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11/03/2016

2050


L’intelligence artificielle n’a pas fini de nous surprendre ! Son inéluctable apport dans le devenir de notre humanité – pour le meilleur et pour le pire – pose néanmoins quelques questions d‘ordre philosophique, voire éthique. On a vu il y a peu en 1997 Kasparov, champion d’échecs, battu par Deep Blue d’IBM. Aujourd’hui, c’est au tour de Fan Hui, champion de go, de se faire battre à plate couture (5 à 0) par le logiciel Deep Mind de Google. Le go, jeu stratégique asiatique où deux joueurs s’affrontent, consiste à prendre les pions de l’autre, mais surtout le cerner à l’aide de ses propres pions et occuper le plus d’espace. Le logiciel Deep Mind s’est avéré, nous dit Nature, « étonnamment mature, solide, patient et incisif… »

On arrête là pour ce qui est des traits qualitatifs du logiciel, car peut-être nous écoute-t-il et en tire-t-il déjà toutes les conséquences sur l’avenir commun qui sera nôtre et qu’une perplexité par trop humaine risquerait de gâcher… Il va sans dire que ces créations très humaines, issues de nos cerveaux, que sont ces logiciels grandement performants nous renvoient à nos peurs et nos doutes. Certes, on peut sans ambages déclarer que derrière Deep Mind se cache tout le génie humain et que Fan Hui n’aurait été battu que par une fine équipe de chercheurs, donc par d’autres humains… Il n’en demeure pas moins que l’obsession de l’apprenti-sorcier revient en force et qu’on ne peut s’empêcher de penser qu’une confrontation pourrait être possible dans l’avenir 2050 entre humains et robots.

Déjà, certains états (voyous ou franchement criminels) pensent lever des armées de robots pour régler les conflits sans pertes humaines pour les leurs. Le pire (ce à quoi nos chercheurs travaillent ferme) : donner des émotions aux futurs logiciels… Ne resterait qu’un mieux certain : que les robots travaillent à notre place pour libérer l’humain de l’esclavage. Mais dans ce cas, ne pas nantir ces pauvres-diables d’émotions trop humaines, car nous deviendrions esclavagistes et eux de misérables humains !

 

Yves Carchon

14:47 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : échecs, go, robots, deep mind

04/03/2016

Bruissements (59)

 

Réforme : Confié à Myriam El Khomri, le projet de réforme du code du travail n’en finit pas de soulever des remous dans l’opinion publique. Une majorité de Français y est opposée et le fait savoir à travers les réseaux sociaux : une pétition de refus a ainsi atteint sur le Net près d’un million de signatures. On comprend mal, en effet, qu’un gouvernement de gauche puisse envisager de plafonner les indemnités prudhommales, élargir les conditions de licenciement économique ou diminuer la rémunération des heures supplémentaires. Si, évidemment, le PC et le Front de Gauche rejettent ce projet en bloc, c’est plus mitigé au PS où, néanmoins, la division gagne du terrain. Mercredi 24 février, la sortie de Martine Aubry – jusqu’ici plutôt attentiste – contre la dérive libérale du gouvernement a encore enfoncé le clou. Les tenants d’un socialisme progressiste et réconcilié avec le réel ont beau jeu de lui reprocher sa posture passéiste. Car jamais le PS n’est allé aussi loin dans son accointance avec le patronat ; jamais il n’a autant œuvré contre les travailleurs - sa base électorale - dont il est censé défendre les intérêts depuis sa fondation. Depuis, la ministre du travail a fait un malaise et Manuel Valls a repoussé de quinze jours la mise en délibéré du projet « pour mieux prendre le temps de la réflexion ». Une façon élégante de dire qu’il commence à en avoir marre. Français, encore un effort si vous voulez que cette abusive réforme connaisse le même sort que le CPE, voici dix ans, sous Jacques Chirac.

