25/09/2015
Bruissements (52)
Syrie : François Hollande a donc décidé d’intensifier les frappes aériennes sur les positions de Daesh en Syrie. Il a bien fait, même s’il sera sans doute critiqué pour cette décision. Aurait-il joué la carte de l’attentisme qu’on le lui aurait également reproché. Freud avait raison : gouverner, tout comme soigner et éduquer, est bien une tâche impossible. Mais si les bombardements de la coalition ont, depuis quelques mois, entravé la progression des djihadistes sur le terrain, elles ne seront pas suffisantes pour éradiquer le cancer islamiste dans cette région. D’autant que l’afflux de nouvelles recrues en provenance du monde entier – jeunes imbéciles épris d’exploits militaires – contribue à le reformer. Pour cela, il faudrait l’envoi d’un corps expéditionnaire aussi courageux et déterminé que le sont les combattants kurdes – les fameux peshmergas – près de la frontière turque. Et, pour le moment, personne ne veut y aller. On sait d’ailleurs que la Turquie – adversaire déclaré de Daesh – confond souvent, lors de ses tirs, les djihadistes et les peshmergas. Quant aux Russes qui s’engagent peu à peu pour soutenir le régime – ou ce qu’il en reste – de Bachar El Assad, leur seule présence ne sera pas suffisante pour changer la donne. Les migrants syriens n’ont pas fini de déferler sur les côtes européennes.
Egypte : il ne fait pas bon, par les temps qui courent, faire du tourisme au Moyen-Orient. Quand ce ne sont pas des terroristes qui mitraillent les touristes (comme en Tunisie), ce sont des militaires qui les confondent avec des djihadistes et les prennent pour cibles. C’est la tragique méprise dont a été victime, le 13 septembre dernier, un groupe de Mexicains qui circulaient avec leurs guides égyptiens dans la région désertique de Farafra. Bilan : 12 morts et 10 blessés. Le gouvernement égyptien a, bien sûr, ouvert une enquête. Mais il y a gros à parier que ces vies stupidement annihilées seront passées, comme tant d’autres, par les pertes et profits. Quand on vous dit que les guerres sont horribles…
La Mecque : une grue qui s’effondre sur la Grande Mosquée de la Mecque, tuant plus de cent personnes, à quelques jours du Hajj – le grand pèlerinage musulman : voilà qui a de quoi alarmer les croyants. Comment ne pourraient-ils pas voir un signe divin dans cette tragédie ? Mais même les Saoudiens n’ignorent pas que, derrière les catastrophes les plus déconcertantes, il y a souvent une responsabilité humaine. C’est ainsi qu’au fil de l’enquête, ils sont remontés jusqu’au groupe de construction immobilière Ben Laden, gérant du chantier et qui n’avait pas respecté les normes de sécurité en la matière. Oui, Ben Laden, comme le défunt fondateur d’Al Qaïda et organisateur des attentats de New-York en 2001. Lequel n’était autre qu’un rejeton de cette richissime lignée d’entrepreneurs saoudiens. Décidément les catastrophes, volontaires ou involontaires, sont chez eux une affaire de famille.
Grèce : on ne donnait pas cher de son avenir politique après sa démission fracassante du mois d’août. Pourtant, dimanche dernier, au terme d’élections législatives anticipées, Alexis Tsipras est encore sorti victorieux des urnes avec une courte majorité de son parti Syriza. S’il a de fortes chances de retrouver son poste de premier ministre, il va néanmoins devoir composer avec l’aile modérée du parlement grec et accepter les conditions de remboursement de la dette dictées par Bruxelles. Sans parler du sort des migrants arrivés massivement sur les côtes grecques, cet été. Pas vraiment une sinécure que la gouvernance de la Grèce actuelle. Une seule certitude : le rêve d’une politique anti-austérité est bien derrière lui.
