Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/04/2016

Bruissements (61)

 

 

Constitution : Il est arrivé au pupitre de l’Elysée avec cette allure faussement martiale et un peu guindée qui le caractérise quand il doit faire une déclaration importante. Constatant qu’on n’avait pas trouvé un consensus sur la question de la déchéance de nationalité entre la Droite et la Gauche, il a expédié en quelques mots le problème : « En accord avec les présidents du sénat et de l’Assemblée, j’ai décidé de clore le projet de déchéance de la nationalité pour les terroristes. Il n’y aura pas de révision de la Constitution. » Voilà comment aura pris fin, mercredi 30 mars, le débat qu’il avait lui-même initié lors de son discours de Versailles, le 16 novembre dernier. Quatre mois de débats passionnés, où l’on a vu surgir les propositions les plus extrêmes, qui ont divisé les différents courants de la Gauche encore plus que la Gauche avec ses adversaires naturels ; eh bien  tout cela va passer dans les poubelles de l’histoire de la Cinquième République. Non sans avoir enfoncé un peu plus le clou dans le quinquennat Hollande. Car cette nouvelle palinodie, qui arrive après bien d’autres sur des projets pourtant attendus, n’est pas un bon signal envoyé au peuple français. Certes, cette loi aurait été plus symbolique qu’efficiente – et la peine d’indignité nationale pour les auteurs de crimes terroristes peut toujours la suppléer. Mais on attendait, là plus qu’ailleurs, une attitude vigoureuse et soutenue, dans la lignée de ses déclarations de novembre, pas un aveu final de lassitude et d’impuissance. Un jour prochain, des historiens établiront certainement la liste des lois avortées en comparaison de celles adoptées durant la gouvernance Hollande. Et ce bilan fera forcément ressortir le triomphe du dérisoire sur l’essentiel.    

 

Panama : Notre monde repose sur des secrets de moins en moins bien gardés. Et – soit dit en passant - Internet est pour beaucoup dans cette volatilité médiatique. Aussi des « affaires », périodiquement, remontent à la surface, provoquant leurs petits tsunamis politiques. Hier, c’était Wikileaks,  avant-hier Clairstream, aujourd’hui ce sont les « Panama papers », mais au bout du compte, qu’est-ce que ça change ? Rien de nouveau sous le soleil. Les hommes sont, pour la plupart, naturellement cupides. Ils songent à servir leurs intérêts égoïstes avant ceux de leur collectivité, de leur nation. Pour cela, ils sont capables de déployer des trésors d’ingéniosité. Les plus riches d’entre eux peuvent compter sur des bataillons de juristes aptes à faire jouer le droit contre la loi. Ceux-là vous créent en un tournemain une société-écran dans un pays de cocagne où vous pourrez faire fructifier vos capitaux loin des pères-fouettards de l’administration fiscale : car, enfin, y en a marre de toujours reverser une partie de son argent aux pauvres. Le cabinet d’avocats Mossak-Fonséca appartient sans nul doute à cette engeance aux deux visages. Son directeur se drape, depuis cette « fuite » scandaleuse, dans sa toge de lin blanc : « Un crime contre le Panama. Clame-t’il haut et fort. ». Son indignation prend des accents patriotiques. Car son pays a été, depuis, remis sur la liste des états douteux. Ce n’est pas demain la veille que le Panama évoquera spontanément le chapeau du même nom. Bon, ce n’est pas bien de pirater quelques millions de dossiers privés, même si ces révélations ne font que confirmer ce que tout le monde pensait. Car, enfin, qui peut s’étonner de retrouver, parmi ces expatriés fiscaux, des personnalités aussi vertueuses que Patrick Balkany, Michel Platini, Jérôme Cahuzac ou Patrick Drahi ? Dans le camp étranger, pas de surprise non plus en découvrant le nom de Vladimir Poutine ou celui de Mohammed Ben Nayef, prince saoudien récemment décoré de la Légion d’Honneur. Il y a très peu de chances que ces éclaboussures entrainent leur destitution dans leurs pays respectifs. Ce ne sera peut-être pas pareil pour le président ukrainien, le milliardaire Pétro Porochenko, pris lui aussi la main dans le sac. Quant à David Cameron, il se débat à son tour dans les justifications face à l’opinion anglaise. Mais, jusqu’à présent, dans les pays dits démocratiques, seule l’Islande a poussé à la démission son premier ministre Sigmundur David Gunnlaugsson. Mais arrêtons là ce jeu de massacre. Le problème est bien plutôt de trouver des solutions pour lutter contre les paradis fiscaux, quand bien même les pressions des USA et de l’OCDE ont réduit fortement leurs actifs en Europe. Il faudrait en premier lieu contrôler et taxer davantage les banques et leurs filiales étrangères. Ainsi la seule Société Générale a fait enregistrer pas moins de 979 sociétés off-shore au Panama. De quoi relancer plus âprement le débat sur la dématérialisation de l’argent et la traçabilité des transactions financières. La transparence ne concerne pas que les sous-vêtements féminins.

