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26/08/2016

Ecoles : une rentrée sous haute tension

 

 

 

  Chacun de nous le sait bien : il n’y a pas de rentrée scolaire sans stress. Aux grandes vacances et à leur naturel relâchement succède, fin août début septembre, une période d’agitation tous azimuts. Les parents songent aux fournitures des enfants qui, eux-mêmes, ne songent plus qu’aux nouveaux défis qui les attendent. Quant aux enseignants – les premiers sur la brèche -, ils sont accaparés par les nouveaux programmes, les questions de budget et de logistique, sans parler de l’accueil des élèves. Oui, tout ce la ne va pas sans tensions, mais ce sont les tensions normales de cette période de l’année. Rien de tel avec cette rentrée 2016 qui va les multiplier par deux, tellement l’accent est mis sur la sécurisation des établissements scolaires. A juste titre, car le gouvernement prend plus que jamais au sérieux la menace terroriste après les tragédies qui ont ensanglanté l’été. Et personne ne voudrait revivre une intrusion meurtrière comme celle de Mohamed Merah dans une école israélite, en mars 2012. Déjà, dans les 64 000 écoles françaises, on a pris le taureau par les cornes. De tous côtés, on s’affaire à installer de nouvelles alarmes, des vitres opaques ou des portillons de sécurité. On organise des simulations d’attentats et des séances de secourisme pour les élèves du secondaire. Et c’est sans même parler des 3000 réservistes et des 2391 gendarmes qui seront postés aux abords des établissements pour leur protection.

Tout cela, évidemment, va couter de l’argent. En allouant aux collectivités locales une enveloppe de 50 millions d’euros supplémentaires, la ministre de l’éducation s’en tient à la portion congrue. C’est mieux que rien, me dira-t’on. Mais qui rétribuera la surcharge de travail que ces mesures de sécurisation vont entrainer pour les enseignants ? Et comment imaginer que ce climat alarmiste n’ait pas des répercussions sur le moral – et le travail – des élèves ? On ne peut pourtant plus faire autrement, sauf à s’exposer aux pires attaques. Mais on voit, avec ces dispositifs, les changements à grande vitesse qui affectent le vécu quotidien des Français ; les dépenses publiques supplémentaires qu’entraine l’état d’urgence, aussi. On souhaite, plus qu’on espère, que tout cela soit dissuasif. Une chose est à peu près certaine dans ce contexte: aucun candidat sérieux à la prochaine présidentielle ne pourra, au nom de la dette, nous rejouer la complainte de la réduction des fonctionnaires et, donc, de la diminution des investissements publics.

 

                                      Jacques LUCCHESI   

12/08/2016

J O de Rio : l’envers de la médaille

     

 

  Feu d’artifice, jeux de lumières, chorégraphies pharaoniques et chatoyantes, défilés de mode, délégations nationales en rangs serrés et allumage solennel de la flamme olympique : rien ne manquait, vendredi dernier, à cette cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Rio, dans le prestigieux stade du Maracana. On n’ose imaginer combien de photographies et de selfies ont dû être réalisés à cette occasion. Pendant quinze jours, plus de dix mille athlètes venus de deux cents pays vont s’affronter dans une centaine de disciplines sportives. Pour eux, quelques cinq-cents mille touristes ont fait le déplacement. Si Rio, pour le monde entier, était déjà un décor de carte postale, elle va devenir, durant ce mois d’août, le point de mire de tous les médias de la planète, l’évènement par excellence auquel rien ne saurait voler la vedette.

