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22/12/2017

         Les écoliers français à la traîne

   On savait depuis longtemps que les écoliers français ne brillaient guère en mathématiques (bons derniers à l’échelon européen). Mais on ne pensait pas que leur niveau en français et en lecture était également dans le rouge. C’est malheureusement ce qu’a confirmé, le 5 décembre dernier, une étude du PIRLS (Programme International de Recherches en Lecture Scolaire). De ce travail effectué sur 320 000 enfants  de neuf à dix ans et issus de 50 pays différents, il ressort que la régression didactique des petits Français, sensible depuis quinze ans, s’est encore accentuée, les plaçant seulement à la 34eme position de ce classement. Le haut du panier est tenu ici par la Russie, Hong-Kong et Singapour ; tandis que dans le peloton de queue, on trouve l’Egypte, le Maroc et l’Afrique du Sud.

 Que cherchait à mesurer le programme PIRLS ? L’aptitude à comprendre les différents niveaux de sens d’un texte donné et la capacité à utiliser le langage écrit dans la vie en société. Concernant le premier degré – les informations explicites -, pas de problème puisque nos enfants se situent à neuf points au dessus de la moyenne. Tout change lorsqu’il s’agit, pour eux, d’interpréter le sens implicite d’un texte : là, ils chutent à moins dix points. Et c’est pareil pour la construction d’une argumentation synthétisant le texte lu. Ces résultats décevants méritent, cependant, d’être nuancés. D’abord, nous savons bien que l’apprentissage de la lecture est aussi affaire de milieu social. Les enfants dont les parents sont des lecteurs assidus seront naturellement incités à parfaire leur éducation à travers les livres – l’inverse étant tout aussi vrai. Ensuite, il faudrait savoir à partir de quels types de textes cette étude a été menée. Car, évidemment les difficultés ne sont pas les mêmes selon que l’on se base sur un article strictement informatif ou un écrit littéraire avec ses symboles particuliers et ses allusions à d’autres textes antérieurs.  Pour comprendre (et apprécier) certains poèmes de Baudelaire, par exemple, il faut avoir un minimum de culture classique, connaître ses auteurs de référence (Joseph de Maistre, Edgar Poe entre autres) et aussi ceux qu’il détestait (Voltaire, Georges Sand). Ce n’est pas du tout évident quand on a seulement dix ans.

Ces lacunes se retrouvent aussi dans les classes supérieures, au collège et au lycée. Certes, les jeunes français sont mieux informés que leurs aînés sur une multitude de sujets grâce à leur fréquentation quotidienne d’Internet. Mais ils pratiquent de moins en moins la lecture continue, patiente, analytique des grands textes de notre culture : celle qu’exige justement une éducation accomplie. Sans cesse sollicités par l’événementiel, ils perdent la curiosité pour les formes culturelles du passé et leur capacité de concentration s’émousse précocement face aux écrans et leurs raccourcis linguistiques. Cela montre, au moins, que le savoir et l’information sont deux réalités bien distinctes, sinon antagonistes.

Informé de ces mauvais chiffres, le ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer a pris aussitôt une série de mesures pour remédier à cet état de choses : rétablissement de la dictée quotidienne, apprentissage systématique du vocabulaire, de la grammaire et de l’orthographe et même la distribution gratuite des Fables de La Fontaine (qui abondent en sens figuré) aux élèves du CM2. Sage décision mais il aura, néanmoins, bien du mal à inverser la tendance, tellement le numérique et ses travers ont gangréné l’éducation, sinon les mentalités. La France ne peut pas toujours vivre sur ses acquis, aussi prestigieux soient-ils. Elle a besoin de renouveler sa littérature. Mais ça ne peut pas être avec une orthographe phonétique et des poèmes en forme de tweets. Si, en ce secteur aussi, la courbe ne remonte pas, notre pays pourrait bien, d’ici quelques décennies, ne plus jamais être cette nation-phare de la culture qu’il a été pendant des siècles.

 

Jacques LUCCHESI

15/12/2017

       Réflexion sur des funérailles

              

 

 

 Depuis le 11 janvier 2015, on n’avait plus vu une telle concentration humaine à Paris. Car c’est par centaines de milliers qu’ils étaient venus, entre les Champs Elysées et l’église de la Madeleine, assister aux funérailles de leur idole. Le show était bien conçu, avec une jeune veuve et ses deux enfants (adoptifs) suivant pas à pas la voiture mortuaire, façon Jackie Kennedy; avec ces artistes qui multipliaient, dans l’église pleine à craquer, les témoignages de sympathie au disparu ; avec un président de la république aux accents dithyrambiques demandant à la foule d’applaudir une dernière fois le chanteur (c’est tout juste s’il n’allait pas décréter trois jours de deuil national). Je veux bien croire que Johnny Halliday, même habitué aux méga-concerts, n’a pas dû, de son vivant, imaginer une telle sortie de scène. De quoi faire enrager, outre-tombe, Claude François qui n’a pas eu, malgré bien des hommages  de fans éplorés, un tel enterrement en mars 1978. Noir c’est noir, mais trop c’est trop !

