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03/06/2011

La Boîte de Pandore






A-t-il fallu que le puritanisme d’outre-Atlantique soulève le lièvre DSK pour que  la boîte de Pandore s’ouvre brutalement sur les coulisses peu ragoûtantes de notre monde politique bien franchouillard ? On pourrait le penser. Qu’une femme de chambre, par son courage, ait osé porter plainte renvoie à l’évidence une pâle image de soi à celles qui, harcelées voire agressées chez nous, ont eu peur de le faire. C’est le cas d’une des victimes supposées dans l’affaire Tron qui, dans une interview, affirme que ce qui s’est passé au Sofitel de New York a pour beaucoup libéré sa parole. Du coup, des femmes journalistes et surtout nos élues ont témoigné du machisme ordinaire et grossier, pour ne pas dire de la goujaterie de leurs homologues masculins dans l’enceinte même de l’Assemblée et du Sénat. Triste retour de manivelle, triste constat pour ma génération qui a accompagné et appuyé le mouvement féministe, mais ce cruel constat a au moins le mérite de démontrer (s’il en était besoin) que le sexisme a cours au plus haut sommet de l’Etat et qu’il serait grand temps d’y remédier. On sait depuis longtemps que sexe et politique ont de tous temps entretenu des liens pervers. On sait aussi qu’il est de bon aloi en France d’en minimiser l’accointance. Jusqu’à quel point ? Tant qu’il s’agit d’affaires d’alcôve, d’échangisme, de fréquentations assidues chez les Dames de l’art, je n’y vois pas problème. Quand il s’agit, comme Luc Ferry l’affirme, d’actes pédophiliques qui auraient été perpétrés par un ministre de la République à Marrakech, voilà qui n’est plus admissible. Le libre-échangisme entre adultes consentants ne tombe pas sous le coup de la loi, dont acte. Mais la pédophilie est condamnée pénalement et celui qui s’y livre – puissant ou non – encourt une lourde peine. Ce qui est gravissime dans l’affaire Ferry, c’est que le philosophe nous dit que le pitoyable ministre a manifestement été couvert par le pouvoir en place et qu’à ce titre ce pouvoir est lui aussi coupable d’avoir tu l’acte condamnable. S’il s’avérait dans les jours à venir que les choses se confirment et que des preuves, des témoignages soient apportés (pourquoi diable Ferry se serait-il lancé dans cette galère ?), il y a fort à parier que nous ayons affaire à une affaire d’Etat. Du Sofitel et en passant par de curieuses séances de réflexologie, nous voilà arrivés à ce qui a tout lieu de bousculer la donne des présidentielles en 2012 : un PS grandement sonné par le cas DSK, l’UMP et le gouvernement franchement écornés par les pratiques du ministre Tron, l’exécutif carbonisé si cette affaire Ferry prend son essor. Autrement dit, autant de bulletins de vote portés sur un plateau d’argent pour le FN !


Yves CARCHON

17:44 Publié dans numéro 20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : puritanisme, tron, ferry, fn

11/01/2011

La pudeur offensée de Roselyne Bachelot


     


 Sexualité et handicap : voilà plusieurs années que l’idée fait son chemin dans les mentalités. En Europe, les exemples encourageants ne manquent pas. La Suisse, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Danemark ont ainsi légalisé la délicate profession d’assistant(e) sexuel(le), laquelle consiste, comme on le sait peut-être, à visiter des personnes lourdement handicapées  - hommes et femmes – pour leur réapprendre les gestes conduisant au plaisir, cas échéant en y participant soi-même. Ces prestations, évidemment tarifiées, sont prises en charge, comme des actes médicaux ordinaires, par la sécurité sociale des pays concernés. Cette progressive reconnaissance d’un droit à la sexualité a même forcé l’attention de François Fillon, lequel retrouvant la fibre sociale de sa jeunesse a ainsi chargé l’un de ses députés, Jean-François Chossy, de plancher sur une proposition de loi visant à introduire ces soins d’un genre nouveau en France.
Mais, comme il est de règle dans le monde politique, les meilleures intentions se heurtent, sitôt qu’elles pointent le bout du nez, au tollé de tous les conservatismes. La réaction, en l’occurrence, est venue de son propre camp, par la bouche de sa ministre de la solidarité et de la cohésion sociale – passez-moi du peu ! -, madame Roselyne Bachelot. Interrogée sur le sujet le 6 janvier dernier, au cours d’une conférence de presse, elle a rejeté sans ambages cette idée pourtant généreuse, l’assimilant ni plus ni moins à de la prostitution, donc à une pratique dégradante pour les femmes. La réaction épidermique et partisane de notre ministre saute aux yeux et aux oreilles. Elle est étayée, du reste, par les termes inhabituellement méprisants (« un truc pareil ») avec lesquels elle a qualifié le projet, pourtant fort sérieux, de M. Chossy. Loin de réagir à cette question avec la relative impartialité et la réserve que l’on est en droit d’attendre d’un ministre, loin de s’interroger un peu sur le vécu calamiteux de cette population dont elle a pourtant la charge, Roselyne Bachelot a d’abord réagi en femme et en féministe, c'est-à-dire de façon vulgairement partisane. Belle leçon de solidarité ! On voit ici, non seulement les failles de la parité en politique, mais encore sa méconnaissance flagrante de ce sujet sensible. Car associer cette thérapie humaniste et innovante à de la prostitution relève du plus plat puritanisme – celui-ci étant, du reste, une constante de l’idéologie féministe la plus active, en France. C’est ignorer délibérément que la véritable prostitution se situe moralement aux antipodes des soins sexuels ainsi définis et de ceux qui ont la force d’âme de les prodiguer à des personnes grabataires. Encore qu’en ce domaine, il y ait aussi des exceptions et que certaines prostituées, nous le savons, acceptent sans en abuser les handicapés qui recourent à elles.
Détourner toujours le regard de cette réalité douloureuse, offrir la dignité comme remède à ces souffrances courageusement exprimées, c’est pécher par idéalisme et manquer à sa mission quand on a des responsabilités politiques. C’est la mesquine  attitude, hélas, de Roselyne Bachelot qui justifie, une nouvelle fois, la piètre opinion que se font d’elle la plupart de nos concitoyens depuis la risible affaire des vaccins H1N1. Non, ce n’est pas en elle que les handicapés français trouveront leur Simone Weil. Au moins sauront-ils à qui ils doivent, présentement,  une partie de leurs frustrations.

                                    Jeanne LIBERT