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19/02/2016

Bruissements (58)

 


Remaniement : Il a fini par arriver, ce remaniement ministériel si attendu. Il fallait, pour le président, donner un signal fort aux voix discordantes qui montent de tous côtés dans son camp, mais c’est peut-être un nouveau coup d’épée dans l’eau. Quelles sont les principales caractéristiques de ce nouveau – et sans doute ultime - gouvernement du quinquennat Hollande? La sempiternelle parité a bien été respectée avec dix-huit hommes et dix-huit femmes ; pas exactement à des postes équivalents, non plus. Les « poids lourds » sont restés à leurs places respectives : Valls à Matignon, Sapin à Bercy, Cazeneuve à Beauvau et le cumulard Le Drian à la défense. Ségolène Royal, une fois de plus, n’a pas eu ce qu’elle escomptait, ce ministère des affaires étrangères, plus prestigieux que stratégique, qui revient au discret Jean-Marc Ayrault en remplacement de l’habile Laurent Fabius parti présider le Conseil Constitutionnel – une sinécure à 7000 euros par mois. A la culture, la pathétique Fleur Pellerin a laissé la place – ce n’était pas trop tôt – à Audrey Azoulay (une amie de Julie Gayet) qui, de toutes les façons, ne fera pas mieux, vu les restrictions budgétaires qui affectent ce secteur. On note aussi une inflation des secrétariats d’état – pas moins de vingt dans ce gouvernement -, histoire de caser les amis méritants : à près de 10 000 euros par mois, sans parler des autres avantages, on comprend que beaucoup voudraient en être. C’est ce qui explique en partie la présence de trois transfuges d’EELV, Jean-Vincent Placé, Barbara Pompili et Emmanuelle Cosse. Une façon pour Hollande d’assurer ses arrières en vue de 2017. Pas sûr que l’histoire lui donne raison.

Casino : Hold-up au casino d’Aix en Provence durant la nuit de vendredi à samedi 13 février. Quatre individus tout de blanc vêtus et armés de mitraillettes ont fait une irruption fracassante dans cet établissement très fréquenté le week-end. Au bout du compte, ils n’ont dérobé que quelques milliers d’euros avant de repartir en voiture vers Marseille. Le plus intéressant dans cette affaire, c’est sans doute la réaction de panique des centaines de personnes présentes cette nuit-là dans les salles du Pasino. Elles ont cru, aux premiers tirs, que c’était un nouvel attentat terroriste qui se déroulait et se sont précipités vers les bureaux et les toilettes pour se cacher (vingt-trois d’entre elles ont été blessées dans la bousculade). Par chance, ce n’était qu’un hold-up, un bon vieux hold-up comme il s’en commettait environ un par semaine, il y a trente ou quarante ans. Presqu’un acte rassurant par les temps actuels. Moi, à la place du caissier, je leur aurais donné l’argent qu’ils demandaient avec plaisir : « Prenez, mes braves, prenez tout. Et bonne route. »


Peshmergas : Si on ne cesse avec raison de parler des jeunes français qui, par stupidité ou idéalisme, vont s’enrôler dans les rangs de Daesh, il faut de plus en plus compter, à présent, avec un autre phénomène, véritable effet miroir du premier. Ils sont de plus en plus nombreux, ceux qui s’équipent et vont rejoindre, à la frontière turco-syrienne, les combattants kurdes qui mènent depuis de longs mois un combat héroïque contre les djihadistes de l’état islamique. Pourquoi partent-ils ? Pourquoi quittent-ils des conditions de vie confortables en France pour aller soutenir au péril de leur vie les Peshmergas ? Par un élan de générosité profonde, sans doute. Parce qu’ils ont compris que se jouait là-bas un combat décisif pour la sauvegarde de l’humanité et de ses valeurs les plus nobles. Ces engagements spontanés ne sont pas sans rappeler les brigades internationales qui affluaient vers l’Espagne déchirée par la guerre civile pour aider les républicains dans leur lutte contre les troupes fascistes. Mais n’allons pas trop loin dans la comparaison. Ce qui est certain, c’est qu’un jour futur on fera, dans ce conflit qui endeuille aujourd’hui la Syrie, la différence entre les loups et les lions, entre le bon grain et l’ivraie. Toutes les causes ne se valent pas. Tous les coups, même à la guerre, ne sont pas permis.

Erik PANIZZA

12/02/2016

Un RSA sous conditions ?

