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22/06/2018

               Ce « pognon dingue » des aides sociales…

      

 

 

 

 Il était attendu, ce discours d’Emmanuel Macron, mercredi 13 juin à Montpellier, au 42eme congrès de la Mutualité. Le chef de l’état devait y dévoiler les grandes lignes de sa politique sociale à venir. Un maître-mot : l’efficacité. Et comme on pouvait s’y attendre, son allocution a pris le caractère d’une harangue, moins contre la pauvreté que contre les pauvres. Le ton était presque hargneux, le vocabulaire aux limites de la vulgarité, façon Sarkozy vers 2008 : « On met trop de pognon, on déresponsabilise, on est dans le curatif. ». Ou encore : « On met un pognon dingue dans les minimas sociaux. On n’en sort pas. Les gens tombent dans la pauvreté et ils restent pauvres. ». Selon lui, il faudrait davantage responsabiliser les pauvres pour qu’ils sortent de la pauvreté.

On est effaré devant le caractère simpliste, sinon primesautier, de ses arguments. Monsieur Macron s’est-il un jour réellement interrogé sur le sens de ces minimas sociaux qu’il critique ? A-t’il un jour rencontré des chômeurs en fin de droits, des allocataires du RSA et des retraités bénéficiaires du minimum vieillesse au cours de ses déplacements? Car si ces dispositifs peuvent sembler généreux – environ 714 milliards d’euros annuels, tous secteurs confondus -, ils n’ont pas été conçus pour aider les pauvres à sortir de la pauvreté mais pour les empêcher de tomber dans la misère.

 Car la pauvreté n’est pas le dernier palier de la hiérarchie sociale; il y a encore plus bas en France, le tout dernier étant la déshérence complète, sans logement ni soins de santé possibles, que vivent près de 200 000 SDF. A vouloir diminuer le nombre des pauvres – 8,9 millions de français, tout de même -, on pourrait bien accroître celui des miséreux et des exclus absolus. Oui, les aides sociales sont un filet de protection contre le pire. Et tant pis si les pauvres se contentent de ce qu’ils ont, s’ils ne sont pas motivés à devenir plus riches. Il faudrait d’abord leur démontrer que le travail pourrait leur assurer des revenus nettement supérieurs à ceux qu’ils ont déjà, ce qui n’est pas du tout certain. Tout le monde n’a pas les ambitions et les compétences d’un entrepreneur ; c’est même l’apanage d’une petite minorité. Doit-on le reprocher à ceux que la vie a poussé vers le bas ou qui ont fait d’autres choix d’existence ?

 

A trop valoriser l’individualisme conquérant, à trop regarder vers le haut, monsieur le Président, vous êtes en train de perdre de vue cette « France d’en bas » - expression qui fut en son temps largement reprochée à Jean-Pierre Raffarin, alors premier ministre de Jacques Chirac. C’est pourtant une frange importante de la population française. Et parmi tous ces gens, il y en a beaucoup qui ont voté pour vous au second tour des présidentielles, l’an dernier. Pas seulement parce qu’ils ne voulaient pas de Marine Le Pen à l’Elysée, mais parce qu’ils croyaient – naïvement ? – que vous aviez un peu de fibre sociale ; que l’équilibre Droite-Gauche, dont vous avez souvent parlé durant votre campagne, n’était pas qu’un slogan opportuniste. Mais ils ne vous auraient jamais porté là où vous êtes aujourd’hui s’ils avaient vu en vous l’alter ego de François Fillon que vous devenez peu à peu.

 

Jacques LUCCHESI

31/05/2018

 Erdogan : la une de la discorde

                                                  Erdogan, le Point, affiche, kiosque

 

 

Sur le portrait du président turc  s’étale, en grosses lettres, le dictateur ; suivi, en petits caractères, par cette question : jusqu’où ira-t-il ? C’est la une de l’hebdomadaire  Le point  de la semaine dernière et on peut dire qu’elle n’est pas passée inaperçue. L’affirmation prend ici l’allure d’une dénonciation : mais comment présenter autrement un homme qui, depuis deux  ans, a fait emprisonner des dizaines de milliers  de personnes – militaires, fonctionnaires, enseignants et journalistes – pour de supposés agissements séditieux ? Qui peut encore croire que la Turquie est encore, à l’heure actuelle, une démocratie ?

