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06/10/2017

Entre guerre et paix

 Nous vivons depuis quelques années une situation assez inédite en occident. Une situation assez ambigüe, qui n’est ni l’état de paix ni l’état de guerre, ou les deux à la fois. La guerre, un ennemi mystérieux nous l’a déclaré. Un ennemi qui n’a pas d’uniforme, pas de visage précis, dont notre seule certitude est qu’il déteste nos valeurs de tolérance et de liberté. Nous l’avons peut-être croisé dans la rue sans jamais le reconnaître. Et puis un jour, poussé par un dérèglement intérieur, il passe soudain à l’attaque, tue, est tué à son tour, justifiant sa barbarie par des motifs moins religieux qu’idéologiques.

Tout cela ne dure que quelques minutes, ponctuées par des cris d’horreur. A la peur et la stupéfaction succède vite la colère. Nous nous indignons, nous ne comprenons pas car, à nos yeux, rien ne peut justifier l’assassinat d’innocents. Après quoi, nous reprenons le fil ordinaire de nos vies, heureux d’être toujours vivants mais minés un peu plus par cette époque qui remet en question nos schémas habituels de pensée. La crainte et la  méfiance s’estompent – c’est normal – au profit du simple plaisir d’exister, avec ses habitudes plus ou moins agréables. Nous n’oublions pas les drames affreux qui ont rythmés l’actualité de ces dernières années, ces derniers mois, ces derniers jours. Mais quelque chose en nous est plus fort que le chagrin et l’angoisse. La vie reprend son cours ; jusqu’à ce qu’un autre crime dément ne vienne, une nouvelle fois, nous surprendre, nous meurtrir, nous endeuiller…

Telle est la forme prise par le terrorisme et ses conséquences sur chacun de nous en ce début du XXIeme siècle. Pas de grande machinerie spectaculaire à la Ben Laden, pas de frappe ciblée et de déclaration intempestive à la Carlos, mais des actions aussi meurtrières qu’imprévisibles, qui se rapprochent par leur mode opératoire des crimes de droit commun. Le monde a changé, mais nous ne parvenons pas à l’admettre. Nous ne pouvons nous résoudre à inscrire le terrorisme au nombre des risques de la vie en société.

Dimanche dernier, à Marseille, le meurtre sauvage de deux jeunes filles par un clandestin tunisien manipulé par Daesh a relancé l’inquiétude collective et les interrogations. Quoique touchée, ces derniers temps, par quelques gestes de folie individuelle (voiture bélier, jet d’acide), la vieille cité phocéenne avait été épargnée jusqu’ici par le terrorisme revendiqué. Grâce à l’efficacité des services de renseignements, pour préciser les choses. Ce sont eux, en effet, qui ont déjoué, comme en mai dernier, d’importants attentats en préparation. Mais dans le cas de l’attentat de la gare Saint-Charles, que pouvaient-ils faire ? Le meurtrier n’était pas un fiché S ; il n’était connu des services de police que pour des actes de petite délinquance. Qui aurait pu imaginer qu’un voleur à l’étalage se transforme, du jour au lendemain, en un monstre sanguinaire ? Cette brutale mutation est précisément la  signature du terrorisme contemporain, ce qui rend si difficile sa prévention.

Le 1er novembre prochain, l’état d’urgence doit prendre fin en France. Il sera vraisemblablement remplacé par des mesures de surveillance et d’intervention policières accrues. Pourtant, il n’est pas besoin de nouvelles lois relevant le niveau de sécurité, car le problème se joue de plus en plus souvent ailleurs que sur le terrain des fichés S, comme l’a montré l’attentat de Marseille. Il faudrait simplement que les lois concernant les criminels de droit commun soient un peu mieux appliquées. Si le tueur de Marseille, ressortissant tunisien en situation irrégulière, avait été placé en centre de rétention comme il se doit, deux jeunes femmes – deux vies riches d’avenir – seraient encore vivantes aujourd’hui.

 

Jacques LUCCHESI

23/06/2017

             Mimétisme

                    

 

 Dimanche dernier, à Londres, un peu après minuit, s’est produit un attentat assez particulier. Comme d’autres avant lui, le conducteur a lancé sa camionnette sur des civils ; à ceci près que, cette fois, c’étaient des musulmans qui étaient visés. Ils sortaient de la mosquée de Finsbury Park après une dernière prière dans le cadre du Ramadan. Il y a eu un mort et dix blessés. L’assaillant, un homme de 48 ans, a été rapidement maitrisé et placé ensuite en hôpital psychiatrique. Selon des témoins, il aurait hurlé au moment de l’attaque « qu’il voulait tuer tous les musulmans ».