 

Créé en 2009 en remplacement du RMI, le RSA est une allocation qui remplace ou complète les revenus de personnes sans emploi ou à faible insertion sociale. Il faut, pour y prétendre, avoir au moins vingt-cinq ans (mais il y a aussi un RSA jeunes) et avoir travaillé au moins deux ans durant les trois années précédant la demande. Son montant est variable selon que l’allocation est versée à un couple ou une personne isolée, mais il ne dépasse guère les cinq cents euros. C’est peu, si l’on tient compte du coût actuel de la vie et cela place ses bénéficiaires bien en dessous du seuil officiel de pauvreté (moins de neuf cents euros). Mais pour tous ceux qui fustigent l’assistanat en France – et ils sont nombreux, à droite comme à gauche -, il faut croire que c’est encore trop. C’est ainsi que dans le Haut-Rhin, Eric Straumann, député LR et président du Conseil Général, a émis l’idée, récemment, de conditionner le versement du RSA à sept heures de bénévolat par semaine. Sa proposition n’était censée concerner que les allocataires de son département (environ vingt-mille personnes) ; elle n’en a pas moins soulevé un tollé national, et pour cause ! D’abord parce que le bénévolat implique une parfaite liberté de décision et d’engagement. Faire du bénévolat forcé serait la négation même de cette notion. D’autant qu’une telle activité d’insertion pourrait concurrencer les petits emplois faiblement rémunérés qui sont le propre du secteur associatif. Enfin – et Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, ne s’est pas privée de le rappeler -, le RSA est un dispositif national qui ne peut pas être négocié à l’échelon local.
Il est vrai que la proposition de monsieur Straumann arrive dans un contexte plutôt tendu entre les chômeurs et l’état – qui voudrait bien réduire la durée de versement de leurs allocations. Elle fait écho à celle de son homologue des Alpes Maritimes, Eric Ciotti, qui, lui, voudrait suspendre le versement du RSA à ceux qui auraient refusé deux offres d’emploi successives. Avec de tels politiciens, le modèle social français a du souci à se faire. Voilà au moins un sujet ou la Gauche et la Droite ne sont pas tout à fait d’accord. Pour le moment.

Bruno DA CAPO

05/02/2016

Bruissements (57)

 

Taubira : En annonçant publiquement sa sortie du gouvernement, mercredi 27 janvier, Christiane Taubira a fait l’évènement. Etait-ce pour autant une surprise ? Non, car l’ex-Garde des Sceaux était notoirement en désaccord avec le projet de loi sur la déchéance de nationalité porté par François Hollande et Manuel Valls – ce que son petit livre, depuis, a confirmé. Et ce n’était pas, bien sûr, la première fois que ses convictions étaient heurtées par la tournure prise par ce quinquennat prétendument socialiste. (Rarement on aura enregistré autant de démissions, volontaires ou non). Le premier ministre a hypocritement salué son départ, osant dire qu’elle manquerait au gouvernement : pas à lui, en tous cas, vu leurs rapports tendus depuis 2012. Le bilan qui se dégage des trois années de Christiane Taubira à la place Vendôme est plutôt mitigé. Si elle a réussi à faire voter la loi instaurant le mariage pour tous en 2013 et, un an plus tard, la suppression des peines-planchers, elle a échoué en revanche sur la réforme de la justice pour les mineurs et la suppression de la Cour de Justice de la République. Partisane des peines alternatives à l’incarcération (comme le bracelet électronique), elle fut souvent critiquée par l’opposition pour son supposé laxisme : reste que les prisons, sous son ministère, ne se sont pas désengorgées ni améliorées en qualité de vie. D’autre part – et c’est plutôt inquiétant – jamais une ministre n’aura été aussi raillée pour sa couleur de peau et ses origines raciales. De basses calomnies que cette femme au caractère bien trempée a su traiter avec le mépris qu’elles appelaient. Avec Christiane Taubira c’est une certaine idée de la Gauche qui quitte à pas feutrés ce gouvernement. Où les absents sont maintenant plus remarquables que ceux qui restent.

