14/01/2011
LE COUP DE JARNAC
Voilà déjà quinze ans que feu Tonton nous a quitté. Quinze ans ! Cinq ans de plus et on était dans un Dumas. Pas l’ex-ministre des Affaires Etrangères mais dans Vingt ans après du grand Dumas. D’ailleurs, Tonton n’aurait pas détoné dans Les trois mousquetaires. L’affaire rocambolesque de l’Observatoire de Paris vaut bien celle des carats de la reine ! Quinze ans donc que François Mitterrand a rejoint le royaume des morts. Pour fêter cet anniversaire, voilà nos socialistes, tous – sauf DSK, Hollande et justement Dumas – debout devant la tombe de Jarnac ! A se presser comme un troupeau, à pousser de l’épaule pour être sur la photo ou en vedette aux JT du vingt heures ! Chacun se regardant comme l’héritier unique de Mitterrand ! C’est vraiment saisissant, désolant, pitoyable, un pareil spectacle ! La petite Mazarine – ainsi l’appelait-on avec pudeur jadis - est là aussi, comme faire-valoir. Et tous, on le comprend, ne pensent qu’à tirer les marrons de l’Histoire. Cette scène, on le voit bien, est éloquente et digne des Mémoires de Saint-Simon. On trouve les barons, les éléphants en tête (les éléphants au cimetière, ça fait sourire), les amis, satellites, compagnons de toujours (pas tant que ça au fond) et les icônes : les Ségolène, Jack, Martine, Arnaud... j’en passe. On pense, en surprenant leurs mines de faux derches et leurs sourires crispés, qu’ils préparent un bon coup. Leur coup. Le vieux coup de Jarnac ! Coup déloyal ou pernicieux, nous dit le bon Larousse. Un mauvais coup en somme. En se servant de la figure du Commandeur, tous comptent tirer profit des mannes du chantre national de la force tranquille. Un tel tableau - on pense à Un enterrement à Ornans de Courbet, considéré un temps comme brûlot socialiste – ne peut que décontenancer, voire ulcérer les électeurs de gauche. Voilà qui ne présage rien de bon. Ce dernier coup porté aux jarrets de la Gauche semble préfigurer un fiasco à venir.
Yves CARCHON
14:56 Publié dans numéro 20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tonton, jarnac, dumas, gauche
11/01/2011
La pudeur offensée de Roselyne Bachelot
Sexualité et handicap : voilà plusieurs années que l’idée fait son chemin dans les mentalités. En Europe, les exemples encourageants ne manquent pas. La Suisse, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Danemark ont ainsi légalisé la délicate profession d’assistant(e) sexuel(le), laquelle consiste, comme on le sait peut-être, à visiter des personnes lourdement handicapées - hommes et femmes – pour leur réapprendre les gestes conduisant au plaisir, cas échéant en y participant soi-même. Ces prestations, évidemment tarifiées, sont prises en charge, comme des actes médicaux ordinaires, par la sécurité sociale des pays concernés. Cette progressive reconnaissance d’un droit à la sexualité a même forcé l’attention de François Fillon, lequel retrouvant la fibre sociale de sa jeunesse a ainsi chargé l’un de ses députés, Jean-François Chossy, de plancher sur une proposition de loi visant à introduire ces soins d’un genre nouveau en France.
Mais, comme il est de règle dans le monde politique, les meilleures intentions se heurtent, sitôt qu’elles pointent le bout du nez, au tollé de tous les conservatismes. La réaction, en l’occurrence, est venue de son propre camp, par la bouche de sa ministre de la solidarité et de la cohésion sociale – passez-moi du peu ! -, madame Roselyne Bachelot. Interrogée sur le sujet le 6 janvier dernier, au cours d’une conférence de presse, elle a rejeté sans ambages cette idée pourtant généreuse, l’assimilant ni plus ni moins à de la prostitution, donc à une pratique dégradante pour les femmes. La réaction épidermique et partisane de notre ministre saute aux yeux et aux oreilles. Elle est étayée, du reste, par les termes inhabituellement méprisants (« un truc pareil ») avec lesquels elle a qualifié le projet, pourtant fort sérieux, de M. Chossy. Loin de réagir à cette question avec la relative impartialité et la réserve que l’on est en droit d’attendre d’un ministre, loin de s’interroger un peu sur le vécu calamiteux de cette population dont elle a pourtant la charge, Roselyne Bachelot a d’abord réagi en femme et en féministe, c'est-à-dire de façon vulgairement partisane. Belle leçon de solidarité ! On voit ici, non seulement les failles de la parité en politique, mais encore sa méconnaissance flagrante de ce sujet sensible. Car associer cette thérapie humaniste et innovante à de la prostitution relève du plus plat puritanisme – celui-ci étant, du reste, une constante de l’idéologie féministe la plus active, en France. C’est ignorer délibérément que la véritable prostitution se situe moralement aux antipodes des soins sexuels ainsi définis et de ceux qui ont la force d’âme de les prodiguer à des personnes grabataires. Encore qu’en ce domaine, il y ait aussi des exceptions et que certaines prostituées, nous le savons, acceptent sans en abuser les handicapés qui recourent à elles.
Détourner toujours le regard de cette réalité douloureuse, offrir la dignité comme remède à ces souffrances courageusement exprimées, c’est pécher par idéalisme et manquer à sa mission quand on a des responsabilités politiques. C’est la mesquine attitude, hélas, de Roselyne Bachelot qui justifie, une nouvelle fois, la piètre opinion que se font d’elle la plupart de nos concitoyens depuis la risible affaire des vaccins H1N1. Non, ce n’est pas en elle que les handicapés français trouveront leur Simone Weil. Au moins sauront-ils à qui ils doivent, présentement, une partie de leurs frustrations.
Jeanne LIBERT
10:23 Publié dans numéro 20 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : handicapés, sexualité, puritanisme, bachelot
07/01/2011
Il a bien fait !
Traditionnellement, le mois de janvier est celui des avalanches de vœux. Tout le monde y va des siens : à ses proches et à ses amis, dans la sphère privée, à ses administrés et à ses concitoyens dans la sphère publique. Sous cet angle-là, les politiques, barons locaux ou monarque républicain, ne sont jamais en reste. Il est vrai que rien ne coûte moins cher et qu’il n’y a aucune obligation sur les résultats. Les vœux du président de la république aux syndicats relèvent de ce protocole hypocrite. Rien ne sonne plus faux. Après avoir ferraillé tout l’automne sur la question des retraites et de leur réforme ; après être resté sourd au mugissement de l’opinion publique, ne voilà t’il pas que notre bon président voudrait serrer chaleureusement la paluche de ses principaux adversaires sociaux ?
« Il est bon, Jean-Claude, ce Dom Pérignon, n’est-ce pas ? Prenez encore un petit-four, cher François. »
Comme si, de la sorte, on pouvait passer l’éponge sur tous les griefs accumulés au cours de l’année passée.
Il y a des accolades qui démangent ; il y a surtout des rituels qui se sont progressivement vidés de leur sens. C’est ce que Bernard Thibault, leader de la CGT a sans doute voulu exprimer en boycottant cette invitation annuelle. Quand on méprise autant « la France d’en bas » que Nicolas Sarkozy ; quand, comme lui, on cherche à noyauter tous les centres de pouvoir politiques et publics, on ne peut pas espérer faire croire que l’on accepte le dissensus démocratique incarné par les forces syndicales. Bernard Thibault a ainsi fait un acte courageux et exemplaire. Un acte qui fera date. Il a bien fait !
Erik PANIZZA
15:41 Publié dans numéro 20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : janvier, voeux, protocole, cgt