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15/04/2013

Quelle république irréprochable !

 


L’affaire Cahuzac jette un sérieux doute sur les mœurs du pouvoir hollandiste. Où sont donc les déclarations grandiloquentes de la campagne ? Et où est la volonté de rendre la république irréprochable ? On aimerait croire que ni François Hollande, ni Jean-Marc Ayrault, ni Manuel Valls n’étaient au courant de la « double vie » du ministre du Budget. Voilà qui pourtant sème plus que du trouble dans les esprits mais une réelle suspicion : ou nos hauts dirigeants étaient naïfs, voire incompétents de n’avoir rien su sur les placements financiers et l’itinéraire de Cahuzac fréquentant des affidés du Front National, ou – ce qui est pire – ils ont couvert les choses, pensant que Médiapart ne serait pas suivi et que l’affaire n’irait pas à son terme... L’incompétence, certes, ne rassure pas, mais l’indignité encore bien moins. Nous sommes là devant une crise extrême. Il en va de la crédibilité de tout l’Exécutif, à commencer par le Président qui semble être mis à mal, voire soupçonné des pires manœuvres. En plus, comme une antienne, revient une sorte de soupçon quant à l’autorité même du chef de l’Etat. Car comment Jérôme Cahuzac a pu mentir « droit dans les yeux » au Président ? Comment a-t-il menti à ses collègues au sein du Parlement ? Si autorité il y avait, on doute qu’un ministre aurait osé défier les règles de la République. Beaucoup de suspicion, de doute, de malaise donc entoure cette incroyable affaire. On peut se réjouir que la justice ait pu faire son travail (ce qui n’était, hélas, pas le cas avec le pouvoir précédent) mais la démocratie pour fonctionner s’en trouve du coup éclaboussée, ce qui bien sûr donne des armes aux populistes de tous poils. Serions-nous retournés dans les calamiteuses années trente où nos démocraties battaient de l’aile et où chômage, faillites financières, crise morale due en partie à la faiblesse de nos élites nous préparaient l’apocalypse ? On voit bien aujourd’hui que le mal est profond, qu’il n’est pas seulement en Grèce, en Italie...Il est aussi chez nous, prêt à saper les fondements de l’exception française.


                                               Yves CARCHON



09/04/2013

Cinéma: In another country, de Hong Sang-Soo

 


Ce film sud coréen, sous des allures de cinéma à la Rohmer, nous parle d’un autre pays, la Corée du Sud, dont on perçoit même dans le titre l’étrangeté. Car il est clair que cet « autre » pays est bien évidemment celui dont veut parler le cinéaste. Une Corée du sud en pointillé, suggérée, esquissée dont on comprend qu’il manque l’essentiel. Au spectateur d’entendre ces dialogues décalés qui nous disent plus qu’un long discours. Trois histoires dans ce film, sans lien direct, si ce n’est un même lieu et un personnage féminin ayant le même prénom mais n’étant pas la même femme, jouée par Isabelle Huppert qui est ici l’Occidentale en visite dans le pays, somme de tous les fantasmes des mâles sud-coréens... On boit beaucoup, on fume sur cette plage où l’héroïne a trouvé une chambre dans un pittoresque bungalow tenue par une jeune femme affable et souriante. La rencontre avec un maître-nageur intrigue Anne, notre héroïne, qui finira dans l’une des trois histoires par partager une nuit avec l’athlète de bord de mer. Mais on voit bien que là n’est pas l’essentiel du film. L’essentiel est palpable, sans être vraiment montré. Et c’est dans ces chassés-croisés entre comique de situation et mal de vivre antonionien qu’il s’insinue. La métaphore du maître-nageur est celle du protecteur qui peut sauver des vies, celle du metteur en scène - se sentant épié sur la plage – nous renvoie à une société éternellement surveillée... Celle du phare, enfin, que cherche notre héroïne sur la plage, que personne ne connaît, symbolisant la lumière qui éclaire les consciences. Les scènes de séduction très souvent maladroites que tentent les hommes avec Anne traduisent la forte fascination qu’exerce notre monde (et donc nos valeurs) sur ces machos tournant à vide. Hong Sang-Soo, par petites touches drolatiques, souvent risibles nous donnent à voir une humanité sans espoir, sans réel avenir et dont le seul contact avec le monde occidental reste un malentendu. Mais nous, même à travers les chemins de traverse qu’il a cru emprunter pour nous parler de son pays, nous l’avons entendu. Rohmer serait ravi d’avoir fait des émules à l’autre bout du monde !

                                          


                                                    Yves CARCHON

05/04/2013

La terreur de Pyongyang

 

                   

 

 

 Amer destin que celui d’un dictateur de seconde main. Il ne sait que trop bien qu’il ne jouera jamais les premiers violons au niveau international. Alors, il en rajoute, se tape sur la poitrine – une poitrine souvent décorée de breloques imméritées – pour tenter d’effrayer l’opinion publique. Et parfois, il va jusqu’à provoquer une guerre éclair au motif de l’honneur national bafoué, par vanité personnelle en fait. Tout cela n’en obéit pas moins à une forme de rationalité. Car en désignant violemment un ennemi externe, il vise aussi à fédérer les énergies et museler toute opposition à l’intérieur de ses frontières. Orwell le savait bien : « la guerre c’est la paix » - la paix chez soi pour préciser les choses. Cette stratégie du pire est manifestement celle adoptée par Kim-Jong-Un, grand timonier  héréditaire de la Corée du Nord. En décrétant l’état de guerre avec son voisin, la Corée du Sud, en lui interdisant l’accès au complexe industriel commun de Kaesong,  il entend montrer au monde qu’il est le digne successeur de son père, Kim-Jong-Il, lequel avait porté l’esbrouffe au niveau d’un art. Certes, il y a derrière tout ça un passé qui ne passe pas. C’est d’abord l’occupation japonaise durant le deuxième conflit mondial,  laquelle n’a jamais entrainé la moindre repentance de la part de Tokyo. C’est ensuite la guerre idéologique avec la Corée du Sud qui s’est terminée, en 1953, par un compromis frontalier bien plus que par un véritable traité de paix. Comment s’étonner, dans ces conditions, que de temps à autre, ce passif remonte à la surface ? A cela s’ajoute l’interdiction onusienne – c'est-à-dire américaine – de développer des recherches nucléaires à caractère militaire. Comme l’Iran en ce domaine, la Corée du Nord est en permanence scrutée – et parfois montrée du doigt – par ceux qui entendent bien rester les gendarmes du monde. D’où la rébellion tonitruante du fils prodigue de Pyongyang. A l’extrême, Kim-Jong-Un sait qu’il peut compter sur le soutien de la Chine capitalo-marxiste de Xi Jinping, même si celle-ci a plus d’intérêt à jouer les modérateurs que les fauteurs de guerre. Du reste, les USA prennent au sérieux les menaces nord-coréennes de frapper des bases américaines dans le Pacifique, renforçant ces jours-ci leur surveillance aérienne. Quelle que soit l’arme employée, même sur des objectifs sud-coréens, la riposte de Washington serait immédiate et Kim-Jong-Un le sait bien. Le problème est bien, à présent, qu’il en a trop dit et trop fait pour faire amende honorable sans perdre la face, tout d’abord aux yeux de son propre peuple. D’où une possible attaque, par pure fierté martiale, sur des cibles américano-coréennes. Avec les conséquences, même limitées à cette région du monde, que l’on imagine.

 

 

                             Bruno DA CAPO