28/12/2018
Ridicule
La nouvelle est tombée jeudi matin 27 décembre. Florian Philippot, patron du micro-parti Les Patriotes, a déposé la marque « Gilets jaunes » à l’INPI, en vue de constituer une liste commune Gilets jaunes-Patriotes aux prochaines élections européennes.
A priori rien de plus grotesque. Depuis quand les Gilets jaunes sont-ils une marque – ou un brevet – susceptible d’être enregistrée comme telle par un institut national destiné à protéger la propriété industrielle ? En soi il y a quelque chose qui défie le bon sens.
Ensuite, il y a bien sûr la mesquinerie et l’opportunisme du politicien de troisième plan qui voudrait, comme un avare, s’approprier ce qui relève de la poussée vitale, ce mouvement spontané de protestation contre une politique trop coercitive - et qui doit le rester.
C’est comme si ce transfuge du FN – pardon, Rassemblement National – disait à la face du monde : « Les Gilets jaunes, désormais, c’est à moi. N’y touchez pas ! »
Il est vrai que ces nouveaux frondeurs sont courtisés par d’autres formations politiques, à commencer par le Parti Communiste. On voit bien, à droite comme à gauche, le potentiel de voix qu’ils représentent, pour peu qu’on arrive à canaliser leur colère et leurs revendications.
On oublie cependant que leur révolte s’est faite, non seulement en dehors de tout cadre politique ou syndical déclaré, mais aussi contre eux, parce que jugés trop inertes ou trop compromis avec le pouvoir. Et c’est aujourd’hui un politicien en mal de reconnaissance qui voudrait se l’approprier ! Quel affront !
Nous souhaitons vivement que cette basse récupération sera rejetée par les Gilets jaunes avec l’énergie qu’on leur connaît à présent.
Jacques Lucchesi
15:28 Publié dans numéro 18 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gilets jaunes, philippot, inpi, opportunisme
26/12/2018
Vers un référendum d’initiative citoyenne ?
Si les différentes propositions d’Emmanuel Macron, lundi 10 décembre, n’ont guère satisfait la plupart des Gilets jaunes, elles ont permis néanmoins d’amorcer un début de dialogue et de faire entendre une parole citoyenne moins confuse que jusqu’à présent. C’est ainsi que, samedi 15 décembre devant la salle du Jeu de Paume à Versailles – lieu symbolique s’il en est -, un collectif de Gilets jaunes emmené par Maxime Nicolle et Priscillia Ludosky a émis, à l’adresse du chef de l’état, quelques revendications pour sortir dignement de cette crise.
Alors que la baisse des taxes sur les produits de première nécessité, la réduction drastique des salaires gouvernementaux et la suppression de leurs privilèges annexes n’ont vraiment surpris personne, la proposition de créer un référendum d’initiative citoyenne (RIC) a davantage retenu l’attention des pouvoirs publics. Sous l’angle démocratique, elle est de loin la plus ambitieuse et témoigne de la progressive politisation de ce mouvement insurrectionnel.
Cette proposition a même une dimension véritablement révolutionnaire. Car, pour la première fois dans l’histoire de la Cinquième République, une délibération citoyenne pourrait remettre en question le pouvoir absolutiste du gouvernement et de l’Assemblée Nationale, bloquer des projets de loi ou participer à leur élaboration. Non pas d’une façon ponctuelle (comme en 1969, 1997 et 2005), à l’occasion de grands choix politiques, mais sur la durée entière d’un quinquennat. On peut rappeler ici que ce type de référendum existe déjà en Suisse et en Italie.
Certes en 2008, sous la gouvernance de Nicolas Sarkozy, la réforme constitutionnelle a rendu possible un référendum d’initiative partagée. Mais les conditions (réunion d’un cinquième des parlementaires et d’un dixième du corps électoral français) sont trop complexes pour le mettre facilement en oeuvre. Quant à l’intention, plus récente, d’intégrer dans le débat législatif des pétitions lancées sur Internet, elle est restée jusqu’ici lettre morte.
Bien entendu, certains ne manquent pas de critiquer le caractère ouvertement populiste et anti-parlementaire de cette proposition. Ils pointent, non sans raison, l’embellie que le RIC représenterait pour les partis extrémistes. Mais la fronde des Gilets jaunes procède, pour une bonne part, de la défiance envers les élites politiques. C’est ce sentiment de compter pour rien dans les décisions de nos dirigeants qui est responsable de l’abstention électorale en hausse continue depuis plusieurs années. Avec le RIC, un pouvoir effectif de participation à la vie de la nation serait ainsi, donné au citoyen moyen, et pas seulement à l’occasion des grands rendez-vous électoraux (élections présidentielles, législatives, régionales, municipales ou européennes). Ce qui rendrait un peu de pouvoir au peuple français et le ramènerait avec plus d’enthousiasme sur le chemin des urnes.
Cette capacité référendaire accordée à chacun exigerait, c’est certain, une plus grande vigilance vis-à-vis des options gouvernementales et parlementaires - au risque de recréer des inégalités entre citoyens plus ou moins engagés. Il faudrait également que les propositions populaires recueillent in fine l’assentiment du Conseil Constitutionnel ou ne violent pas les lois-cadres de notre République. Mais, reconnaissons-le, elle ouvre des perspectives nouvelles et attendues par beaucoup d’entre nous. A l’extrême, elle pourrait être un levier pour accélérer le passage de la Cinquième à la Sixième République.
D’ores et déjà le premier ministre a dit qu’il allait étudier cette piste de réflexion. Mais on peut craindre, çà et là, de nombreuses oppositions vis-à-vis d’un projet qui réduirait sensiblement, s’il venait à être concrétisé, la liberté de nos dirigeants.
Jacques LUCCHESI
15:56 Publié dans numéro 18 | Lien permanent | Commentaires (0)
10/12/2018
Les Gilets jaunes sur le Vieux Port
D’après les différents commentateurs, ça devait être un week-end tranquille à Paris comme en province. Les gilets jaunes, par les voix de leurs représentants autoproclamés, avaient commencé à discuter avec le chef de l’exécutif à Paris. L’abandon, quelques jours plus tôt, de la nouvelle taxe sur le diesel était en soi incitative au dialogue. Mais chacun se doutait bien qu’ils ne comptaient pas en rester là. Samedi soir 8 décembre, on sait comment ce premier rapprochement s’est terminé à Paris et à Bordeaux.
A Marseille, ce samedi après-midi, ce ne fut pas particulièrement paisible, non plus. Sur le Vieux Port, ils étaient encore 2000 à venir faire entendre leurs doléances. Face à eux la police avait bloqué les rues adjacentes et une partie de la Canebière. La tension des flics était palpable et on sentait bien que ça pouvait dégénérer à tout moment. Ce qui ne manqua pas de se produire avec des grenades lacrymogènes envoyées sur les manifestants sitôt qu’ils se rapprochèrent peu trop du dispositif de sécurité. L’air en fut rapidement empuanti et, le vent aidant, la fumée piquante comme du poivre atteignît vite les passants à l’arrière. Un peu plus loin, on vit des policiers charger des jeunes, le flashball prêt à l’emploi. Bref : l’ambiance était à la guérilla urbaine. De quoi faire regretter la foire aux santons et les effluves de barbapapa habituels en cette saison. Au fait, il devait y avoir aussi une marche pour le climat en partance du Vieux Port, ce jour-là. Mais de ces autres manifestants, on a perdu rapidement la trace
Jacques Lucchesi (photos : Josiane Franceschi)
17:43 Publié dans numéro 18 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vieux port, gilets jaunes, police, guérilla