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09/01/2015

Ils ont tué Gavroche !

 

 

Certes le choc est immense. La rédaction de Charlie abattue froidement, c’est la liberté d’expression qu’on a voulu toucher au cœur. C’est donc nous tous, citoyens d’un pays qui a porté ce beau flambeau de liberté de par le monde. Derrière la cible, le pays de Voltaire et Hugo est visé. C’est l’ironie, l’esprit critique, la gouaille, le rire, la satire, le courage d’affronter la nuit obscurantiste, c’est le génie français qu’on a voulu abattre. C’est cette « petite grande âme » qu’était Gavroche, tirant la langue aux assassins, aux brutes, aux ignorants, aux imbéciles, aux bourreaux de tous poils que les assassins ont tué. Gavroche, c’était Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, Honoré et tant d’autres qui, d’un trait de crayon, croquait le ridicule des politiques et religieux et les délires des terroristes. Avec Hugo, Gavroche avait le temps de narguer ses tueurs et d’échapper aux premières balles. L’équipe de Charlie n’en a pas eu le temps. Comme ce gamin de Paris, ils sont tombés parce qu’ils étaient au front. Un peu seuls peut-être... Depuis longtemps, Charlie était dans le collimateur des Islamistes. On savait que l’hebdo avait subi un premier attentat. A-t-on baissé la garde ?... L’enquête nous le dira ou non. Aujourd’hui, après l’effroi d’hier, on les pleure tous, y compris les victimes anonymes qui se sont ajoutés à cette funèbre liste. On sait déjà qu’il nous faudra aider Charlie à renaître de ses cendres, prendre un abonnement pour une année. Charlie doit vivre, survivre ! Gavroche ne peut mourir ! Son bel esprit aura toujours raison des assassins !

 

                                  Yves CARCHON

20/08/2013

Vergès l’insolent

 

      

 

 

 Jacques Vergès s’est éteint à Paris, le 15 août dernier, à l’âge de 88 ans. Sa dernière provocation aura été de mourir dans l’appartement qui avait recueilli le dernier soupir de Voltaire voici 235 ans. Entre le philosophe des Lumières et « l’avocat du diable » – comme on l’a si souvent surnommé -, un parallèle peut être esquissé. Si Voltaire a pris la défense des opprimés et des insoumis de son temps  - comme le chevalier de La Barre -, Vergès, lui, a formé sa pensée à l’aune de l’anticolonialisme, sans doute aiguillé par ses origines (père réunionnais, mère vietnamienne). Courageusement il a défendu, au risque de sa  vie, ceux que la république rejetait dans les marges ou condamnait d’avance, comme les terroristes algériens lors de la guerre d’indépendance. Comme Voltaire qui contestait parfois les institutions politiques quand elles lui semblaient injustes ou intolérantes, Vergès axera ses plaidoiries sur la remise en question du système judiciaire comme reflet de la loi du plus fort : ce sera sa fameuse « défense de rupture ». Ce parti-pris politique l’entrainera à défendre principalement des personnalités criminelles honnies par l’opinion publique, tels Klaus Barbie ou Carlos. Pour Vergès, en effet, il n’y avait pas de client indéfendable, aussi monstrueux soit-il. C’était sa conception du métier d’avocat et si bien des critiques sont montées de la société civile et des associations de victimes, aucune en revanche n’est venue de ses pairs. Quoiqu’irréprochable d’un point de vue déontologique, la parcours de Jacques Vergès n’en est pas moins émaillé de zones d’ombre, la plus importante étant sa « disparition » pendant huit ans, entre 1970 et 1978. Par ailleurs, il a souvent affiché ses accointances avec le pouvoir, que ce soit celui, douteux, de la Françafrique ou celui, franchement exécrable, de dictateurs comme Pol Pot ou Saddam Hussein. Cultivant volontiers l’ambiguïté et l’insolence face aux médias, il réservera à ses nombreux ouvrages – dont « Le salaud lumineux » - sa vérité et sa réflexion sur la justice. Ces derniers temps, son narcissisme l’avait même poussé à se raconter sur la scène, mettant en lumière les liens existant entre le théâtre et le tribunal. Au cœur des drames et des conflits qui ont déchiré le XXeme siècle, Jacques Vergès laisse derrière lui l’image séduisante d’un homme de liberté plus que de convictions. Il n’empêche que les défis qu’il a relevés tout au long de sa carrière n’ont pas fini d’être médités par tous ceux qui sont engagés ou qui s’engageront dans la belle et difficile profession d’avocat.

 

 

                           Bruno DA CAPO