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25/01/2011

Dignité recouvrée


Les Tunisiens ont relevé la tête. Il n’est que de les voir défiler dans les rues, parler à haute voix sur la place publique, exiger le départ de la clique au pouvoir –celle qui soutint durant plus de vingt ans le cynique Ben Ali - pour comprendre ce représente de facto une révolution en marche. Exulter ! Voilà ce dont un peuple longuement opprimé a besoin ! Et il est clair que là, en Tunisie, l’exultation est à son comble. On redécouvre le parler vrai, ce qu’est sourire, revendiquer, rêver. On ose enfin se regarder sans honte et sans tristesse.  Finis les sombres jours où l’on rasait les murs (qui avaient des oreilles), où l’on baissait les yeux par peur de la police, où l’on parlait à demi-mot en épiant son voisin. Désormais, on se lâche, exprimant ce qu’on pense, ce qu’on sent, ce qu’on veut. Et bien sûr on veut tout quand tout nous a manqué ! En observant ces turbulences, on craint bien sûr le pire : excès, épuration, liquidations aveugles. Mais le moteur de toute révolution est le désir de mettre fin au sentiment d’humiliation que ne supporte plus un peuple. Plus que le pain, le travail qui manquait, il s’agit bien de dignité blessée et bafouée dont les Tunisiens ont pâti. Dignité rétablie qu’ils comptent bien conforter, dussent-ils le payer cher. Un flou demeure pourtant dans les esprits chagrins. Tout paraît beau, trop beau. Pour l’après Ben Ali, après toutes ces années de dictature - donc de parti unique -, y a-t-il une relève politique capable de porter à bout de bras les aspirations de la rue ? Une opposition structurée, alors même que l’on sait que toute tentative démocratique a été minutieusement liquidée ? On sait que se préparent des élections, qu’on tiendra compte de toutes les mouvances (y compris islamiste). Espérons qu’elles accouchent du meilleur, non du pire. C’est en tout cas le vœu sincère et optimiste que je veux adresser au peuple tunisien.

 

                                           Yves CARCHON

17/01/2011

CYNISME ORDINAIRE


La fuite de Ben Ali jette un trouble parmi nos dirigeants, à commencer par Sarkozy lui-même qui a refusé in extremis d’accueillir le dictateur sur le sol français. Trois jours plus tôt, nous étions prêts à aider le régime tunisien à mettre bon ordre au chaos qui se profilait dans les rues tunisiennes. Cette complaisance à l’égard du dictateur ne date pas hélas d’aujourd’hui. Mitterrand, Chirac en leur temps ont soutenu implicitement ce régime, et pour la seule raison qu’il était et serait un rempart efficace – et musclé – contre toute avancée islamiste au Maghreb. C’est ce qu’on appelle la real politique. Quand il s’agit de géopolitique ou de sauver nos intérêts économiques, on préfère fermer les yeux sur les Droits de l’Homme. Le pire, c’est que Ben Ali n’a jamais donné la preuve qu’il luttait contre l’islamisme, si ce n’est qu’il luttait contre tout ce qui pouvait remettre en cause son pouvoir dictatorial. On dit même que pour asseoir sa dictature, il n’hésita pas à s’appuyer sur certaines factions de la dite mouvance fondamentaliste. Et alors ? Ce qui compte, c’est le résultat, me dira-t-on. On sait depuis Machiavel qu’on ne gouverne pas les peuples sans cynisme. Admettons, quoique la pilule soit dure à avaler. Elle l’est d’autant plus que nos dirigeants n’étaient pas (et ne sont pas) les seuls fautifs. Nous-mêmes à notre façon faisions preuve de cynisme, un cynisme que je qualifierai d’ordinaire. Un cynisme d’occidental en mal d’exotisme, qui poussait certains à vouloir jouir des sables du désert ou d’un farniente à Djerba pour un prix des plus modiques, jetant un mouchoir pudique sur le nombre de politiques jetés en prison par Ben Ali ou même sur le sort de journalistes muselés, expulsés, traqués, interdits d’antenne. Un cynisme bonhomme et pas méchant qui s’accompagnait de bonne conscience, puisqu’on était là aussi  pour aider l’économie du cru ! Aussi, après la piteuse fuite du dictateur, serait-on bien inspiré en battant chacun sa coulpe. La Tunisie est et restera une contrée enchanteresse. Elle nous sauvera de notre impudence d’enfants gâtés quand elle deviendra réellement démocratique.

                                            Yves CARCHON