Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/10/2018

    Expatriez-vous !

                              

 

 Expatriez-vous ! Voilà le slogan à la mode. Le nouveau mot d’ordre de la république démocratico-libérale. Tu en as marre d’être au chômage ? Tu crains qu’on coupe ton alloc si tu ne trouves pas rapidement du boulot ? Alors tire toi, barre toi, casse toi, mets les voiles loin de la France. Laisse ce foutu pays aux retraités et aux touristes. Sois dynamique, montre leur que tu en veux. A défaut de t’enrichir, tu verras au moins du pays. L’Europe entière s’ouvre à toi, c’est encore mieux qu’Erasmus. Car les entreprises françaises sont partout et elles ont besoin de petits jeunes motivés. Tiens, en Tchéquie, il y a 250 000 emplois à pourvoir. Payés au SMIC, bien entendu. Mais tu auras aussi une prime d’installation de 750 euros. Et puis la vie est moitié moins chère là-bas qu’en France. Avec tes 1500 euros bruts par mois, tu vivras comme un pacha. La bière y est fameuse et bon marché, les putes aussi et sans risque d’amende comme chez nous désormais. Quoi ! Tu es marié et tu as deux enfants en bas âge ? Et alors ! Tu divorceras et tu referas ta vie en Tchéquie. C’est comme ça, mon gars. Faut être flexible aujourd’hui. Le marché a besoin de toi, le marché a besoin de bras. Le marché dicte la loi. Et quand le marché t’appelle, on ne discute pas. Il te donne du travail, ce suprême privilège. C’est un honneur qu’il te fait et toi, fils ingrat, tu voudrais faire la fine bouche. Parce que t’es marié, parce que t’as des gamins ou des vieux à charge, parce que t’as pas fini de payer ta maison, parce que tu crains le froid en hiver. Des bobards, des conneries que tout cela ! On s’en fout de ta vie. Ce qu’on veut c’est que tu rapportes de l’oseille au patronat et que tu n’en coûte plus à l’état. D’ailleurs le sire De Normandie l’a dit : c’est le travail qu’il faut chercher, pas la croissance. Et du travail, il y en a des tonnes en Tchéquie, en Slovaquie, en Bulgarie, en Roumanie…Car, enfin, il n’y a pas que les Polonais qui ont le droit de nous exporter leurs plombiers et leurs curés. En France aussi on a des chômeurs pleins de talent. Carrossier dans une usine de voitures. Tu dis que tu n’as pas été formé pour ça. Tu es comptable, psychologue, photographe, jardinier-paysagiste : eh bien tu te recycleras dans l’industrie automobile. Et tes ancêtres ? Comment ils ont fait, tes ancêtres, quand ils sont allés coloniser le Maghreb et l’Afrique sub-saharienne ? Ils ont dû quitter leurs campagnes fleuries et leurs villages bien pépères pour aller accomplir l’œuvre civilisatrice de la France dans le monde. Eh bien tu feras pareil qu’eux ! Parce que tu es pauvre et que les pauvres n’ont pas le droit d’être inactifs et de profiter de la vie dans ce pays. Laisse ça aux riches. Je sais : c’est injuste mais c’est comme ça. En 2018, il y a toujours des seigneurs et des larbins. Ils ont simplement changé de noms. Mais si ça te chagrine, console-toi en te disant que c’est déjà pas si mal que ça d’être un larbin français. Tu pourrais être un larbin cambodgien, tamoul ou sud-africain. Sans sécurité sociale et assurance vieillesse. Alors ferme ta gueule maintenant et va prendre un aller simple pour la Tchéquie.

                                           Mister SHAKE

26/09/2018

        La marque Elysée

              

 

 

Vendre des souvenirs à l’effigie des dirigeants d’un pays : une pratique peu glorieuse mais néanmoins bien établie dans des pays comme les USA et l’Angleterre. Car c’est à la case boutique que se termine le parcours, tant pour les visiteurs de la Maison Blanche que ceux du Château de Windsor. On espérait pourtant que la France résisterait un peu plus longtemps à la commercialisation de ses symboles républicains.

 C’était sans compter avec Emmanuel Macron et sa soif d’innovations.

 Dans sa volonté de diriger la nation comme une start-up, il a donc pris l’initiative d’ouvrir une boutique à l’Elysée pour que les visiteurs de cette auguste demeure ne repartent pas les mains vides. Quand on sait la curiosité que suscite le palais présidentiel, chaque année, pour des milliers de touristes français et étrangers; quand on sait qu’ils sont prêts à patienter de longues heures devant l’entrée du Faubourg Saint-Honoré, on comprend qu’il ne pouvait y avoir de meilleur moment, pour inaugurer cette fameuse boutique, que ces récentes Journées du Patrimoine.

Qu’y trouve t’on exactement ? A peu près tout ce qu’on trouve dans ces commerces de l’inutile : des mugs en (fausse) porcelaine de Limoges, des stylos, des montres et des T-shirts aux couleurs nationales et même des dessins à colorier. 

Ce qui est nouveau, c’est que certaines de ces babioles aient pour motifs le président et son épouse. Car, jusqu’ici aucun de ses prédécesseurs à l’Elysée n’avait osé pousser aussi loin la satisfaction de soi.

