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28/11/2013

La chanson des vieux amants

Agés chacun de 86 ans, Bernard et Georgette ont été retrouvés morts, couchés dans un lit, main dans la main, dans une chambre du Lutetia à Paris. Apparemment, ils se seraient donné la mort par asphyxie. Ils s’étaient rencontrés à Bordeaux après la guerre. Un couple d’intellectuels : lui, haut fonctionnaire, économiste et philosophe, elle, prof de lettres et de latin et auteur de livres scolaires. Ils vivaient en région parisienne. Le geste – ou la geste – de nos deux octogénaires est bien sûr à replacer dans l’immense et difficile débat sur le droit à mourir dans la dignité. Bernard et Georgette ont laissé deux courriers pour expliquer leur geste : un au Procureur de la République et un à leur famille. Dans un des courriers de Georgette, elle dit sa fureur de « n’avoir pu partir sereinement, la loi ne permettant pas d’accéder à une mort douce ». Tout est dit dans ces quelques mots, simples et terribles. Nos autorités compétentes devraient bien s’inspirer de la tranquille détermination de nos deux octogénaires. Cette mort, on le voit bien, ne saurait être assimilée à un suicide. Cela semble s’apparenter à une ultime protestation. On pense à la paisible sérénité d’un Socrate, à la superbe des Stoïciens. Cela n’aura sans doute pas échappé à Bernard et Georgette. Et puis, surtout, il y a l’amour démesuré de ces deux là, qui ne suscite qu’une splendide sidération mêlée d’admiration, qu’élévation dans la beauté face à l’immense chagrin qui nous accable : le malheur d’être né. Gageons que nos amants gambadent désormais dans les verts pâturages avec des livres sous les bras et une fleur aux lèvres.

 

                                                 Yves CARCHON

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