Et pourtant, malgré une toute petite majorité obtenue en avril 2017, lors de son référendum sur la  réforme de la constitution, Recep Tayyip Erdogan a ses partisans indéfectibles, notamment dans la diaspora turque en Europe. De véritables chiens de garde qui veillent à la réputation de leur leader au-delà des frontières turques, usant au besoin de méthodes brutales, toujours au nom de la vérité et de la liberté des peuples. Ce sont dix d’entre eux qui ont, vendredi 25 mai, exigé le retrait de l’affiche du Point dans un kiosque du Pontet – le même scénario s’est d’ailleurs produit à Valence. Sous la menace, le kiosquier a demandé à l’annonceur Jean-Claude Decaux de retirer illico l’affiche de la discorde. L’opinion publique  n’a heureusement pas tardé à réagir à cette exaction ; et l’affiche a retrouvé la vitrine qu’elle n’aurait pas dû quitter.

Car nous sommes en France et pas en Turquie. Et, dans notre pays où la liberté de la presse n’est pas tout à fait lettre morte, ces arguments musclés sont inacceptables. Du reste, ce n’est pas la première fois que le pouvoir turc, même par des voies plus diplomatiques, fait pression sur des états européens pour qu’ils s’inclinent à ses demandes répressives. En août 2017, il a ainsi fait incarcérer en Espagne  Hamza Yalcyn, un journaliste turc opposé à Erdogan. Tandis que l’année d’avant, c’est l’humoriste allemand Jan Bömhermann qui était menacé de poursuites judiciaires, pour crime d’irrévérence envers le sultan d’Ankara. Une ingérence qui ne fait, finalement, que confirmer l’assertion audacieuse du Point. Oui la Turquie, sous la férule d’Erdogan, s’est éloignée de la ligne démocratique qui pouvait justifier son adhésion à l’Union Européenne. Elle reste néanmoins notre alliée dans la lutte contre les filières djihadistes syriennes et on ne peut que souhaiter qu’elle revienne à des méthodes politiques moins arbitraires.  

 

Jacques LUCCHESI

11/05/2018

La dictature de la minorité



 

A l’occasion du premier anniversaire de l’élection d’Emmanuel Macron (ah, ce goût pour les commémorations stupides !), on entend se développer en boucle un refrain selon lequel le Président respecte le programme pour lequel il a été élu. 

Il n’est pas inutile de rappeler que, si l’actuel titulaire de l’Elysée a bien été constitutionnellement élu, ce n’est pas son programme que les citoyens ont avalisé. Au premier tour, qui caractérise justement le soutien à un programme, Emmanuel Macron a obtenu à peine plus de 18% des inscrits. Le deuxième tour exprimait surtout le refus du Front national, non un appui à un projet et, même dans ce contexte, l’heureux élu n’a pas atteint 44% des inscrits. Prétendre qu’un tel résultat engageait un programme n’est qu’une triste plaisanterie.

Il revient à l’esprit, à l’occasion de ces déclarations, une thèse très à la mode dans les milieux philosophico politiques depuis des décennies. Tocqueville aidant, on nous met en garde quant à une présumée « dictature de la majorité ». Certes, la nécessité de contrepouvoirs ne fait aucun doute, et notre Constitution en manque cruellement, mais l’idée d’une « dictature de la majorité » est plus que douteuse. Imagine-t-on qu’une dictature de la minorité soit préférable ? Et n’est-ce pas le danger qui nous guette ? Car il n’est pas acceptable qu’un pouvoir aussi absolu que celui du Président de la République procède d’une légitimité électorale aussi faible. 

La question des institutions est depuis longtemps au cœur de la crise politique et sociale. Elle devient encore plus dramatique lorsqu’un pouvoir aussi faible veut imposer des mesures fort minoritaires, renforcer le pouvoir présidentiel, aussi bien sur le territoire national en écrasant les collectivités locales que dans une vision européenne bien éloignée de la volonté du peuple. 

Cette situation engendre des tentatives tout aussi minoritaires, certaines prônant la violence, d’autres contestant les principes mêmes de la souveraineté populaire, du citoyen et de son droit au vote, attaquant l’essence même du suffrage universel. Rien de malheureusement plus logique, ces tentatives condamnables trouvant naissance dans la forme de dictature engendrée par le système.

Une telle situation nous mène à des affrontements graves et des phénomènes de violence de plus en plus manifestes. La solution se trouve dans le retour aux principes fondamentaux de la démocratie, à partir des citoyens, dans les communes comme dans les quartiers. Ce travail permettra la redéfinition d’un contrat social, fondement nécessaire à l’équilibre national comme à la réaffirmation de saines relations internationales. Tel est le sens du processus menant à l’élection d’une Constituante en France qui, loin des solutions clefs en mains de tous les pouvoirs autoproclamés, est la seule solution pacifique, démocratique et rassembleuse aux défis du moment que nous traversons.

 

André Bellon