A tel point que certains commentateurs n’ont pas hésité à ressortir la vieille expression de « culte de la personnalité ».

Bon. On nous dit que c’est pour une bonne cause, à savoir la restauration de cet hôtel trois fois centenaire et qui s’élèverait à quelques cent millions d’euros. Reste que malgré un week-end excellent sous l’angle des affaires, il faudra bien plus que les 12% prélevés sur les ventes – 350 000 euros, tout de même – pour y parvenir sur la durée du quinquennat sans faire appel à d’autres contributeurs.

On ne peut tout de même pas lancer un loto du patrimoine bis pour l’Elysée, Stéphane Bern ayant suffisamment à faire avec les chefs-d’œuvres en péril de la province.

Mais trêve de plaisanterie ! Cette initiative commerciale me semble poser un sérieux problème éthique. A-t’on le droit de brader ainsi les symboles de la République ? N’y a t’il donc pas de limite opposable au tout-économique qui gangrène notre société ? Ce jeune président, si imbu de prestige personnel, ne voit-il pas le mal qu’il fait, avec ce type de gadgets, à l’institution dont il est censé être le gardien ? Il faut d’ailleurs se demander dans quelle mesure cette initiative va à l’encontre du multipartisme et du libre-jeu démocratique, l’homme se substituant à la fonction qu’il occupe momentanément.

Au cours des deux dernières décennies, nous avons connu la transformation de nos principaux musées nationaux en marques, au motif sempiternel de renflouer leurs caisses un peu trop claires. Mais l’Elysée n’est pas le Louvre ; il n’est pas qu’un concentré de trophées artistiques mais, depuis cent quarante ans, le siège du pouvoir républicain. En cela, il appartient à la nation toute entière. On peut facilement comprendre que sa sacralité pèse à certains de ses locataires et que ceux-ci rêvent parfois de revenir à ses débuts libertins. Mais de là à le transformer en galerie marchande…La prostitution ne concerne pas que le commerce des corps.

 

Jacques LUCCHESI

07/09/2018

                Du féminisme à la française

     

 

 

 

 Saison de toutes les audaces, l’été est aussi celle de toutes les pudibonderies. Car la nudité – celle des femmes en particulier – reste toujours problématique dans notre société. Et souvent elle révèle des enjeux d’ordre culturel et politique.  Voici deux ans, c’était le burkini qui alimentait la polémique estivale. Aujourd’hui, c’est un ukase féministe sur les cartes postales coquines qui la relance en plein mois d’août (ce mois des fous, des gros matous, des sapajous, comme le chantait si bien Pierre Perret). Entre ces deux affaires, à priori éloignées, il y a pourtant un lien : l’intégrisme et la volonté de soustraire les femmes à la prétendue concupiscence masculine.

Ces fameuses cartes postales, dénoncées et traquées par l’association Femmes solidaires, nous les connaissons bien à Marseille. Elles fleurissent aux tourniquets des vendeurs de souvenirs et accrochent le regard de ceux qui flânent sans but précis sur le Vieux Port. Sans doute en avons-nous, un jour, acheté une pour l’envoyer, comme une blague marseillaise, à un correspondant lointain. Quant aux amateurs de pétanque, ils ont encore en tête les représentations de Fanny qui offrait son cul à baiser à ceux qui, paradoxalement, avaient perdu la partie sans marquer un seul point. Rien de bien inquiétant dans ces productions du folklore local, on en conviendra aisément.

 Que quelques viragos puissent y voir « une culture du viol » en dit long sur leur vision ascétique des rapports humains. Elles illustrent jusqu’au ridicule les excès de ce féminisme différentialiste qui a, malheureusement, le vent en poupe aujourd’hui. Et qui, au motif de transformer les mentalités, traque tout ce qui, de près ou de loin, érotise l’image féminine. Avec elles les hommes sont toujours sur le banc des accusés – et dire qu’il y en a quelques-uns pour faire cause commune avec elles ! Précisément, elles leur reprochent de tenir les femmes pour des objets sexuels : comme si le regard désirant sur elles était en soi une insulte ! Comme si l’initiative sexuelle ne devait plus venir que des femmes – et encore, sous certaines conditions -, ne laissant plus de place à la surprise et à la transgression. 

Ce féminisme-là, répétons-le, est désocialisant ; il ne peut produire que du conflit et de la ségrégation. Il est aux antipodes du féminisme universaliste qui, lui, voulait l’émancipation et l’intégration harmonieuse des femmes dans la société, à part égale avec les hommes. Dans bien des pays, hélas, son combat est toujours d’une urgence absolue et, à titre personnel, je le soutiens sans réserve. Mais, de grâce, qu’on nous épargne ces mesquins procès en sexisme, surtout quand ils portent sur des produits en voie de disparition comme ces cartes polissonnes. Qu’on arrête de couper les cheveux en quatre et qu’on se recentre sur les vrais problèmes - comme l’exploitation économique plus que jamais décomplexée -  qui affectent le vécu tant des femmes que des hommes dans ce monde. Cela, nos féministes, maintenant introduites dans les sphères du pouvoir, cherchent à le faire oublier au plus grand nombre, préférant insister sur la menace que représente, pour la dignité des femmes, deux ou trois postérieurs bronzés et bien alignés.

 

Jacques LUCCHESI