21/10/2016
Bruissements (67)
Hollande : l’affaire de l’insulte à la magistrature restera sans doute comme l’une des plus lamentables du quinquennat Hollande (qui n’en manque pas). Voilà un président - au plus bas dans les sondages - qui entreprend, moins d’un an avant la fin de son mandat, de se raconter complaisamment à des journalistes toujours avides de confidences. Et qui en vient à leur dire ce qu’il a sur le cœur, évidemment. Si jamais un livre a été bien nommé, c’est bien ce « Un président ne devrait jamais dire ça ». Si jamais un livre vient trop tôt, aussi, c’est bien celui-là. Car si on peut imaginer qu’un ex-président exprime sa rancœur vis-à-vis de son entourage politique, voire envers les institutions, on ne le comprend pas de la part d’un président encore en exercice, candidat potentiel à sa propre succession. Taxer de lâcheté la magistrature n’est pas qu’une parole primesautière, c’est aussi un manque absolu de tact politique vis-à-vis d’un grand corps d’état qui a déjà été diffamé par Sarkozy lorsqu’il était à l’Elysée et qui est, en grande partie, acquis à la Gauche. On sait, d’autre part, que les magistrats peuvent être impitoyables avec des hommes politiques qui leur prêtent un peu trop le flanc. Depuis Hollande a essayé de justifier ses propos dans une lettre publique, osant même dire que ce n’était pas là le fond de sa pensée. Pitoyables attitudes que la palinodie et l’excuse lorsqu’elles viennent d’un chef d’état. Après avoir encaissé le choc, les magistrats se sont un peu apaisés, mais ils n’en pensent pas moins. Dans l’entourage du président, beaucoup ont été interloqués par ce comportement d’échec. En langage populaire, cela s’appelle scier la branche sur laquelle on est assis. Ou se tirer une balle dans le pied.
Royal : Un dérapage en entraine souvent un autre. Lundi dernier, c’est Ségolène Royal qui a ouvertement critiqué la poursuite des travaux de construction de l’aéroport de Notre Dame des Landes. En exprimant son désaccord vis-à-vis d’un projet entériné par le gouvernement auquel elle participe, elle sort de son devoir de réserve. Il est vrai que ce n’est pas la première fois que la ministre de l’écologie se trouve en contradiction avec le chef de l’exécutif, lui qui ne s’est pas privé de retoquer ses mesures en faveur de l’environnement. Y aurait-il une visée électorale derrière ses propos ? Dans ce cas, nous le saurons assez vite.
Manif : il y avait quelques temps qu’ils n’avaient pas fait parler d’eux, les coincés et les bourges de la manif pour tous. Dimanche dernier, à Paris, ils ont rompu le silence, revenant avec insistance sur leur rejet de ces nouvelles formes de maternité que sont la PMA et la GPA. Dans leur collimateur les nombreux couples gays qui y recourent de plus en plus. Belle leçon d’intolérance. Certes, ces pratiques peuvent choquer des consciences enracinées dans le confort d’une tradition. Mais comment ne pas voir qu’elles sont portées par un mouvement irréversible ? Que la vie, avec ses joies et ses souffrances, n’en continuera pas moins pour ceux qui naitront avec deux pères ou deux mères ? Et ce ne sont pas quelques défilés protestataires qui empêcheront cette évolution sociétale : même avec le soutien de politiciens aussi influents que Nicolas Dupont-Aignant ou Jean-Frédéric Poisson.
Police : La récente affaire de Viry-Châtillon (Essonne) et le quasi-lynchage de deux policiers en patrouille par une bande de dealers a fait éclater un malaise déjà sensible dans la police française. Depuis, les policiers manifestent, de jour comme de nuit, à Paris comme en province, criant à tous leur ras-le-bol, semblables aux représentants des autres corporations qu’ils surveillaient encore naguère. Ils en ont marre de la surcharge de travail entrainée par l’état d’urgence, marre d’être pris pour cibles au sens propre comme au figuré, marre du laxisme de la justice vis-à-vis des criminels, marre du manque de soutien de leur ministre de tutelle. Que veulent-ils en retour ? Plus de moyens et d’effectifs pour accomplir leurs missions, plus de souplesse juridique dans le port et l’usage de leurs armes aussi (il y a de la bavure dans l’air). Du coup, ils intéressent les formations politiques qui cherchent à se rapprocher d’eux et à instrumentaliser leur colère. D’ores et déjà, l’état a débloqué un milliard d’euros supplémentaire pour la sécurité. L’époque des suppressions massives de postes chères à Sarkozy est bel et bien révolue dans ce secteur. Aucun président, en 2017, ne pourra plus faire d’économies sur leur dos.
