut sans aucun doute tenir compte, même si l’on sait combien ses indications sont sujettes à de rapides variations.

 

Lasagnes : de la viande de cheval dans les lasagnes au bœuf de Findus ! Pas de quoi nous décontracter l’œsophage à l’heure de passer à table. On n’a pas fini de gloser sur cette indélicatesse faite aux consommateurs français, même si, heureusement, on n’est pas en présence d’un scandale alimentaire comparable à celui de la vache folle, en 1998. Dans les deux cas, c’est toujours la même recherche du profit à court terme qui justifie ces aberrations – puisqu’en Roumanie, pays fournisseur de la viande incriminée, celle du cheval vaut quatre fois moins chère que celle du bœuf. Cette nouvelle crise a au moins le mérite d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la complexité de la grande distribution et ses relais. Souhaitons, pour notre santé, que les contrôles n’en soient que plus nombreux et plus stricts, à l’avenir.  

 

Air : l’actualité internationale, extrêmement tendue ces dernières semaines, a tendance à repousser au second – voire au troisième – plan les questions liées à notre environnement. Grave erreur, car nous n’en continuons pas moins d’en subir les retombées délétère. Mardi 5 février, la commission européenne en charge de ce dossier a encore épinglée la France pour la mauvaise qualité de son air. Trois sources d’émissions de particules fines sont en cause : les moyens de chauffage, l’agriculture et les transports routiers. Pour ces derniers, c’est encore le diesel qui est pointé du doigt, car il constitue toujours le carburant majoritairement utilisé en France, malgré ses effets cancérigènes scientifiquement démontrés (42 000 décès prématurés lui seraient imputables, chaque année, dans notre pays). Devant le montant des amendes européennes  - 100 millions d’euros – réclamées à la France, la ministre de l’écologie Delphine Batho a déclenché, dès le lendemain, un plan d’urgence en six points - forcément contraignants. Reste à savoir si les moyens suivront pour les faire rapidement appliquer. Car autrement…

 

 

                                                   Erik PANIZZA

15:05 Publié dans 11 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tunisie, fn, lasagnes, affiches

22/02/2011

Le syndrome tunisien



La Tunisie aujourd’hui a fait florès. Comment ne pas applaudir, vu l’état de la démocratie dans le Maghreb et sur tout le pourtour arabe méditerranéen. Comment ne pas s’en féliciter ? Mais aussi, surtout, comment ne pas être inquiet de l’embrasement qui a gagné Bahreïn, le Yémen, l’Algérie et la Lybie. Les Américains comme les Européens, débordés et dépassés par les événements, ne savent trop s’il faut en rire ou en pleurer. En Egypte, par exemple, l’armée semble avoir pris le relais de Moubarak. Mais pour quelle issue : assurer la transition ou mettre main basse sur le pouvoir ? On sait qu’en Egypte l’armée tient les rênes du pouvoir depuis des lustres. Les vieux démons ont hélas la vie dure. L’armée reste l’armée. La révolution égyptienne ne risque-t-elle pas d’être volée au peuple ? Des prémices nous le font penser mais prions Allah (pour ceux qui y croient) que cette transition ait vraiment lieu ! A Bahreïn comme au Yémen, on nous dit que la violence est à son comble et qu’il y a des morts. Et l’on s’en étonne ! Nos commentateurs croient-ils qu’une révolution se fait tranquillement de la même manière qu’à une époque la guerre en Irak se disait chirurgicale ? Dans la foulée, deux autres pays s’éveillent pour goûter au vent de liberté : l’Algérie et la Lybie. On peut craindre le pire dans ces deux derniers pays : une répression sanglante. Kadhafi sera impitoyable, s’il ne l’est déjà. Le peu que l’on sait déjà sur ce qui se passe à Bengazi et Tripoli donne la mesure hélas de massacres à venir. A Alger, même inquiétude. Bouteflika n’est pas un tendre, loin de là ! Dès lors, comment nos fluctuantes démocraties peuvent-elles accompagner ces lames de fond sans être tout aussitôt taxées d’ingérence scandaleuse ? Et d’ailleurs, le peut-on ? Certes, l’Occident croit dur comme fer avoir déposé une sorte de brevet ancien sur le vocable révolution, mais a-t-il les moyens d’infléchir le cours des choses ? Ca me semble difficile. Ce qu’on sait, les Américains en tête, c’est que cette partie du monde est en train de basculer sans qu’on sache la configuration nouvelle qu’elle prendra. Les Islamistes attendent-ils au coin du bois ? D’autres dictatures ont-elles des chances de s’imposer ? Et quelles seront les incidences sur le conflit israélo-palestinien ? Et le Canal de Suez où transitent nos tankers ? Et le pétrole ? Voilà bien des soucis, sujets de préoccupation en perspective. Quel historien américain avait prophétisé incongrument la fin de l’Histoire ?

 

                                             Yves CARCHON










      




                   

17/01/2011

CYNISME ORDINAIRE


La fuite de Ben Ali jette un trouble parmi nos dirigeants, à commencer par Sarkozy lui-même qui a refusé in extremis d’accueillir le dictateur sur le sol français. Trois jours plus tôt, nous étions prêts à aider le régime tunisien à mettre bon ordre au chaos qui se profilait dans les rues tunisiennes. Cette complaisance à l’égard du dictateur ne date pas hélas d’aujourd’hui. Mitterrand, Chirac en leur temps ont soutenu implicitement ce régime, et pour la seule raison qu’il était et serait un rempart efficace – et musclé – contre toute avancée islamiste au Maghreb. C’est ce qu’on appelle la real politique. Quand il s’agit de géopolitique ou de sauver nos intérêts économiques, on préfère fermer les yeux sur les Droits de l’Homme. Le pire, c’est que Ben Ali n’a jamais donné la preuve qu’il luttait contre l’islamisme, si ce n’est qu’il luttait contre tout ce qui pouvait remettre en cause son pouvoir dictatorial. On dit même que pour asseoir sa dictature, il n’hésita pas à s’appuyer sur certaines factions de la dite mouvance fondamentaliste. Et alors ? Ce qui compte, c’est le résultat, me dira-t-on. On sait depuis Machiavel qu’on ne gouverne pas les peuples sans cynisme. Admettons, quoique la pilule soit dure à avaler. Elle l’est d’autant plus que nos dirigeants n’étaient pas (et ne sont pas) les seuls fautifs. Nous-mêmes à notre façon faisions preuve de cynisme, un cynisme que je qualifierai d’ordinaire. Un cynisme d’occidental en mal d’exotisme, qui poussait certains à vouloir jouir des sables du désert ou d’un farniente à Djerba pour un prix des plus modiques, jetant un mouchoir pudique sur le nombre de politiques jetés en prison par Ben Ali ou même sur le sort de journalistes muselés, expulsés, traqués, interdits d’antenne. Un cynisme bonhomme et pas méchant qui s’accompagnait de bonne conscience, puisqu’on était là aussi  pour aider l’économie du cru ! Aussi, après la piteuse fuite du dictateur, serait-on bien inspiré en battant chacun sa coulpe. La Tunisie est et restera une contrée enchanteresse. Elle nous sauvera de notre impudence d’enfants gâtés quand elle deviendra réellement démocratique.

                                            Yves CARCHON