01/04/2016
La part du lion
A en croire la plupart des représentants syndicaux, les salaires seraient bloqués en France. Et il n’y aurait rien de plus urgent, pour relancer la consommation, que de les augmenter. Le directoire du PSA Peugeot-Citroën a sans doute été sensible à cet appel puisqu’il a décidé de mettre en œuvre cette proposition pour son président Carlos Tavarès… Appelé à la tête du groupe en 2014, afin d’accélérer sa restructuration, il avait perçu, cette année-là, le modeste salaire de 2,75 millions d’euros (975 000 en fixe et 1, 61 million en parts variables). Une somme bien méritée au regard de sa gestion excellente. Si bonne, même, que les objectifs de redressement attendus en 2018 ont été atteints, à 99%, dès 2015. Une telle performance méritait bien une petite augmentation. C’est ce qu’ont fait les principaux actionnaires du groupe en lui octroyant 5,24 millions d’euros en 2015. Ils se répartissent comme suit : 1, 3 million de fixe, 1,93 million en variables et 130 000 actions de performance valorisées à 2 millions d’euros mais disponibles – notez le bien – seulement en 2019. Ne soyons pas envieux et réjouissons-nous pour lui : voilà au moins un homme, dans ce pays, qui ne devrait pas souffrir de la crise au cours des prochains mois. Mais 5, 24 millions d’euros annuels, tout de même…Certains esprits doués pour le calcul se sont amusés à disséquer ce chiffre, histoire de mieux le situer dans l’échelle des salaires en France. Sur la base d’une journée, cela ramène la rémunération de monsieur Tavarès à un peu plus de 14 000 euros, autrement dit environ 14 SMIC. Au niveau mensuel, cela représente donc 420 fois le salaire d’un ouvrier ordinaire. On est loin, très loin, de la proposition du candidat Hollande qui souhaitait, en 2012, limiter à vingt l’écart entre les plus hauts et les plus bas salaires s’il était élu président.
L’annonce de cette mesure de faveur a été accueillie, dans l’ensemble, avec une certaine hostilité. Seul l’inénarrable Pierre Gattaz a vu là le juste prix accordé à la réussite. Quant à Michel Sapin, ministre du budget – rappelons que l’état français est actionnaire à 14% dans la marque au lion -, il s’est presque excusé de n’avoir pu l’empêcher, précisant qu’il avait voté contre.
En bon citoyens, nous sommes particulièrement heureux qu’un groupe national comme Peugeot soit redevenu aussi compétitif sur le marché de l’automobile. Encore faudrait-il que ce ne soit pas son seul président qui profite de cette croissance. Quid de tous ceux qui, dans l’ombre des usines, ont participé aussi à sa relance économique ? A propos, il paraitrait que pour renouer avec les bénéfices, monsieur Tavarès aurait, dès son entrée en fonction, procédé à la suppression de 6000 emplois et « gelé » les salaires des ouvriers de PSA. Faites ce que je dis mais surtout pas ce que je fais.
Bruno DA CAPO
15:07 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : psa, directoire, automobile, smic
18/12/2013
Bruissements (29)
Mandela : de mémoire d’homme, on n’avait encore jamais assisté à un tel hommage funéraire. Même Gandhi – qui fut, lui, assassiné en 1948 – n’avait pas bénéficié d’une telle grand messe planétaire. Mardi 10 décembre, dans le stade national de Soweto plein à craquer, pas moins de 80 chefs d’état étaient présents pour commémorer la mémoire de Nelson Mandela, dont François Hollande et Nicolas Sarkozy réunis, ou presque, pour la circonstance. Que Mandela puisse fédérer à ce point n’est pas sans poser des questions. Si le combat qu’il mena contre l’Apartheid fut juste, assurément, il reste celui d’une majorité d’opprimés contre une minorité oppressive, c'est-à-dire une approche totalement partisane dans un pays particulier : l’Afrique du Sud. Quant aux méthodes qu’employa son parti, l’ANC, pour se hisser au pouvoir, elles demeurent plus que contestables, surtout vis-à-vis de militants noirs appartenant à d’autres formations politiques. Finalement, la vraie grandeur de Mandela sera sans doute d’avoir refusé la vengeance contre les blancs lorsqu’il fut élu président en 1994, essayant ainsi d’établir une coexistence pacifique entre ethnies que tout opposait. A l’heure actuelle, nombreux sont les régimes, en Afrique et au Moyen-Orient, qui gagneraient à s’inspirer de son exemple. Oui, à Soweto, mardi dernier, il fallait « en être », afin de prouver son attachement aux valeurs démocratiques- lesquelles n’empêchent en rien l’exploitation des peuples. Et continuer le travail de repentance qui caractérise, depuis quelques décennies, l’attitude du monde occidental vis-à-vis des anciens pays colonisés.