Salon : traditionnel rendez-vous des dirigeants politiques au mois de février, le salon de l’agriculture, cette année, ne pouvait qu’être l’épreuve du feu pour François Hollande après toutes les manifestations qui l’avaient précédé. Sitôt son arrivée, samedi dernier, le chef de l’état a été copieusement hué et insulté ; au point que Xavier Beulin, le président de la FNSEA- le principal syndicat des agriculteurs - a jugé bon de lui présenter, un peu plus tard, des excuses. Car cette corporation est particulièrement remuante depuis le début de l’année. Elle se sent flouée par les lois du marché et a le sentiment que son sort n’intéresse pas les dirigeants de ce pays. Ce n’est pourtant pas entièrement de leur faute si la concurrence européenne fait chuter les prix, si la grande distribution augmente toujours plus ses marges sur le dos des producteurs ou si les éleveurs français produisent plus de lait qu’ils ne peuvent en vendre. Mais, évidemment, quand la colère monte, on ne fait pas dans la nuance. En attendant, l’opposition souffle sur les braises, en particulier Marine Le Pen qui a beau jeu de désigner l’Europe comme la cause de tous les malheurs des paysans français. C’est ignorer volontairement les subventions que l’UE injecte depuis longtemps dans ce secteur fondamental de l’économie (même s’il y a, là aussi, un problème de répartition). Il est relativement facile d’exploiter électoralement les passions populaires ; c’est autrement plus ardu d’y apporter des réponses concrètes et probantes. Y a t’il façon plus malhonnête de faire de la politique ?

Référendum : on parle beaucoup de référendum ces temps-ci. Comme si c’était une forme de panacée électorale. Pourtant, cette forme de scrutin populaire est loin d’être anodine et sans danger pour ceux qui s’en remettent à elle (on sait ce qu’elle a coûté à De Gaulle). Dans le champ politique, elle contourne le système de représentation parlementaire qui est le nôtre et, à ce titre-là, elle devrait toujours rester exceptionnelle. Mais notre époque, en crise perpétuelle, n’a que faire de ces préventions. Son dernier avatar en date concerne le monde de l’entreprise. Avec lui, l’employeur qui veut, par exemple augmenter la durée hebdomadaire de travail, peut directement traiter avec ses salariés, sans passer par leurs représentants syndicaux. Même s’il leur faut se plier à la décision exprimée par majorité des votants, ceux-ci se sentent, à juste titre, évincés d’un processus de négociations qu’ils ont largement contribué à créer au sein de l’entreprise. Et incriminent avec raison la politique de libéralisation pratiquée par le gouvernement depuis deux ans. Reste que ce type de consultation n’a pas, in fine, de valeur juridique sans un accord collectif d’entreprise. Et qu’un salarié, déçu par le résultat d’une telle négociation, peut légalement la contester aux prud’hommes. Pour le moment…

Unédic : les chômeurs ne sont pas mieux lotis. Ils sont aujourd’hui près de six millions en France, répartis en de nombreuses catégories plus ou moins bien indemnisées. Pourtant, ce ne sont pas eux – ni, d’ailleurs les quarante mille employés de Pôle Emploi chargés de les encadrer – qui plombent la dette de l’Unédic (vingt-sept milliards d’euros). Ce qui creuse son déficit, c’est la multiplication des CDD, souvent très brefs, fruits d’une stratégie patronale à court terme. Dans ce cas, me direz-vous, l’état n’a qu’à augmenter leurs cotisations ? Eh bien non. Il préfère envisager la diminution de la durée et du montant des allocations chômage. Ah ! Le beau mot de socialisme.