Erik PANIZZA
15:24 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hollande, royal, manif, police
14/10/2016
A ceux qui parlent de la France
Ils parlent tous de la France avec ferveur et emphase. Pour eux il s’agit de redresser, voire de sauver, ce grand pays, de lui redonner son autorité et son rayonnement dans le concert des nations. Mais qu’est-ce au juste que la France ? Un territoire à la pointe ouest de l’Europe ? Une culture millénaire ? Un art de vivre ? François Hollande l’a assez bien définie en disant – comme d’autres avant lui – que « la France est une idée ». Oui, au-delà de ses particularités géographiques et historiques, la France est une idée. Une idée - certes complexe - pour tous ceux qui en parlent comme s’ils en étaient les plénipotentiaires. Mais il en va de la France comme de l’Homme des Lumières : c’est une abstraction. Certes, elle aurait une localisation sur la carte du monde sans ses habitants, mais ce sont eux tout de même qui lui donnent son sens, assurent sa continuité dans le temps. Dans ce cas, une politique juste et avisée doit d’abord se préoccuper des Français. Ce sont eux les relais des discours faits la main sur le cœur « au nom de la France ». Ce sont eux qui sont concernés par les lois que votent leurs gouvernants. Ce sont eux qui attendent des mesures propres à améliorer leur vécu. Or, qu’entend-t’on dans les débats télévisés ? Voici un homme politique qui voudrait mettre encore plus les Français à la diète pour éponger la dette de la France. Un autre ne parle que de renouveau, mais en développant les plus sombres perspectives anti-sociales. Partout ce n’est que mise au pas, efforts, courage, restrictions. Et ces gens-là disent connaître la diversité des Français et de leurs attentes ! Non, la politique n’est pas une science abstraite. Elle doit sans cesse revenir à sa base humaine, avoir le souci du plus grand nombre. On ne peut pas faire gagner la France en faisant perdre les Français.
Jacques LUCCHESI
15:38 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, idée, français, politique
07/10/2016
Où l’on reparle du RSA
Créé par Martin Hirsch en juillet 2007 – sous la présidence de Nicolas Sarkozy -, le RSA est une allocation d’environ 530 euros par mois versée par la CAF aux personnes sans ressources d’au moins 25 ans et aux chômeurs en fin de droit. Il remplace le vieux RMI voulu par Michel Rocard dès 1988 et peut se cumuler, quoique de façon dégressive, avec un petit revenu d’activité. Dans les faits, ceux qui le perçoivent ont donc échoué à (re)trouver un emploi et ont besoin de cette allocation pour simplement survivre. On ne s’étonnera pas que, dans le contexte économique actuel, le nombre de ses bénéficiaires ait beaucoup progressé ces dernières années; ni, d’ailleurs, qu’il y ait des régions plus demandeuses que d’autres. C’est notamment le cas du Haut-Rhin, région touchée par la progressive désindustrialisation, où l’on compte quelques vingt mille allocataires. Aussi Eric Straumann (les Républicains), le président de son conseil départemental, a t’il proposé de conditionner le versement du RSA à sept heures de bénévolat par semaine : pour la resocialisation de tous ces malheureux privés d’emploi, ça va de soi. Mais contraindre les gens à faire du bénévolat est la négation même de la notion de bénévolat et de la liberté qui l’accompagne. Cela relèverait des travaux d’intérêt collectif, peine appliquée aux auteurs de petits délits pour désengorger les prisons. Quoique le Tribunal Administratif de Strasbourg ait déclaré, voici deux jours, cette mesure illégale, Eric Straumann n’en démord pas et compte mettre en place son dispositif dès janvier 2017. On peut se demander d’où il tire une telle arrogance pour braver la loi et envisager cette expérience avec tout ce qu’elle charrie d’associations douteuses.
Il faut dire que les divisions sociales ne cessent de s’accentuer en France. Et qu’à l’heure où un gouvernement socialiste veut conditionner le versement des APL au montant du livret de caisse d’épargne, il ne faut pas s’étonner qu’à droite, on ré-entonne les vieux couplets contre l’assistanat, ce cancer qui ronge la société. Ceux qui tiennent les pauvres pour des profiteurs sont souvent les mêmes qui s’insurgent contre les réfugiés « qu’on héberge et qu’on nourrit avec nos impôts ». Ils ont leur avocat en la personne de Laurent Wauquiez, président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes et grand défenseur des classes moyennes. En voilà un qui n’aime ni les migrants ni les assistés et qui le dit ouvertement. Il verrait même d’un bon œil la suppression des aides sociales qui empêchent tant de gens de se retrouver à la rue. Il n’a jamais dû douter que ses revenus – bien supérieurs à la moyenne des Français – étaient proportionnels à sa valeur intrinsèque.
Qu’on soit au moins sûr d’une chose : c’est que si la Droite revenait au pouvoir, en mai 2017, elle serait, avec de tels énergumènes, plus que jamais décomplexée pour poursuivre sa politique de clivage et de démantèlement des acquis sociaux. Les priorités du moment ne doivent pas faire oublier les choix fondamentaux de société.
Bruno DA CAPO
16:39 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rsa, caf, wauquiez, assistanat