Iran : Avec la levée des sanctions économiques contre l’Iran et son retour dans la communauté internationale, c’est un marché potentiel de quatre-vingts millions de consommateurs qui s’ouvre aux industries européennes. De fait, on déroule un peu partout le tapis rouge à son président, Hassan Rohani, transformé en super-représentant de commerce. En enfouissant sous le même tapis les questions liées aux droits de l’homme et à la répression féroce qui s’exerce toujours au pays de l’ancienne Perse. On redécouvre aussi les différences de cette civilisation avec la nôtre, notamment pour ce qui touche à la pudeur et à l’impudeur. La semaine dernière Matteo Renzi, qui recevait le président iranien à Rome, a cru bon prendre les devants et faire voiler les nus antiques qui peuplent les musées italiens. Belle façon de voiler aussi son identité culturelle pour plaire à ce visiteur richissime. A-t’on jamais vu des chefs d’état musulmans se mettre à la mode occidentale lorsqu’ils reçoivent un dirigeant européen en visite officielle ? La France, qui accueillait le lendemain, le délicat Rohani, a banni le vin du banquet de réception à l’Elysée, François Hollande ayant chargé Manuel Valls d’assurer le discours de bienvenue. Notre cher président ne s’est pointé qu’à l’heure du thé pour parachever la négociation de juteux contrats avec son homologue iranien. En évitant soigneusement d’évoquer les questions qui fâchent. Ainsi va le monde quand l’économie y règne en souveraine absolue.

Jours de colère : Mardi 26 janvier, il y avait beaucoup de monde dans les rues pour protester contre la politique gouvernementale. Les enseignants, bien sûr, opposés à la réforme scolaire par le bas de Najat Vallaud-Belkacem, mais aussi les fonctionnaires en lutte contre l’austérité planifiée qui bloque depuis quatre ans leur indice de progression. Quant aux taxis, en grève eux aussi, ils pestaient contre l’intrusion d’Uber dans ce qu’ils estiment être leur pré carré. A Marseille, place Castellane, on a vu quelques pneus brûler et enfumer le ciel ce jour-là. Ils ont raison, évidemment, de défendre leur profession, mais ils n’empêcheront pas, à moyen terme, les changements commerciaux induits par les nouvelles technologies. Le samedi suivant, c’était au tour de la préfecture d’être assiégé par des manifestants qui réclamaient la fin du déversement des déchets industriels dans les calanques. Beaucoup de bonne volonté, surtout quand on sait le peu de poids des revendications écologiques et citoyennes face au pouvoir de l’industrie et de l’argent. Ce même jour, on pouvait voir un autre défilé de protestation, contre la prolongation de l’état d’urgence, celui-là. Car beaucoup, y compris dans la classe politique, ne comprennent pas ce qu’il peut apporter de plus aux dispositifs anti-terrorisme déjà mis en place. En revanche, ils commencent à mesurer les risques d’extension des pouvoirs de l’état sur les libertés individuelles (déjà bien rognées). Enfin, cette semaine, c’étaient les agriculteurs qui réclamaient une amélioration de leurs conditions de travail et de ventes. Les tracteurs, dans les villes, ont pris la relève des taxis pour signifier à l’imposant Stéphane Le Foll leur ras-le-bol généralisé. Lequel s’est vu offrir, mercredi soir, à Bourg-en-Bresse, une pelle et un « mille-feuille administratif » agrémenté d’une bougie d’anniversaire (puisque le ministre fêtait ses 56 ans). Un strip-tease improvisé de quelques agriculteurs a suivi ce présent significatif. Contrairement à leur ministre de tutelle les paysans français manquent de tout mais pas d’humour.


Migrants : Si ces différents problèmes sociaux ont occulté, depuis quelques semaines, la question des réfugiés, celle-ci ne s’est pas arrêtée à la fin de l’été. On sait quelle attitude de fermeture, vis-à-vis d’eux, ont adoptée des pays comme la Hongrie, la Pologne ou la Slovénie. L’Allemagne, après leur avoir ouvert généreusement ses frontières, est en train de rétrograder, surtout après l’affaire de Cologne. Idem pour la Suède et le Danemark, ce dernier projetant même de ponctionner les réfugiés au dessus de 400 euros de biens personnels. Mais la palme de l’ignominie revient sans doute au belge Carl Decaluwé, - gouverneur de la Flandre Occidentale -, qui a demandé à ses concitoyens de ne plus donner à manger aux migrants en provenance de Calais afin qu’ils ne viennent plus ici. A l’entendre, on aurait cru qu’il parlait de pigeons ou de chats. Un tel oubli des devoirs les plus élémentaires fait froid dans le dos. La déshumanisation des esprits se porte plutôt bien dans cette partie de l’Europe.

 

                      Erik PANIZZA