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18/03/2016

Les repentis de l’E I

 


La nouvelle, mercredi 9 mars, a surpris le monde entier : une clé USB contenant les fiches signalétiques de 22 000 combattants de Daesh a été livrée, via la Turquie, à la chaîne anglaise Sky News par un membre repenti de cette organisation. Les autorités ont tout d’abord cru à une ruse de guerre. Mais, après vérifications, l’expéditeur de cette fameuse clé a été identifié. Il se présente sous le pseudo d’Abu Hamed et dit avoir été un partisan de Daesh qu’il a fui depuis, déçu par ses méthodes qu’il juge comme « une escroquerie sans rapport avec les principes de l’Islam ». On peut à peine imaginer quelle mine d’informations sur l’E I cette « fuite » représente. 22 000 formulaires (même si certains tentent déjà de minimiser ce chiffre) qui contiennent les noms, adresses et numéros de téléphone des recrues de Daesh dans le monde entier. Ils ont été remplis par des ressortissants de 55 pays, protocole qui rappelle le caractère extrêmement bureaucratique de cette organisation criminelle. Parmi ces apprentis djihadistes, on ne trouve pas moins de 25% de saoudiens, mais aussi 500 français. Ce questionnaire en 23 points porte sur leur ancienne profession, leur degré de compréhension de l’Islam ou encore le rôle qu’ils veulent jouer au sein de l’E I. Beaucoup, parmi eux, sont déjà morts ou connus des services de renseignements. Mais de nombreux autres, en revanche, étaient jusque là insoupçonnés, vivant tranquillement en Europe occidentale, aux USA ou au Maghreb en attendant de passer à l’attaque. Si toutes ces données sont confirmées, la police des états concernés va pouvoir agir en amont et arrêter ceux qui ont été séduits par cette funeste organisation.
Cette « fuite » d’informations n’est pas la première mais c’est quand même la plus importante à ce jour. Elle arrive à un moment ou l’E I est en recul sur la plupart des territoires qu’il avait conquis en Irak et en Syrie – ce qui ne signifie en rien qu’il a épuisé sa capacité de nuisance. Elle en dit long également sur le cheminement intérieur de nombreux membres de Daesh, confrontés depuis trois ans à une surenchère dans l’horreur. Ceux-là voudraient rentrer chez eux mais on ne sort pas aussi facilement d’un tel engrenage. Car tout est loin d’être homogène dans le pseudo califat fondé par Abou Bakr Al-Baghdadi. Et que des luttes intestines pourraient bien aboutir à sa division en plusieurs factions d’ici peu. Autant d’éléments qui devraient freiner l’ardeur belliqueuse des jeunes imbéciles que Daesh cherche à enrôler, via Internet, dans nos contrées. Car le voyage proposé prend de plus en plus la tournure d’un aller simple pour l’enfer.

Bruno DA CAPO

01/10/2014

La protestation musulmane

                 

 

 

 En matière de terrorisme et d’enlèvements, nous avons franchi, avec Daesh – l’état islamique – une nouvelle étape dans l’horreur. Alors que jusqu’ici les otages occidentaux représentaient une valeur marchande pour leurs ravisseurs et étaient longuement détenus (ce fut le cas avec des groupes comme Aqmi et Boko Aram), on assiste avec Daesh à une toute autre stratégie. Là, pas de négociation mais des mises en scènes macabres destinées à montrer sa détermination implacable à ses ennemis. D’où la rencontre de la barbarie la plus ancestrale et de la technologie la plus sophistiquée, le sabre et l’Iphone, la haine des valeurs occidentales et l’utilisation compulsive des réseaux sociaux. Jamais les bourreaux, dans l’histoire, n’ont été aussi bavards et exhibitionnistes. Et cela ajoute à leur abjection.

Mais il est un point de bascule où la terreur – passive - se transforme en une révolte  - active. Ce point a –t’il été atteint avec la mort atroce d’Hervé Gourdel ?  Tout porte à le croire, si l’on en juge par l’émotion provoquée par l’annonce de sa décapitation. Pour la première fois, surtout, elle a soulevé une vague d’unanimisme qui a fait tomber les vieux clivages communautaires. Si jusqu’ici on avait entendu, à l’occasion d’un attentat ou d’un enlèvement commis par des islamistes, la réprobation des seuls représentants du culte musulman en France, avec ce nouvel assassinat c’est toute une communauté qui s’est dressée pour clamer son indignation. Non, Daesh et ses prétendus djihadistes n’ont rien à voir avec tous ceux qui, dans notre pays, veulent seulement affirmer leur foi en l’Islam et ses principaux commandements. Non L’Islam n’est pas l’islamisme et oppose, lui aussi, à cette perversion sanglante la valeur universelle de la vie humaine.  Tout comme les musulmans anglais qui s’insurgeaient contre Daesh en affichant sur leurs poitrines « Not in my name », leurs coreligionnaires hexagonaux  ont massivement pris la parole pour dire qu’ils étaient, eux aussi « de sales Français ». Cette condamnation sincère de Daesh et de ses méthodes n’était pas, non plus, exempte d’un souci d’autojustification. Beaucoup, en effet, sont excédés de devoir toujours faire la preuve de leur pacifisme - d’aucuns, dans la presse française, ne se sont pas privé de le faire remarquer – face à une opinion publique qui a tendance à les diaboliser. Une situation pénible, j’en conviens, mais il faut parfois briser un silence trop ambigu et jouer cartes sur table. A Paris, mais aussi à Nice, Lyon et Avignon, des hommages à Hervé Gourdel ont regroupé, durant le week-end dernier, de très nombreux participants, musulmans, chrétiens et laïques unis par un commun rejet du fanatisme meurtrier. Une belle image de la société française actuelle et de son idéal républicain. Je regrette seulement que l’on n’ait pas vu les mêmes défilés de la fraternité à Marseille.

 

                            Bruno DA CAPO