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17/01/2011

CYNISME ORDINAIRE


La fuite de Ben Ali jette un trouble parmi nos dirigeants, à commencer par Sarkozy lui-même qui a refusé in extremis d’accueillir le dictateur sur le sol français. Trois jours plus tôt, nous étions prêts à aider le régime tunisien à mettre bon ordre au chaos qui se profilait dans les rues tunisiennes. Cette complaisance à l’égard du dictateur ne date pas hélas d’aujourd’hui. Mitterrand, Chirac en leur temps ont soutenu implicitement ce régime, et pour la seule raison qu’il était et serait un rempart efficace – et musclé – contre toute avancée islamiste au Maghreb. C’est ce qu’on appelle la real politique. Quand il s’agit de géopolitique ou de sauver nos intérêts économiques, on préfère fermer les yeux sur les Droits de l’Homme. Le pire, c’est que Ben Ali n’a jamais donné la preuve qu’il luttait contre l’islamisme, si ce n’est qu’il luttait contre tout ce qui pouvait remettre en cause son pouvoir dictatorial. On dit même que pour asseoir sa dictature, il n’hésita pas à s’appuyer sur certaines factions de la dite mouvance fondamentaliste. Et alors ? Ce qui compte, c’est le résultat, me dira-t-on. On sait depuis Machiavel qu’on ne gouverne pas les peuples sans cynisme. Admettons, quoique la pilule soit dure à avaler. Elle l’est d’autant plus que nos dirigeants n’étaient pas (et ne sont pas) les seuls fautifs. Nous-mêmes à notre façon faisions preuve de cynisme, un cynisme que je qualifierai d’ordinaire. Un cynisme d’occidental en mal d’exotisme, qui poussait certains à vouloir jouir des sables du désert ou d’un farniente à Djerba pour un prix des plus modiques, jetant un mouchoir pudique sur le nombre de politiques jetés en prison par Ben Ali ou même sur le sort de journalistes muselés, expulsés, traqués, interdits d’antenne. Un cynisme bonhomme et pas méchant qui s’accompagnait de bonne conscience, puisqu’on était là aussi  pour aider l’économie du cru ! Aussi, après la piteuse fuite du dictateur, serait-on bien inspiré en battant chacun sa coulpe. La Tunisie est et restera une contrée enchanteresse. Elle nous sauvera de notre impudence d’enfants gâtés quand elle deviendra réellement démocratique.

                                            Yves CARCHON