Pauvreté : Une bonne nouvelle sur le front économique français : la pauvreté a reculé en 2013 de 0,3%. Elle ne touche plus que 14% de la population, contre 14,3% en 2012. Cela repose en partie sur le relèvement des minimas sociaux (RSA, ASS). Si l’on ajoute à cela la baisse (1,8%) des revenus des plus riches, plus taxés sur leur patrimoine, on comprend que la majorité socialiste ait retrouvé le sourire – d’autant que c’est la première augmentation du niveau de vie des plus pauvres depuis 2008. Malgré tout, 8,6 millions de Français continuent à vivre avec moins de 1000 euros par mois (quand le revenu moyen est de 1667 euros). Une hirondelle ne fait pas le printemps, surtout en automne.
Régionales : Elles se rapprochent à grands pas, ces élections régionales de décembre. Et le PS sait qu’elles risquent d’être un nouveau camouflet pour lui et la politique gouvernementale. Aussi son patron, Jean-Christophe Cambadélis, appelle à l’union sacrée de la Gauche. Et de proposer, à la mi- octobre, un référendum populaire pour y parvenir. L’ennui, c’est que les autres formations qui composent cette famille ne sont plus disposées à jouer les faire-valoir d’un parti qui les a largement ignorées dans sa conduite des affaires. Il faudrait peut-être que le PS arrête d’agiter des épouvantails et règle ses problèmes en interne.
Wolksvagen : mettre un tigre dans son moteur, c’est démodé aujourd’hui. Mieux vaut y installer un logiciel qui ramène, lors des contrôles anti-pollution, les émissions d’azote et de gaz carbonique à la norme convenue pour mieux l’outrepasser sitôt après. C’est le choix qu’a fait Wolksvagen pour conquérir le marché américain. Manque de chance : son astuce a été détectée par une ONG et ce sont 11 millions de ses véhicules qui vont revenir au bercail. Allez faire, après ça, confiance à la rigueur allemande ! Rien qu’aux Etats Unis, le constructeur teuton risque une amende de 18 milliards de dollars. Il restera bien, malgré tout, quelques millions d’euros pour offrir un « parachute doré » à Martin Winterkorn, patron de la célèbre firme, après sa nécessaire démission.
Erik PANIZZA
13:45 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : syrie, egypte, pauvreté, wolksvagen
16/02/2015
Tombeau pour Kayla Jean Mueller
La jeune Américaine Kayla Jean Mueller, enlevée par le groupe Etat islamique, a été tuée, selon ce même groupe, par un raid de la coalition dans le nord de la Syrie. Ayant reçu confirmation des services de la Maison Blanche, on imagine ses parents abattus.Mais ce n'est pas au cours d'un raid qu'elle serait morte mais sous les coups de ses bourreaux. Pendant sa détention qui remontait à 2013, les parents de Kayla avaient contacté directement l'Etat islamique, lui envoyant un message privé pour sa libération et demandant une réponse à eux seuls adressée. Dans leur réponse, les ravisseurs ont eu l'intolérable cynisme de souligner que Kayla serait traitée en « invitée ». Au fait, qui était Kayla Jean ? Une jeune femme qui eut le tort d'être « dévouée au peuple syrien ». Une jeune militante ayant consacré sa jeune mais déjà dense carrière à aider « ceux dans le besoin à travers le monde. » Etait-ce donc un délit ? Il semblerait que pour certains c'était un crime à réprimer. Dès décembre 2012, cette courageuse jeune femme avait rejoint la frontière syro-turque. Pour quelle sombre mission ? Pour combattre l'Etat islamique ? Qu'on se détrompe : Kayla voulait aider « les déplacés fuyant la guerre en Syrie ». Comme on le voit, l'humanitaire était le moteur de sa vie. Aujourd'hui, saluons sa mémoire. Kayla Jean Muller avait une mission auprès des malheureux du monde entier. Elle a été assassinée par cet Etat qui se dit tel et qui n'est autre qu'un repaire d'assassins. Contre ces égorgeurs, notre gouvernement doit être aux premiers postes. C'est un devoir. Plus : un impératif urgent. Il faut sauver d'autres Kayla tombées entre les griffes des Islamistes !
