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25/03/2016

Bruissements (60)

 

 

Bruxelles : Trente et un tués et deux-cent trente blessés : c’est le bilan provisoire, mais effrayant, des attentats qui ont frappé Bruxelles, mardi 22 mars. A travers elle, ce sont aussi les valeurs de l’Union Européenne – dont elle aussi est la capitale – que les terroristes ont visées, peut-être par réaction à l’arrestation de Salah Abdelslam voici huit jours. Depuis, les gouvernements belges et français jouent à fleuré moucheté, s’accusant réciproquement de laxisme. Les questions se précipitent : Faut-il généraliser le PNR (qui recense les données personnelles de tous les passagers d’avion) ? Va-t’on appliquer des peines de perpétuité réelles pour ces assassins fanatisés lorsqu’ils viendront à être capturés et jugés ? Et que faire pour saisir les millions d’armes qui circulent illégalement dans la zone européenne ? Car il y a un lien avéré entre la délinquance ordinaire et ce pseudo djihad auquel se livrent de jeunes crapules -  peut-être en croyant ainsi se racheter. Bref, tous les voyants sont au rouge et les arrestations se multiplient un peu partout, non sans efficacité comme à Sarcelles où un nouvel attentat a été ainsi déjoué. Ce qui est à peu près certain, c’est que nous payons, avec ces attentats, une trop longue complaisance de nos dirigeants vis-à-vis du communautarisme et de l’intégrisme musulmans dans nos pays. Nous sommes entrés dans une séquence inédite de guerre civile et asymétrique, où nos ennemis ne sont plus clairement distincts comme par le passé. Il va nous falloir apprendre à vivre avec cette menace, en essayant de ne pas céder à la paranoïa.

 

Algérie : Tout comme Jacques Chirac, François Hollande est un président qui aime beaucoup les commémorations. Toutes les occasions lui sont bonnes pour qu’il se mette en scène, face aux caméras, dans le rôle, grave et auguste, du gardien de la mémoire nationale. Au besoin, il en invente de nouvelles. Ainsi, le samedi 19 mars, il a ajouté à notre calendrier historique la fin de la guerre d’Algérie et le début des accords d’Evian voici cinquante quatre ans. Sa décision a fait plaisir, sans nul doute, au gouvernement algérien, lui qui a toujours revendiqué son caractère de guerre d’indépendance. Mais elle a choqué tous ceux – à commencer par les enfants de pieds-noirs et de harkis – pour qui l’abandon de l’Algérie a été une date funeste pour la France. Car la question algérienne reste une cicatrice mal refermée. Et elle continue d’alimenter le ressentiment de nombreux français contre la France.

 

Jeunesse : Périodiquement, la jeunesse française - qui n’est pas aussi mollassonne que certains le disent – se mobilise contre des projets gouvernementaux. Sans remonter à mai 68, on se souvient encore des manifestations qu’avait entrainé, en décembre 1986, le projet Devaquet sur la réforme des universités françaises. En mars 2006, ce fut le contrat première embauche – le fameux CPE – que Chirac et Villepin durent retirer de leur programme sous la colère de la jeunesse concernée. Cette année, c’est le projet de loi sur le travail porté par Myriam El Khomri qui suscite –à juste titre – sa vindicte. La semaine dernière, ce sont des dizaines d’établissements scolaires qui ont fermé leurs portes en signe de protestation. Et des défilés bigarrés d’étudiants ont envahi les rues de la capitale pour exprimer leur refus de l’avenir professionnel qu’on leur propose. Et des CRS se sont comportés, une nouvelle fois, comme on les a si souvent caricaturés.  Dans cette ambiance survoltée, on a vu aussi d’autres défilés cherchant à faire entendre un son de cloche plus surprenant. Ainsi à Aix, ce sont de jeunes partisans de l’Action Française qui sont descendu dans la rue. On croyait cette organisation, d’obédience nationaliste et  royaliste, morte avec Charles Maurras, son fondateur historique, en 1952. Pas du tout ! En 2016 elle a encore des affidés gonflés à bloc. Et des détracteurs, aussi, avec les partis et les associations de gauche qui demandent son interdiction dans l’espace public. Se sentent-ils à ce point menacés pour redouter un type de militance qui relève plus du folklore que de la politique ?