Iran : On se souvient sans doute de la fatwa qu’avait lancée, en 1989, l’ayatollah Khomeini contre l’écrivain anglo-indien Salman Rushdie qui venait alors de publier « Les Versets sataniques ». Ce roman – une fiction - montrait Mahomet dans une situation peu orthodoxe et cela avait suffi pour provoquer l’ire des musulmans du monde entier, toutes orientations confondues. Un million de dollars : tel était le montant de la récompense pour qui aurait la peau du « mécréant » auteur. Cette condamnation d’un autre âge avait, bien sûr, provoqué un tollé de protestations chez les intellectuels occidentaux. Il n’empêche que, vingt-sept ans après, Rushdie vit toujours sous une protection policière permanente. Et il a bien raison. Car loin d’être touchée par la prescription, la chasse à l’homme est toujours ouverte à son encontre. Mieux : la prime a même été augmentée – c’est peut-être un effet de l’inflation – et atteint aujourd’hui 3,3 millions de dollars. A l’heure où le sentiment démocratique semble progresser en Iran, on voit malgré tout qu’il lui reste beaucoup de chemin à faire. Une hirondelle ne fait pas le printemps.

Erik PANIZZA

 

26/02/2016

Brexit

 

 Entre l’Angleterre et le reste de la communauté européenne c’est, depuis l’origine, « je t’aime moi non plus ». Quoique membre à part entière, elle a toujours voulu maintenir son indépendance et sa singularité - dont le maintien de sa monnaie nationale, à l’heure du passage à l’euro, ne fut pas la moindre exigence. Depuis, sa méfiance envers l’Europe s’est encore accentuée et un mot-valise agite l’opinion britannique depuis quelques temps : Brexit. La possibilité de sa sortie prochaine de l’UE est devenue un véritable enjeu électoral ; on sait la pression que met sur le gouvernement de David Cameron une formation anti-européenne comme Ukip. C’est aussi, à l’extérieur, l’objet d’un âpre marchandage avec Bruxelles, aussi, comme on l’a vu la semaine dernière. Que veulent les Anglais ? Bénéficier des avantages commerciaux liés au statut de membre (l’exonération des taxes douanière, en particulier) et s’acquitter en retour du moins d’obligations possibles. En langage imagé, c’est ce qu’on appelle vouloir le beurre et l’argent du beurre. David Cameron (qui ne cache pas sa préférence nationale) a encore réussi son coup de poker face au tandem franco-allemand emmené par François Hollande et Angela Merkel. Outre des accords bancaires extrêmement avantageux et une sécurité nationale indépendante des dispositifs militaires fédéraux, il a également obtenu le droit de ne pas verser d’allocations familiales aux résidents européens durant les quatre premières années de leur installation en Grande Bretagne. Mesure qui, en plus, ne concerne que les salariés, car les ressortissants de l’UE n’ayant pas trouvé de travail au bout de six mois pourront être renvoyés dans leur pays d’origine. Il ne va pas faire bon aller vivre en Angleterre quand on est français, italien ou polonais. Il y a plus, car les concessions faites à la Grande Bretagne ont de quoi exaspérer des états, comme la Grèce, qui souffrent des exigences de Bruxelles. Pourquoi, dans ces conditions, ne pourraient-ils pas renégocier leur adhésion à l’UE ou lui demander des dérogations sur des sujets sensibles, comme l’accueil des réfugiés ? « Regardez les Anglais. Ils ont fait plier Bruxelles. Pourquoi pas nous ? »
Si la pugnacité de David Cameron a, bien sûr, été saluée par tous ceux que le sentiment européen horripile – à commencer, chez nous, par les cadres du FN -, elle n’en reste pas moins insuffisante aux yeux des partisans de la sortie de l’UE. Ils sont nombreux et tonitruants en Angleterre, à commencer par Boris Johnson, l’actuel maire de Londres et adversaire de Cameron, qui s’est prononcé en leur faveur, lundi dernier. Dans le cas où un prochain référendum leur donnerait raison, l’Ecosse (elle-même travaillée par des visées sécessionnistes) a d’ores et déjà annoncée qu’elle se rallierait à l’UE. Vous avez dit Royaume Uni ?

Jacques Lucchesi