Samedi 9 décembre, tant sur TF1 que sur France 2, le journal télévisé se résumait à un morne reportage en direct de la procession funéraire. C’est à croire que tous les problèmes du monde s’étaient  momentanément évanouis. Disparues les tensions à Jérusalem faisant suite à la volonté de Donald Trump d’y installer une ambassade américaine ! Oubliée la préparation des élections régionales en Corse ou celle, en interne, des républicains ! Et ne parlons même pas des SDF qui crèvent de froid en cette saison et à qui les municipalités interdisent jusqu’aux bancs publics.

L’homme qui venait de mourir et dont on a, à juste titre, fait l’éloge public, n’était certes pas tout à fait comme le commun des mortels. Sa vie, pendant plus d’un demi-siècle, a été largement scrutée et commentée au point de devenir presque familière à de très nombreux français. Cela s’appelle la célébrité – ce qui est différent de la gloire que certains voudraient lui associer. Plus encore que le chanteur doué qu’il était, Johnny Halliday fut une star. Mais qu’est-ce qu’une star sinon un statut fabriqué de toutes pièces par le marché – 100 millions de disques vendus tout de même – et les médias ? C’est une création sociale dans lequel celui – ou celle – qui est pris dedans n’a pas fait autre chose, pour la mériter, que d’exercer son métier et de vivre selon son principe individuel. Dès lors cet être, mi-réel, mi imaginaire,  peut offrir du rêve à beaucoup de gens. Mais, reconnaissons-le, c’est peu de chose en comparaison de ce qu’apportent au monde de grands inventeurs, de grands médecins ou de grands politiques. Les bienfaits de la star sont d’abord d’ordre imaginaire (et, à un autre niveau, d’ordre économique, aussi). Ils ne changent pas en profondeur la vie des hommes et des femmes à un moment donné de l’Histoire.

Johnny Halliday fut le produit de son époque, il n’en a pas modifié l’orientation. Par son style, sa voix et ses chansons, il a surtout permis à ses admirateurs de supporter des conditions de vie qui n’ont pas été toujours faciles, mais il ne les a pas améliorées. C’est peu et beaucoup à la fois ; ça ne méritait sans doute pas une telle publicité, une telle pompe autour de sa disparition. Quand le soufflet de l’affectivité sera retombé, on pourra alors reparler de lui sereinement et le juger à l’aune de son seul legs artistique. Et l’on verra alors qu’il n’est pas si important que ça ; moins important, en tous les cas, que ceux d’autres chanteurs français partis plus discrètement que lui.

 

Jacques Lucchesi    

16:32 Publié dans numéro 17 | Lien permanent | Commentaires (0)

01/12/2017

  Macron et les Restos du cœur

 

                  

 

Quand Emmanuel Macron ne fait pas de la pédagogie démocratique à l’étranger, lorsqu’il parvient à s’arracher à sa garde rapprochée féministe (qui oriente en sous-main une partie de la politique gouvernementale), il lui arrive de se pencher sur les vraies urgences de la société actuelle. Comme la misère – criante ! – de ceux et celles qui n’ont pas de quoi se loger et se nourrir décemment. Ce sont eux qui forment le gros des effectifs qui viennent, chaque hiver, taper à la porte des Restos du cœur. Voilà au moins une création 100% made in France ; une association qui marche de mieux en mieux après trente deux ans d’existence. En lançant le concept en 1985, le regretté Coluche ne croyait sûrement pas que ses Restos du cœur connaîtraient une telle prospérité. Pensez donc ! Cette année  encore, ils prévoient de distribuer entre 136 et 140 millions de repas dans les 2085 centres que compte l’association en France. C’est encore mieux que l’an dernier à la même époque.

Aussi, notre jeune et fringant président se devait d’être présent, vendredi 21 novembre, pour le lancement de leur 33eme campagne. « Vous faites vivre une très belle idée ». A-t-il déclaré avec enthousiasme à un auditoire qui ne l’avait sans doute jamais vu de si près. Et de faire quelques selfies avec les uns ou un peu d’information administrative avec les autres. L’ennui, c’est que cette « belle idée » repose essentiellement sur un réseau de 71 000 bénévoles et les dons des particuliers. C’est dire qu’elle ne coute pas cher à l’état, pourtant en charge des questions sociales. Si encore Macron parvient à obtenir, auprès des institutions bruxelloises, le renouvellement du Fond Européen d’Assistance aux Démunis – lequel ne représente que le quart des achats alimentaires des Restos du cœur -,sa visite n’aura pas été que purement protocolaire.

 Elle n’en pas moins vivement agacé Ayméric Caron qui, sur Canal +, s’est indigné de la légèreté, et même du cynisme, dont le président fait preuve, selon lui, face au problème persistant de la misère en France. Je n’ai pas, personnellement, beaucoup de sympathie pour cet habitué des plateaux télé et la prédication anti-spéciste qu’il y mène depuis quelques années. Mais je dois dire que j’ai trouvé, dans sa colère cathodique, une réelle sincérité et un sens certain de la justice. Reste que le régime végétarien, dont il est un partisan convaincu, n’est pas près d’être adopté par tous ceux qui ont moins de 500 euros par mois pour survivre.

 

Jacques LUCCHESI