 

Logements sociaux : S’il y a un phénomène de plus en plus sensible dans la société française actuelle, c’est la désolidarisation. Les classes les plus aisées ne veulent plus payer pour les plus défavorisés. Aux orties la fraternité, les droits de l’homme, l’humanitaire  et toutes ces notions qui encombrent la mémoire républicaine ! On ne veut plus penser qu’à soi, à son confort, à son avoir et surtout pas se mélanger aux catégories jugées inférieures. Dans ces conditions, il est difficile de se dire encore citoyen de ce pays. La question des logements sociaux est révélatrice de cet état d’esprit. Ils sont, on le sait, obligatoires en proportion de la taille des communes. Mais beaucoup, parmi elles, préfèrent payer des amendes pour retard de construction que de diligenter les travaux nécessaires. Il faut dire que leurs habitants y sont pour quelque chose. Ainsi, dans le XVI eme arrondissement parisien, l’annonce de la création d’un centre d’hébergement d’urgence pour les SDF, a entrainé une véritable fronde des résidents de ce quartier huppé contre la maire Anne Hidalgo. Lors de la présentation du projet à l’université Paris-Dauphine, le 14 mars dernier, elle s’est fait traiter de tous les noms d’oiseaux par des bourgeoises qui craignaient sans doute qu’un tel centre fasse baisser le prix du mètre carré à Neuilly. D’accord pour des travestis brésiliens, la nuit, au bois de Boulogne : c’est pittoresque. Mais pas de travailleurs sans abri et encore moins de réfugiés syriens ! Une certitude résulte au moins de cette triste affaire : lorsqu’il s’agit de défendre leurs intérêts, les riches sont tout aussi violents et irrévérencieux que les pauvres.   

 

 

Erik PANIZZA

07/05/2012

Chronique d'une victoire annoncée

 


 

 

On murmurait son nom dès dimanche après-midi dans les coulisses. Toutefois, il fallait quand même attendre 20 heures pour que son portrait et son nom s'affichent sur toutes les chaînes de télévision. François Hollande a donc remporté cette élection présidentielle avec 51,70% des voix. Il devient ainsi, à 57 ans, le 7eme président de la République (et le 24eme depuis la fondation de celle-ci). Avec lui, la Gauche revient au pouvoir par la grande porte, ce qui ne lui était plus arrivé depuis 1988. Si ses électeurs laissaient libre-cours à leur joie du côté de la Bastille, le ton de ses lieutenants – Manuel Valls et Jean-Marc Ayraud en tête – était en revanche plus pondéré sur les plateaux de télé. Pas d'arrogance dans le triomphe: il ne fallait pas refaire les erreurs du camp adverse en 2007, respecter aussi la déception de tous ceux qui ont soutenu jusqu'au bout Nicolas Sarkozy. A la Mutualité, le discours du président désavoué fut d'ailleurs d'une rare humilité, face à des militants oscillant entre la tristesse et la colère: mais le fair-play est encore la meilleur façon de sauver la face. Va-t'il se retirer de la vie politique, comme il l'a annoncé en cours de campagne? Comment l'UMP va faire face, au cours des prochaines semaines, à cette crise majeure? Ce sont des questions qui ne manqueront pas de revenir dans l'actualité de ces prochaines semaines. Quant au vainqueur du jour, c'est à Tulle, dans son fief corrézien, qu'il fit sa première déclaration présidentielle vers 21H30. Là, face à un public de fidèles, il ne dérogea pas au caractère rassembleur de sa campagne, réaffirmant son respect pour son adversaire et sa gratitude à ses électeurs, insistant sur sa volonté de faire avancer l'égalité tout en repoussant l'austérité, rappelant surtout son engagement en faveur de la justice et de la jeunesse. De belles paroles qui seront rapidement jugées à l'aune de ses actes. Car pour Hollande, les choses sérieuses ne font que commencer et il aura bien vite à prendre, dans le cadre de son programme, des décisions qui ne seront guère consensuelles – comme l'augmentation de 25% de la prochaine allocation scolaire de rentrée. Il ne faut pas, non plus, minorer les élections législatives en juin prochain, même si la majorité qui s'en dégagera devrait lui être favorable. Oui, les défis sont, pour lui, nombreux et ses faux-pas sont attendus, y compris dans son propre camp. Bonne chance quand même, monsieur le Président.

 

                                                  Bruno DA CAPO