22/04/2016
Hollande sur l’autel de la France
Jeudi soir, triste prestation que celle de François Hollande sur France 2 ! Dire qu’on souffrait pour lui ne saurait résumer le gouffre séparant le Président de ces Français venus l’apostropher. Et pas n’importe comment. Le ton semblait donné : parler franc, plutôt net, sans fioritures à un président qui se voulait encore « normal ». Certes, on mettait les formes mais on sentait monter l’exaspération de ces représentants, censés porter la parole citoyenne, qui ne se sentaient plus compris ni en adéquation avec le pouvoir à Paris. Un dialogue de sourds où notre président tentait vaille que vaille d’endiguer l’impatience émanant des questions, dont les réponses ne convainquaient personne. Moi le premier.
A croire qu’un spleen démocratique a peu à peu fondu sur l’Hexagone. Oui, le dialogue est bel et bien grippé entre nos dirigeants et nous qui, aujourd’hui, n’en pouvons plus mais. Gravissime divorce exposé en direct où notre président se débattait dans la nasse des réalités d’aujourd’hui, rimant hélas avec chômage, précarité, misère, confusion politique et tentation pour de nombreux compatriotes de se livrer aux sirènes du FN.
Le dialogue citoyen a bien sûr ses limites, celle notamment de démythifier le Président et sa fonction, au risque de devoir réduire ses interventions et son action à celle d’un comptable devant rendre des comptes aux contrôleurs en chef que nous serions. Dans l’exercice, il y avait hélas de l’hallali, un je ne sais quoi pareil à une fin de règne, piteuse et malheureuse. Dommage. On peut penser pourtant qu’un tel psychodrame aura peut-être le mérite de générer un sursaut salutaire dont notre France aurait besoin. On l’espère de tout cœur, même si l’on a perdu nos dernières illusions.
Yves CARCHON
15:29 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hollande, questions, exaspération, hallali
15/04/2016
Nuit debout : la petite insurrection qui monte, monte…
Le projet de loi El Khomri sur la réforme du code du travail est-il la goutte d’eau qui va faire déborder la coupe de la colère populaire contre le gouvernement Valls ? Tout porte à le penser quand on voit l’effervescence qu’il n’en finit pas de produire depuis son annonce. La journée de grève du 31 mars a sans doute été un pic dans la contestation du tournant libéral pris par Hollande et consort. Elle a accouché, parmi d’autres initiatives politico-associatives, d’un curieux petit mouvement résumant le ras-le-bol général : Nuit debout. Né – tout un symbole – sur la place de la République, à Paris, il s’est depuis propagé à une soixantaine de villes françaises ; à Marseille, c’est au cours Julien, près de la Plaine, qu’il s’est établi depuis quelques soirs, tout en lorgnant maintenant vers des quartiers plus excentrés. Comme son nom l’indique, les assemblées publiques sont nocturnes ; on y mange, on y boit, on y exprime à tour de rôle ses attentes et ses points de vue selon une codification gestuelle précise (agiter les bras en l’air en signe d’approbation, croiser les bras pour exprimer son désaccord). Les interventions sont relayées sur les réseaux sociaux, mais aussi sur une radio et une chaîne de télé ad hoc sur le web. Et – c’est loin d’être un détail négligeable – la comptabilité des jours s’effectue depuis la journée inaugurale du 31 mars (aujourd’hui, nous sommes ainsi le 46 mars).
Dans sa forme, Nuit debout rappelle d’autres révoltes populaires comme, voici quelques années, Occupy Wall Street, à New-York, ou le mouvement des Indignés, à Madrid. Comme eux, il est d’inspiration anarchiste – un anarchisme gauchisant – et entend aborder tous les problèmes actuels sans médiation, selon le vieux principe de la démocratie directe. Comme eux il génère quelques débordements qui inquiètent les forces de l’ordre. S’il y a, dans Nuit debout, quelque chose qui fleure bon l’utopie printanière, on aurait tort, cependant, de sous-estimer sa puissance d’insurrection : après tout, mai 68 a aussi débuté par des réunions marginales. On sent, comme jamais, la volonté partagée de renouveler la vie politique en France, à commencer par son personnel et ses dirigeants du moment. Mais, pour influer sur le cours des choses, il faudra non seulement que Nuit debout gagne encore des participants mais qu’il accepte, tôt ou tard, de se couler dans le moule de la démocratie représentative : c’est ce qu’a fait Syriza en Grèce ou Podémos en Espagne. Cela vaut encore mieux, pour préserver son originalité, que d’être récupéré par des politiciens rapaces, eux qui voudraient bien profiter de sa popularité et de ses idées. Quoiqu’il en soit, le balancier politique français, longtemps bloqué à droite, semble repartir vers la gauche. Et il pourrait bien surprendre ceux qui se croient toujours les représentants légitimes du peuple.
Jacques LUCCHESI
09:31 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nuit debout, assemblées, utopie, indignés
12/04/2016
Lampedusa, Lesbos et le Pape François
Voilà donc le Pape en passe d’embarquer pour l’île de tous les dangers, voire des pires tentations : Lesbos ! Cher François, je sais bien sûr que c’est pour la bonne cause : sensibiliser le monde aux problèmes cruciaux que rencontrent les réfugiés qui fuient la guerre, sans parler de ceux qui émigrent à cause de la misère ou de l’oppression régnant dans leur pays. L’Europe, pas toujours avisée, nous dit qu’il faut distinguer les émigrés politiques des autres qu’on parquerait en Turquie pour les dissuader de « s’incruster chez nous », dixit les épigones de Marine Le Pen. Hélas ! Peut-on sciemment différencier les types de misère ? Non sans doute, et pourtant il semble qu’on veuille s’y employer… Le Pape à sa façon – je ne suis pas spécialement religieux – fait cependant le job. Après Lampedusa, Lesbos. Quelles îles ! Je ne sais si l’on doit en rire mais ça paraît troublant à l’esprit littéraire que je suis. Lampedusa rappelle évidemment aux lecteurs Le Guépard, beau roman où est retracée la fin d’un monde : celui d’une aristocratie terrienne au profit de la révolution menée par Garibaldi et mis en forme par Cavour, révolution qui devait mener à l’unité italienne. La fin d’un monde, tiens, tiens. Ne serait-ce pas le nôtre ? Quant à l’île de Lesbos, que tout lecteur de poésie connaît pour être le berceau de la grande Sappho, (ne pas confondre avec la Grande Sophie), elle garde encore une forte symbolique féministe, laquelle, je présume, n’a pu échapper à l’entourage savant de François… Doit-on y discerner une intention subliminale ? Un message crypté ? Qu’importe ! François semble ignorer les ricanements de certains. Porté par le message qu’il veut donner au monde, il n’a que faire de brûler ses vaisseaux !
Yves CARCHON
13:46 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lesbos, guépard, cavour, françois