Yves CARCHON
14:59 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : kayla, syrie, humanitaire, égorgeurs
07/02/2014
Djihadistes : retour en France
Depuis quelques mois, les retours forcés de Français partis se battre en Syrie se multiplient. Il y a ceux qui n’ont pas eu de chance et qui reviennent dans un cercueil, comme ces deux demi-frères normands en décembre dernier. D’autres, heureusement, rentrent sains et saufs, rapatriés en France via la Turquie et aussitôt mis en examen, comme les deux adolescents toulousains - 15 et 16 ans- la semaine dernière. Au total, on estime à environ 200 le nombre de jeunes Français qui se sont rendus en Syrie pour prêter main forte aux forces rebelles au régime Assad. Nombre qui s’élève à 500 lorsqu’on englobe les autres ressortissants européens qui sont allés là-bas, défendre la même cause.
Au demeurant ce désir d’aventure militaire, qui pousse un individu à s’engager par conviction dans des guerres extra-nationales, n’est pas nouveau. On ne saurait que rappeler le souvenir de ces Français qui, tel Malraux, apportèrent leur soutien total aux combattants républicains lors de la guerre civile espagnole (1936-1939). Plus loin dans le temps, il y a Lord Byron, sulfureux poète anglais qui prît le parti des Grecs contre les Turcs : il devait y laisser sa vie en1824. Autant d’attitudes généreuses et idéalistes mais pas nécessairement religieuses. Ce n’est pas exactement le cas en Syrie, puisqu’on sait que ces nouveaux volontaires, souvent convertis de fraîche date à l’Islam, sont pris en charge, dès leur arrivée, par des organisations proches d’Al Qaïda, avec l’endoctrinement que l’on imagine aisément. Et cela inquiète, bien sûr, les autorités de leurs pays d’origine : car, lorsque ce conflit aura enfin trouvé son issue, que feront-ils, de retour en France ou ailleurs, de ces terribles apprentissages ?
Le citoyen lambda regarde avec perplexité ces engagements extrémistes. A juste titre, car on peine à leur trouver des motivations rationnelles. Défendre son pays, quand celui-ci est attaqué, est une attitude noble, voire héroïque. Se rebeller contre un pouvoir tyrannique, aussi. C’est le cas pour tous ces Syriens qui se battent présentement pour un avenir plus libre et plus digne : faut-il dire qu’ils bénéficient toujours d’une importante sympathie de la part des Européens ? S’engager dans un conflit étranger non par conviction mais par intérêt est, certes, bien plus contestable mais relève encore d’une forme de rationalité. Notre époque n’a certes pas inventé les mercenaires, même si elle les a dotés d’une puissance nouvelle - comme pour les hommes de la société américaine Black Water, lors de la deuxième guerre d’Irak.
Rien de tout cela pour les apprentis djihadistes en Syrie. Leur motivation est principalement religieuse : défendre l’Islam – ou plutôt le Sunnisme – contre le clan Assad, de confession Alaouite, donc hérétique à leurs yeux. Est-ce que, cependant, leur foi est leur unique motivation ? Sûrement pas ! Car il faut aussi prendre en compte la pression que le contexte économique actuel fait peser sur bien des jeunes, eux qui ne voient guère de quoi leur avenir sera fait. Comme d’autres, candidats à l’exil professionnel, ils pensent trouver dans la voie guerrière une forme d’accomplissement. Il y a aussi – et surtout – ce goût pour l’épreuve physique qui taraude tant de jeunes mal socialisés. Ils nous reposent, à leur façon, le problème de la guerre, nous qui avons tout fait depuis sept décennies pour la museler en Europe. Cette aspiration au combat, non plus, n’est pas nouvelle. Et toutes les sociétés pré-modernes l’ont prise en compte, cherchant à la canaliser de la façon la plus intégratrice possible. C’est seulement l’appréhension de ce faisceau de causes qui peut éclairer ce juvénile volontariat pour la Syrie.
Bruno DA CAPO
14:42 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : assad, syrie, byron, black water