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20/06/2017

La victoire de l'abstention

 Au soir du premier tour de ces législatives, les résultats issus des urnes ont dessiné, avec une semaine d’avance, ce qui sera sans doute la nouvelle carte de l’Assemblée Nationale. La couleur violet de la République en Marche y est largement dominante avec 32,32% des voix. Suivent Les Républicains-UDI (21,56%), la France Insoumise (13,74%) et le Front National (13,2%). On sent déjà que la droite, toutes tendances confondues, sort largement confortée de ce scrutin. Et qu’avec l’effondrement du Part Socialiste (8%), c’est la France Insoumise qui va incarner, pour les cinq années à venir, l’opposition à gauche.

 Le pari macronien d’un renouvellement du corps politique est quasiment gagné. Ce n’est pourtant pas une révolution (selon le titre de son ouvrage programmatique), à moins que l’on puisse parler de  révolution conservatrice. Car si les nouveaux entrants viennent, en grande partie, de la société civile, ils représentent à quelque chose près les mêmes couches sociales aisées que leurs collègues sortants. Du reste, ce n’est pas la République En Marche qui est la vraie gagnante de ces élections, mais l’abstention. Avec 51,3% de suffrages non exprimés (et 57,7 % au second tour), c’est elle qui se taille la majorité absolue. Que signifie ce score grandissant, sinon l’expression d’un profond scepticisme vis-à-vis de la classe politique ?

Car l’abstentionniste, quelque soit son milieu social, est quelqu’un qui ne croit plus aux slogans et aux mots d’ordre. Il n’a plus de camp où se situer et la politique ne le fait plus s’enthousiasmer. Où que le vent la pousse, elle ne changera rien, il le sait bien, à son destin ; elle reproduira toujours les mêmes césures, les mêmes inégalités. Les récentes affaires d’argent ont achevé de l’en dégoûter. Pour lui, les nouveaux venus ne valent pas mieux que les anciens corrompus. Ils ont simplement pour eux la vertu des novices et, s’ils font eux aussi carrière, mandat après mandat, ils connaîtront les mêmes tentations, les mêmes faiblesses. Tout ce qu’il voit, dans ces affrontements verbaux et ces promesses répercutés par les médias, c’est une lutte acharnée des places, où les candidats jouent opportunément des coudes pour se hisser dans la hiérarchie sociale, maquillant leurs intérêts personnels en amour de la chose publique. Oui, l’abstentionniste est fatigué par toute cette agitation et, finalement, il se fout de ce qui en sortira. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent, puisque la politique s’est faite toujours sans lui et à son détriment, pense-t’il en substance.

Ce pessimisme rampant n’est pas très rassurant et les vainqueurs d’aujourd’hui auraient tout intérêt à relativiser leurs mérites. A défaut de comptabiliser l’abstention – cet inconscient du suffrage universel -, ils devraient au moins s’employer à faire plus de place, dans leurs prises de décision,  aux initiatives collectives, avant mais surtout après les grands rendez-vous électoraux. Le développement d’Internet et des réseaux sociaux le permet à présent.Sans cette nécessaire participation des  citoyens à la vie de la nation, l’écart entre les deux France ne fera que se creuser davantage. Jusqu’à créer les conditions d’une véritable révolution. Laquelle commence toujours dans la rue.

 

Jacques LUCCHESI

01/06/2017

Draguer sur les marchés

                       

 

 

 Tout comme les élections municipales, les législatives ont la particularité de faire sortir nos mollusques politiques de leurs coquilles. C’est une des rares occasions où ils vont avec jovialité à la rencontre du bon peuple français. Il faut les voir faire assaut de politesses et de sourires mielleux, chercher les mains qui ne se tendent pas spontanément vers eux ou faire distribuer des tracts vantant leurs mérites par des subalternes pleins de bonne volonté. Car il faut quand même avoir à l’esprit  que chaque vote pour un candidat rapporte 1,80 euro à son parti. Oui, c’est bien nous, citoyens lambdas, qui nourrissons ces nouveaux seigneurs avec nos voix.