 

Détournement : on en sait un peu plus sur les motivations du pirate de l’air qui a détourné vers Chypre un A-320 de la compagnie Egypt-Air, le 29 mars dernier. Ce n’était pas un terroriste patenté mais un professeur de médecine d’Alexandrie qui a fait croire à tous qu’il était porteur d’une ceinture d’explosifs pour revoir son ex-épouse chypriote. Tous les otages ont été libérés et l’extravagant professeur arrêté juste après. Si ce n’est pas la première fois que l’amour est en cause dans ce genre de mésaventures, reconnaissons au moins qu’il peut donner des ailes à certains. Un beau geste, malgré tout, qui devrait inciter ses juges à la clémence. Dommage qu’il n’ait pas attendu la Saint-Valentin pour son amoureux transport, ce qui aurait été parfait.

 

Brigade : c’est officiel : une brigade blindée américaine de 6000 hommes va être déployée en Europe Orientale dès février 2017. La demande émane des Pays Baltes et de la Pologne. Car après l’annexion de la Crimée par Moscou, ceux-ci redoutent que la Russie poursuive ses incursions au-delà de ses frontières. Pour le Pentagone, il s’agit ainsi d’afficher son soutien à ces états membres de l’OTAN. Cela va porter à trois le nombre des brigades américaines actuellement réparties en Europe. Evidemment le Kremlin a protesté, par la voix de son ministre de la défense,  et a promis de réagir contre l’augmentation de la présence américaine dans la périphérie de la Russie. A l’heure où Obama et Poutine semblaient se rapprocher pour mieux lutter contre l’E I, cette nouvelle dissension a des relents de guerre froide.

  

             Erik PANIZZA

01/04/2016

La part du lion

                         

 

 A en croire la plupart des représentants syndicaux, les salaires seraient bloqués en France. Et il n’y aurait rien de plus urgent, pour relancer la consommation, que de les augmenter. Le directoire du PSA Peugeot-Citroën a sans doute été sensible à cet appel puisqu’il a décidé de mettre en œuvre  cette proposition pour son président Carlos Tavarès… Appelé à la tête du groupe en 2014, afin d’accélérer sa restructuration,  il avait perçu, cette année-là, le modeste salaire de 2,75 millions d’euros (975 000 en fixe et 1, 61 million en parts variables). Une somme bien méritée au regard de sa gestion excellente. Si bonne, même, que les objectifs de redressement attendus en 2018 ont été atteints, à 99%, dès 2015. Une telle performance méritait bien une petite augmentation. C’est ce qu’ont fait les principaux actionnaires du groupe en lui octroyant 5,24 millions d’euros en 2015. Ils se répartissent comme suit : 1, 3 million de fixe, 1,93 million en variables et 130 000 actions de performance valorisées à 2 millions d’euros mais disponibles – notez le bien – seulement en 2019. Ne soyons pas envieux et réjouissons-nous pour lui : voilà au moins un homme, dans ce pays, qui ne devrait pas souffrir de la crise au cours des prochains mois. Mais 5, 24 millions d’euros annuels, tout de même…Certains esprits doués pour le calcul  se sont amusés à disséquer ce chiffre, histoire de mieux le situer dans l’échelle des salaires en France. Sur la base d’une journée, cela ramène la rémunération de monsieur Tavarès à un peu plus de 14 000 euros, autrement dit environ 14 SMIC. Au niveau mensuel, cela représente donc 420 fois le salaire d’un ouvrier ordinaire. On est loin, très loin, de la proposition du candidat Hollande qui souhaitait, en 2012, limiter à vingt l’écart entre les plus hauts et les plus bas salaires s’il était élu président.