Ce n’est pas -  loin de là ! -  la première fois que des agressions à caractère anti-musulmans sont commises en Angleterre depuis ces derniers mois. Elles font, bien sûr, écho aux trois attentats revendiqués par Daesh contre des civils et des policiers. Seulement, cette fois, l’agresseur a choisi l’un des modes opératoires les plus pratiqués par les séides de l’EI en Europe : le camion fou. La similitude est si parfaite qu’on peut parler d’un acte de violence mimétique, au sens où René Girard l’a théorisé. Le forcené voulait-il, à sa manière, venger les victimes, touristes et Anglais, des récents attentats islamistes ? Toujours est-il qu’il est devenu, par le fait même, un terroriste et qu’il n’a fait, tout comme les affidés de l’EI, que tuer et blesser des innocents ; des musulmans paisibles qui n’avaient commis d’autre faute que de pratiquer leur culte dans une mosquée marquée par le passage, quelques années plus tôt, d’Abou Hamza, un prédicateur extrémiste depuis sous les verrous.  

En méditant sur le caractère troublant de cet attentat, on frémit à l’idée de la spirale infernale qu’il pourrait inaugurer entre terroristes de factions opposées, chacun reproduisant à l’identique l’agression de l’autre, camion contre camion, bombe contre bombe, selon la vieille loi du talion. Car ce risque-là est bien réel et c’est tout ce qu’il faut éviter pour conserver un minimum de paix civile à l’intérieur de nos sociétés démocratiques. Bientôt l’EI sera sans doute éradiqué dans ses bastions syrien et irakien et, avec lui, l’engouement de jeunes européens pour un pseudo califat. Mais il faudra encore compter avec son arrière-garde, fanatiques et personnalités suicidaires en recherche d’un ultime baroud d’honneur. Et cette lutte exige aussi le concours entier des communautés musulmanes d’Europe. Afin qu’aucun amalgame meurtrier ne puisse plus être possible.

 

Jacques LUCCHESI

22/03/2016

Fin de cavale

                                 

 

 Au terme d’une cavale de quatre mois, Salah Abdelslam, 26 ans, – l’homme le plus recherché d’Europe – a été arrêté vendredi 18 mars par la police belge. Le plus lâche – et donc le seul survivant – des neuf terroristes qui ont ensanglanté Paris en novembre dernier se cachait tout simplement près de chez lui à Molenbeek, petite commune au nord de Bruxelles dont on sait à présent que c’est un vivier d’islamistes radicaux. Contrairement à l’attaque du RAID à Saint Denis, son arrestation s’est faite sans trop de difficulté. Blessé à la jambe durant l’attaque, il a été soigné puis incarcéré dans une prison de Bruges, sous haute surveillance et dans l’isolement le plus total. Que va-t’il se passer pour lui, maintenant ? Il faut tout d’abord que la Belgique accepte de l’extrader, comme le demande la France, pour qu’il soit jugé dans notre pays. Cela peut prendre du temps, d’autant que son avocat fait tout – mais c’est son rôle – pour repousser cette procédure. L’enquête va être longue et couteuse ; il se pourrait fort qu’elle ne nous apporte guère plus d’informations que l’on ne sache déjà. Quant à son procès, qui aura lieu, forcément, d’ici quelques années, il va vraisemblablement se solder par une condamnation à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de vingt-deux ans. Car nous savons qu’en France, aucun condamné à perpétuité ne purge réellement cette peine. Avec les remises pour bonne conduite – car ce sera sûrement un prisonnier modèle -, cet infâme salopard a toutes les chances de se retrouver libre au bout d’une vingtaine d’années. Il aura alors moins de cinquante ans et pourra reprendre, ici ou ailleurs, sa guerre contre le modèle démocratique français qu’il hait tant. Un premier interrogatoire a d’ailleurs montré que, non seulement il ne regrettait rien mais qu’il préparait encore un attentat du même acabit que ceux de Paris.

Une telle justice a de quoi laisser pantois. N’importe qui ayant un peu de bon sens voit bien qu’elle n’est pas adaptée à des crimes et des criminels d’une telle ampleur. Quid des cent trente vies que lui et ses complices ont annihilées au nom d’une idéologie démentielle par une douce soirée d’automne?  Puisqu’on parle d’ores et déjà d’une juridiction d’exception pour juger Salah Abdelslam, allons plus loin et osons envisager une peine d’exception pour lui. Osons lever cet absurde verrou qui interdit à nos pays d’appliquer une légitime violence, une élimination définitive des individus qui sont leurs ennemis déclarés et qui n’ont pas le moindre respect pour la vie humaine (j’englobe aussi un meurtrier comme  le fasciste norvégien Anders Behring Breivik). Les américains, qui ne sont pas sur ce point aussi stupides que nous, n’ont pas hésité à condamner à mort Djokhar Tsarnaëv, l’un des deux auteurs de l’attentat de Boston qui a fait trois morts et deux-cent soixante quatre blessés en avril 2013. On touche là sans doute à une des faiblesses constitutives de l’Union Européenne ; délicatesse qui suscite la dérision un peu partout dans le monde.

 

                          Paul-Jean MARAT