Si encore, une fois élus, ils demeuraient ouverts et accessibles à nos doléances ! Mais non ! Jusqu’à la prochaine élection, ils auront toujours un bon prétexte pour ne pas vous recevoir ou vous répondre. Et quand on sait ce qu’ils perçoivent pour censément représenter les citoyens, il y a de quoi les vouer aux gémonies. Au diable ces politiciens qui, la main sur le cœur, disent devant les caméras qu’ils ne pensent qu’à servir leur pays ! Car dans ce pays, l’activité politique n’est rien d’autre qu’une lutte des places. Et les places, à l’Assemblée Nationale, elles sont limitées à 577. Là aussi, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.

Rien que dans les Bouches du Rhône, il y a, pour ces  prochaines législatives, 265 candidats de toute obédience qui sont en campagne – dont 23 dans la seule 5eme circonscription. De vieux renards locaux, quelques célébrités nationales parachutées çà et là et beaucoup de jeunes ambitieux parfaitement inconnus, aussi. On comprend qu’ils se poussent du coude sur les marchés. Ou que certains essaient de surfer sur la vague macroniste. Qu’on vienne de la gauche ou de la droite, qu’on prêche pour sa seule paroisse, rien ne compte plus, à présent, que de se faire estampiller « majorité présidentielle ». Qu’on observe un peu les panneaux d’affichages : c’est fou le nombre de ralliés, officiels ou officieux, à la République En Marche. On est « in » ou on est « out ». C’est la tactique du coucou. Pour l’heure tout est permis ou presque, on fera ensuite le tri entre le bon grain et l’ivraie. Serge Perottino, maire de Cadolive : il est « in ». Maurice Di Nocera, dinosaure de la politique marseillaise : il est « in ». Et toute cette duplicité fait pas mal grincer des dents, surtout dans leur propre camp.

On voudrait rire de cette frénésie électoraliste si on pouvait oublier que nous sommes tous concernés par les résultats qui vont se dégager des urnes dans un peu plus de quinze jours. Il ne suffit pas de vouloir moraliser la vie publique ; il faut aussi redonner du sens aux différents mandats ouverts par la république. Afin que le dialogue entre les élus et les électeurs ne se réduise pas à quelques bons mots autour d’un pastis tous les cinq ou six ans.

 

                       Jacques LUCCHESI

09/05/2017

Le moment Macron

                      

 

 

 C’est sans réelle surprise qu’Emmanuel Macron a été élu, dimanche soir, président de la république. Le huitième, exactement, depuis la fondation de la Cinquième République en 1958. Avec 66,1% des suffrages exprimés par plus de vingt millions d’électeurs, il devance de très loin sa rivale Marine Le Pen qui, elle, n’a pu réunir que onze millions de votants – soit 33,9% de suffrages. Cette élection n’aura pas fait que bousculer les lignes politiques habituelles; elle aura également bouleversé la pyramide des âges en ce domaine. A 39 ans, Emmanuel Macron (qui était, voici trois ans, un quasi inconnu en politique) devient ainsi le plus jeune président de toute l’histoire de la république française, lançant un signal fort à la jeunesse de ce pays. 

Au-delà de son accomplissement personnel et de sa volonté unanimiste exprimée avec lyrisme, il sait parfaitement que le plus dur reste à faire. Car il n’ignore pas que la majorité des votes qui se sont portés sur lui, dimanche dernier, n’étaient par dictés par une adhésion à son programme mais par une un rejet radical de celui de son adversaire. D’autre part, il va lui falloir tenir compte de l’énorme masse des abstentionnistes et des votes blancs – seize millions au total. Les prochaines élections législatives, dans moins d’un mois, vont ranimer à coup sûr de féroces oppositions, tant partisanes que personnelles.

S’il peut espérer des accommodements avec une partie du PS et même avec une frange des Républicains, aucun compromis, en revanche, n’est à escompter tant du côté du FN que de celui du Front de Gauche (qui refuse en bloc ses thèses pro-patronales). Cela va être difficile, pour lui, d’obtenir une majorité de députés à l’Assemblée Nationale, d’autant qu’une bonne partie des 577 candidats qui vont se présenter sous les couleurs d’En Marche seront, eux aussi, des novices en politique. Mais n’anticipons pas…La semaine prochaine, nous connaîtrons enfin la composition de son gouvernement ; ce qui en dira déjà long sur la politique qu’il compte mener pour les cinq années à venir. Vraiment les Français ne sont pas près de se reposer en ce printemps maussade.

 

      Jacques LUCCHESI