22/03/2016
Fin de cavale
Au terme d’une cavale de quatre mois, Salah Abdelslam, 26 ans, – l’homme le plus recherché d’Europe – a été arrêté vendredi 18 mars par la police belge. Le plus lâche – et donc le seul survivant – des neuf terroristes qui ont ensanglanté Paris en novembre dernier se cachait tout simplement près de chez lui à Molenbeek, petite commune au nord de Bruxelles dont on sait à présent que c’est un vivier d’islamistes radicaux. Contrairement à l’attaque du RAID à Saint Denis, son arrestation s’est faite sans trop de difficulté. Blessé à la jambe durant l’attaque, il a été soigné puis incarcéré dans une prison de Bruges, sous haute surveillance et dans l’isolement le plus total. Que va-t’il se passer pour lui, maintenant ? Il faut tout d’abord que la Belgique accepte de l’extrader, comme le demande la France, pour qu’il soit jugé dans notre pays. Cela peut prendre du temps, d’autant que son avocat fait tout – mais c’est son rôle – pour repousser cette procédure. L’enquête va être longue et couteuse ; il se pourrait fort qu’elle ne nous apporte guère plus d’informations que l’on ne sache déjà. Quant à son procès, qui aura lieu, forcément, d’ici quelques années, il va vraisemblablement se solder par une condamnation à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de vingt-deux ans. Car nous savons qu’en France, aucun condamné à perpétuité ne purge réellement cette peine. Avec les remises pour bonne conduite – car ce sera sûrement un prisonnier modèle -, cet infâme salopard a toutes les chances de se retrouver libre au bout d’une vingtaine d’années. Il aura alors moins de cinquante ans et pourra reprendre, ici ou ailleurs, sa guerre contre le modèle démocratique français qu’il hait tant. Un premier interrogatoire a d’ailleurs montré que, non seulement il ne regrettait rien mais qu’il préparait encore un attentat du même acabit que ceux de Paris.
Une telle justice a de quoi laisser pantois. N’importe qui ayant un peu de bon sens voit bien qu’elle n’est pas adaptée à des crimes et des criminels d’une telle ampleur. Quid des cent trente vies que lui et ses complices ont annihilées au nom d’une idéologie démentielle par une douce soirée d’automne? Puisqu’on parle d’ores et déjà d’une juridiction d’exception pour juger Salah Abdelslam, allons plus loin et osons envisager une peine d’exception pour lui. Osons lever cet absurde verrou qui interdit à nos pays d’appliquer une légitime violence, une élimination définitive des individus qui sont leurs ennemis déclarés et qui n’ont pas le moindre respect pour la vie humaine (j’englobe aussi un meurtrier comme le fasciste norvégien Anders Behring Breivik). Les américains, qui ne sont pas sur ce point aussi stupides que nous, n’ont pas hésité à condamner à mort Djokhar Tsarnaëv, l’un des deux auteurs de l’attentat de Boston qui a fait trois morts et deux-cent soixante quatre blessés en avril 2013. On touche là sans doute à une des faiblesses constitutives de l’Union Européenne ; délicatesse qui suscite la dérision un peu partout dans le monde.
Paul-Jean MARAT
13:59 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cavale, molenbeek, attentat, procès
18/03/2016
Les repentis de l’E I
La nouvelle, mercredi 9 mars, a surpris le monde entier : une clé USB contenant les fiches signalétiques de 22 000 combattants de Daesh a été livrée, via la Turquie, à la chaîne anglaise Sky News par un membre repenti de cette organisation. Les autorités ont tout d’abord cru à une ruse de guerre. Mais, après vérifications, l’expéditeur de cette fameuse clé a été identifié. Il se présente sous le pseudo d’Abu Hamed et dit avoir été un partisan de Daesh qu’il a fui depuis, déçu par ses méthodes qu’il juge comme « une escroquerie sans rapport avec les principes de l’Islam ». On peut à peine imaginer quelle mine d’informations sur l’E I cette « fuite » représente. 22 000 formulaires (même si certains tentent déjà de minimiser ce chiffre) qui contiennent les noms, adresses et numéros de téléphone des recrues de Daesh dans le monde entier. Ils ont été remplis par des ressortissants de 55 pays, protocole qui rappelle le caractère extrêmement bureaucratique de cette organisation criminelle. Parmi ces apprentis djihadistes, on ne trouve pas moins de 25% de saoudiens, mais aussi 500 français. Ce questionnaire en 23 points porte sur leur ancienne profession, leur degré de compréhension de l’Islam ou encore le rôle qu’ils veulent jouer au sein de l’E I. Beaucoup, parmi eux, sont déjà morts ou connus des services de renseignements. Mais de nombreux autres, en revanche, étaient jusque là insoupçonnés, vivant tranquillement en Europe occidentale, aux USA ou au Maghreb en attendant de passer à l’attaque. Si toutes ces données sont confirmées, la police des états concernés va pouvoir agir en amont et arrêter ceux qui ont été séduits par cette funeste organisation.