Centrafrique : Et c’est reparti dans l’ancien fief de Bokassa. Après l’intervention au Mali, en janvier dernier, les troupes françaises vont maintenant faire la police du côté de Bangui. Mission délicate – pour ne pas dire impossible – que celle qui consiste à désarmer les factions rivales, chrétiennes et musulmanes, qui s’entre-massacrent depuis plusieurs semaines. Surtout quand c’est l’une de ces milices - la Seleka - qui assure la protection du président centrafricain, comme on l’a vu dimanche dernier, lors de la visite éclair de François Hollande. A peine de retour à Paris c’est une cérémonie aux deux (premiers) soldats tués qui l’attendait. Décolonisés mais pas trop, les Centrafricains… Car comme d’autres jeunes républiques africaines, la Centrafrique manque cruellement de structures étatiques ; situation qui fait la part belle à tous les combattants de l’ombre qui ambitionnent d’exercer un pouvoir sans limite sur les populations. D’où l’appel au secours au grand frère français qui est rappelé, contraint et forcé, dans son ancien pré carré. Du reste, ça commence à devenir une vieille habitude : rappelons que depuis les années 60, l’armée française est intervenue une quarantaine de fois dans cette région du monde. De l’Afrique, on peut dire qu’elle est l’épreuve du feu obligée pour tout engagé qui veut faire carrière.
Sarkozy : Une fatalité. Voilà comment Nicolas Sarkozy a présenté à la presse française la perspective de son retour en politique et de sa candidature en 2017. Une fatalité ou une plaisanterie ? Devant l’état actuel de la France, « il ne pouvait pas ne pas revenir ». On appréciera la phrase doublement négative et le dévouement affiché pour justifier son insatiable appétit de pouvoir. D’autres avant lui – dont un certain Philippe Pétain – nous ont déjà fait le coup du sacrifice personnel ; et il n’est pas du tout certain que les Français se laissent attraper, une nouvelle fois, à ses boniments.
Pollution : pendant ce temps, la France connaît un nouveau pic de pollution aux particules fines. En cause le redoux et les conditions anticycloniques au dessus de nôtre territoire. Un coup d’œil sur le ciel de Paris – mais ce n’était pas mieux à Marseille – suffisait, la semaine dernière, à s’épouvanter devant l’ampleur du phénomène. Voilà l’air que les citadins respirent dans nos rues engorgées d’automobiles. Et que fait le gouvernement Ayrault pour enrayer cette lente asphyxie ? Rien. Rien de suivi, en tous les cas. A la trappe le projet de taxation majorée du diesel ! A la trappe l’écotaxe devant la colère des routiers ! Un pas en avant, un pas en arrière. Avec Hollande et sa bande, les meilleures intentions finissent toujours au fond des tiroirs. Faut-il lui rappeler que la pollution aux particules fines est responsable de 42 000 décès prématurés en France ?
Bitcoin : connaissez-vous le bitcoin ? C’est une monnaie numérique achetable sur le Net en vue de contourner l’hégémonie bancaire. Avec elle plus d’intermédiaire. Chacun devient son propre courtier pour spéculer ou simplement acheter en ligne. La mésaventure survenue récemment à un jeune Anglais (qui a jeté son disque dur avec 7500 bitcoins engrangés, soit l’équivalent de 7,5 millions de dollars) illustre le caractère volatile et aléatoire de cette nouvelle unité monétaire. Avec elle, les investisseurs peuvent gagner gros si elle progresse. Mais ils peuvent aussi tout perdre si elle s’effondre, et aucune banque, aucun état, ne se portera garant de leur mise. Le bitcoin, c’est le règne absolu du libre-échange. Une alternative qui en dit long sur le progressif effritement de nos institutions.
SMIC: eux n’achèteront certainement pas des bitcoins. Eux, c'est-à-dire les trois millions de Français dont le salaire est aligné sur le SMIC. Comme chaque année, en décembre, il a été revalorisé, mais de la façon la plus chiche qui soit : 1,1%. Autrement dit, le SMIC horaire va passer de 9,43 à 9,53 euros. Sur la base de 35 heures hebdomadaires, cela ajoutera 12 euros aux 1113 euros nets que perçoit mensuellement cette catégorie de salariés. Pas de quoi acheter des truffes à Noël. Quand on sait l’envolée des prix et le coût actuel de la vie, on aurait presque envie d’en rire si ce n’était aussi affligeant. Non, ce n’est pas avec des hausses de salaires aussi dérisoires que le gouvernement Ayrault relancera la consommation et la croissance. Car le grand problème, le principal problème en France, ce sont les salaires planchers trop bas. Et les socialistes, maintenant aux affaires, ne s’en préoccupent pas davantage que la Droite avant eux.
Erik PANIZZA
15:27 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mandela, centrafrique, bitcoin, smic