L’annonce de cette mesure de faveur a été accueillie, dans l’ensemble, avec une certaine hostilité. Seul l’inénarrable Pierre Gattaz a vu là le juste prix accordé à la réussite. Quant à Michel Sapin, ministre du budget – rappelons que l’état français est actionnaire à 14% dans la marque au lion -, il s’est presque excusé de n’avoir pu l’empêcher, précisant qu’il avait voté contre.

En bon citoyens, nous sommes particulièrement heureux qu’un groupe national comme Peugeot soit redevenu aussi compétitif sur le marché de l’automobile. Encore faudrait-il que ce ne soit pas son seul président qui profite de cette croissance. Quid de tous ceux qui, dans l’ombre des usines, ont participé aussi à sa relance économique ? A propos, il paraitrait que pour renouer avec les bénéfices, monsieur Tavarès aurait, dès son entrée en fonction, procédé à la suppression de 6000 emplois et « gelé » les salaires des ouvriers de PSA. Faites ce que je dis mais surtout pas ce que je fais.

 

       Bruno DA CAPO

25/03/2016

Bruissements (60)

 

 

Bruxelles : Trente et un tués et deux-cent trente blessés : c’est le bilan provisoire, mais effrayant, des attentats qui ont frappé Bruxelles, mardi 22 mars. A travers elle, ce sont aussi les valeurs de l’Union Européenne – dont elle aussi est la capitale – que les terroristes ont visées, peut-être par réaction à l’arrestation de Salah Abdelslam voici huit jours. Depuis, les gouvernements belges et français jouent à fleuré moucheté, s’accusant réciproquement de laxisme. Les questions se précipitent : Faut-il généraliser le PNR (qui recense les données personnelles de tous les passagers d’avion) ? Va-t’on appliquer des peines de perpétuité réelles pour ces assassins fanatisés lorsqu’ils viendront à être capturés et jugés ? Et que faire pour saisir les millions d’armes qui circulent illégalement dans la zone européenne ? Car il y a un lien avéré entre la délinquance ordinaire et ce pseudo djihad auquel se livrent de jeunes crapules -  peut-être en croyant ainsi se racheter. Bref, tous les voyants sont au rouge et les arrestations se multiplient un peu partout, non sans efficacité comme à Sarcelles où un nouvel attentat a été ainsi déjoué. Ce qui est à peu près certain, c’est que nous payons, avec ces attentats, une trop longue complaisance de nos dirigeants vis-à-vis du communautarisme et de l’intégrisme musulmans dans nos pays. Nous sommes entrés dans une séquence inédite de guerre civile et asymétrique, où nos ennemis ne sont plus clairement distincts comme par le passé. Il va nous falloir apprendre à vivre avec cette menace, en essayant de ne pas céder à la paranoïa.