Cette « fuite » d’informations n’est pas la première mais c’est quand même la plus importante à ce jour. Elle arrive à un moment ou l’E I est en recul sur la plupart des territoires qu’il avait conquis en Irak et en Syrie – ce qui ne signifie en rien qu’il a épuisé sa capacité de nuisance. Elle en dit long également sur le cheminement intérieur de nombreux membres de Daesh, confrontés depuis trois ans à une surenchère dans l’horreur. Ceux-là voudraient rentrer chez eux mais on ne sort pas aussi facilement d’un tel engrenage. Car tout est loin d’être homogène dans le pseudo califat fondé par Abou Bakr Al-Baghdadi. Et que des luttes intestines pourraient bien aboutir à sa division en plusieurs factions d’ici peu. Autant d’éléments qui devraient freiner l’ardeur belliqueuse des jeunes imbéciles que Daesh cherche à enrôler, via Internet, dans nos contrées. Car le voyage proposé prend de plus en plus la tournure d’un aller simple pour l’enfer.
Bruno DA CAPO
14:49 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : daesh, repentis, formulaires, fuite
11/03/2016
2050
L’intelligence artificielle n’a pas fini de nous surprendre ! Son inéluctable apport dans le devenir de notre humanité – pour le meilleur et pour le pire – pose néanmoins quelques questions d‘ordre philosophique, voire éthique. On a vu il y a peu en 1997 Kasparov, champion d’échecs, battu par Deep Blue d’IBM. Aujourd’hui, c’est au tour de Fan Hui, champion de go, de se faire battre à plate couture (5 à 0) par le logiciel Deep Mind de Google. Le go, jeu stratégique asiatique où deux joueurs s’affrontent, consiste à prendre les pions de l’autre, mais surtout le cerner à l’aide de ses propres pions et occuper le plus d’espace. Le logiciel Deep Mind s’est avéré, nous dit Nature, « étonnamment mature, solide, patient et incisif… »
On arrête là pour ce qui est des traits qualitatifs du logiciel, car peut-être nous écoute-t-il et en tire-t-il déjà toutes les conséquences sur l’avenir commun qui sera nôtre et qu’une perplexité par trop humaine risquerait de gâcher… Il va sans dire que ces créations très humaines, issues de nos cerveaux, que sont ces logiciels grandement performants nous renvoient à nos peurs et nos doutes. Certes, on peut sans ambages déclarer que derrière Deep Mind se cache tout le génie humain et que Fan Hui n’aurait été battu que par une fine équipe de chercheurs, donc par d’autres humains… Il n’en demeure pas moins que l’obsession de l’apprenti-sorcier revient en force et qu’on ne peut s’empêcher de penser qu’une confrontation pourrait être possible dans l’avenir 2050 entre humains et robots.
Déjà, certains états (voyous ou franchement criminels) pensent lever des armées de robots pour régler les conflits sans pertes humaines pour les leurs. Le pire (ce à quoi nos chercheurs travaillent ferme) : donner des émotions aux futurs logiciels… Ne resterait qu’un mieux certain : que les robots travaillent à notre place pour libérer l’humain de l’esclavage. Mais dans ce cas, ne pas nantir ces pauvres-diables d’émotions trop humaines, car nous deviendrions esclavagistes et eux de misérables humains !
Yves Carchon
14:47 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : échecs, go, robots, deep mind