 

Algérie : Tout comme Jacques Chirac, François Hollande est un président qui aime beaucoup les commémorations. Toutes les occasions lui sont bonnes pour qu’il se mette en scène, face aux caméras, dans le rôle, grave et auguste, du gardien de la mémoire nationale. Au besoin, il en invente de nouvelles. Ainsi, le samedi 19 mars, il a ajouté à notre calendrier historique la fin de la guerre d’Algérie et le début des accords d’Evian voici cinquante quatre ans. Sa décision a fait plaisir, sans nul doute, au gouvernement algérien, lui qui a toujours revendiqué son caractère de guerre d’indépendance. Mais elle a choqué tous ceux – à commencer par les enfants de pieds-noirs et de harkis – pour qui l’abandon de l’Algérie a été une date funeste pour la France. Car la question algérienne reste une cicatrice mal refermée. Et elle continue d’alimenter le ressentiment de nombreux français contre la France.

 

Jeunesse : Périodiquement, la jeunesse française - qui n’est pas aussi mollassonne que certains le disent – se mobilise contre des projets gouvernementaux. Sans remonter à mai 68, on se souvient encore des manifestations qu’avait entrainé, en décembre 1986, le projet Devaquet sur la réforme des universités françaises. En mars 2006, ce fut le contrat première embauche – le fameux CPE – que Chirac et Villepin durent retirer de leur programme sous la colère de la jeunesse concernée. Cette année, c’est le projet de loi sur le travail porté par Myriam El Khomri qui suscite –à juste titre – sa vindicte. La semaine dernière, ce sont des dizaines d’établissements scolaires qui ont fermé leurs portes en signe de protestation. Et des défilés bigarrés d’étudiants ont envahi les rues de la capitale pour exprimer leur refus de l’avenir professionnel qu’on leur propose. Et des CRS se sont comportés, une nouvelle fois, comme on les a si souvent caricaturés.  Dans cette ambiance survoltée, on a vu aussi d’autres défilés cherchant à faire entendre un son de cloche plus surprenant. Ainsi à Aix, ce sont de jeunes partisans de l’Action Française qui sont descendu dans la rue. On croyait cette organisation, d’obédience nationaliste et  royaliste, morte avec Charles Maurras, son fondateur historique, en 1952. Pas du tout ! En 2016 elle a encore des affidés gonflés à bloc. Et des détracteurs, aussi, avec les partis et les associations de gauche qui demandent son interdiction dans l’espace public. Se sentent-ils à ce point menacés pour redouter un type de militance qui relève plus du folklore que de la politique ?

 

Logements sociaux : S’il y a un phénomène de plus en plus sensible dans la société française actuelle, c’est la désolidarisation. Les classes les plus aisées ne veulent plus payer pour les plus défavorisés. Aux orties la fraternité, les droits de l’homme, l’humanitaire  et toutes ces notions qui encombrent la mémoire républicaine ! On ne veut plus penser qu’à soi, à son confort, à son avoir et surtout pas se mélanger aux catégories jugées inférieures. Dans ces conditions, il est difficile de se dire encore citoyen de ce pays. La question des logements sociaux est révélatrice de cet état d’esprit. Ils sont, on le sait, obligatoires en proportion de la taille des communes. Mais beaucoup, parmi elles, préfèrent payer des amendes pour retard de construction que de diligenter les travaux nécessaires. Il faut dire que leurs habitants y sont pour quelque chose. Ainsi, dans le XVI eme arrondissement parisien, l’annonce de la création d’un centre d’hébergement d’urgence pour les SDF, a entrainé une véritable fronde des résidents de ce quartier huppé contre la maire Anne Hidalgo. Lors de la présentation du projet à l’université Paris-Dauphine, le 14 mars dernier, elle s’est fait traiter de tous les noms d’oiseaux par des bourgeoises qui craignaient sans doute qu’un tel centre fasse baisser le prix du mètre carré à Neuilly. D’accord pour des travestis brésiliens, la nuit, au bois de Boulogne : c’est pittoresque. Mais pas de travailleurs sans abri et encore moins de réfugiés syriens ! Une certitude résulte au moins de cette triste affaire : lorsqu’il s’agit de défendre leurs intérêts, les riches sont tout aussi violents et irrévérencieux que les pauvres.   

 

 

Erik PANIZZA