Néanmoins, cette fête internationale  a un prix à la hauteur de ses fastes. Les Brésiliens le savent bien, eux qui ne cessent de la payer depuis la désignation de Rio comme ville olympique. Malgré tout, de nombreuses infrastructures hôtelières, bâties à la hâte, n’était pas terminées à l’heure du coup d’envoi – et il en va  de même pour les transports. Pour satisfaire à ce cahier des charges, les autorités de la ville n’ont pas hésité à déloger près de quatre-vingt mille habitants, parmi les plus précaires. De telles ambitions supportent mal la misère qui doit être cachée coûte que coûte. Mais personne n’est dupe dans cette métropole au bord de la faillite. A l’heure où la corruption gangrène le pays, où la présidente Dilma Rousseff est sous le coup d’une procédure de destitution, où les salaires des fonctionnaires sont payés avec plusieurs mois de retard, le peuple en colère n’a pas manqué de le faire savoir à Michel Temer, l’impopulaire vice-président. Qu’est-ce qu’une fête qui ne s’adresse qu’à une élite économique ? Où les intérêts du plus grand nombre sont toujours sacrifiés à ceux des entrepreneurs. Où l’armée, sous couvert de sécuriser les touristes, contrôle d’abord les opposants au régime.

On voit comment finit un état qui a troqué son idéal socialiste pour le plus âpre libéralisme. Les paillettes et la poudre aux yeux ne suffisent plus à faire croire que le Brésil est un pays dynamique et heureux. Et il se pourrait bien que la principale image qui émergera des ces JO de Rio soit celle d’un soldat armé d’un bazooka aux abords du Maracana.

 

                                

                                 Bruno DA CAPO

14:01 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rio, j o, maracana, bazooka

05/08/2016

Turquie : une autre forme d’état d’urgence

 

 

 Traditionnellement l’armée est au service du politique, du moins dans les états démocratiques. Entre eux, pourtant, les rapports sont souvent tendus. Parfois, c’est l’armée qui rejette une ligne directrice jugée trop à gauche : ce fut le cas pour Pinochet renversant le gouvernement Allende au Chili, en 1973. A l’inverse, elle peut aussi s’opposer au conservatisme, voire à l’intégrisme religieux, au nom de la démocratie quand un dirigeant issu des urnes menace de la nier. C’est ce qui se passa en Egypte, voici trois ans, lorsque Mohamed Morsi et les Frères Musulmans entreprirent de mettre la société civile sous coupe réglée. Les putschistes turcs avaient-ils l’exemple d’Al Sissi en tête quand ils ont voulu renverser le régime Erdogan, dans la nuit du 15 juillet dernier ? C’est fort possible, au vu de ses récentes dérives religieuses ; car une remise en question de la laïcité instaurée, voici près d’un siècle, par Kémal Atatürk, ne peut que nuire à l’essor de la société turque moderne et, au delà, à son intégration dans  l’Union Européenne. Malheureusement pour eux, les choses ne se sont pas passées aussi bien que pour leur modèle égyptien. En échouant dans leur contrôle de l’état, ils ont ainsi donné à leur adversaire une occasion rêvée pour accélérer son projet de société bien fermée sur elle-même et ses valeurs ancestrales.

Depuis une quinzaine de jours, on assiste avec stupéfaction à des agissements qu’on croyait – naïvement – appartenir à une époque révolue. La purge entreprise par Erdogan a des proportions quasi staliniennes. Les chiffres les plus récents font mention de 5800 personnes jetées arbitrairement en prison et de 13 000 gardes à vue (d’une durée portée à un mois), parmi lesquelles on dénombre 8800 militaires, 2100 magistrats et 1329 policiers. 12 000 fonctionnaires ministériels ont été sèchement limogés. C’est encore pire dans le secteur de l’éducation où ce ne sont pas moins de 48 000 enseignants qui ont ainsi perdu leurs postes. Quant aux journalistes, ils sont eux aussi dans le collimateur du pouvoir, particulièrement ceux dont les médias sont liés au prédicateur (modéré) Fetullah Gülen, que son opposition frontale à Erdogan a fait exiler aux USA. Les deux hommes se détestent, mais Gülen nie farouchement être l’instigateur de ce putsch.

Face à une telle situation, l’Europe a bien sûr de quoi s’inquiéter. Car la Turquie est officiellement son alliée dans la lutte contre le terrorisme islamique et l’immigration en provenance du Moyen-Orient. Mais il n’est pas certain que ces deux dossiers – malgré d’importantes contreparties financières – demeurent une priorité pour le gouvernement Erdogan, plus enclin à taper sur les rebelles kurdes du PKK que sur les sicaires de Daesh. Quoiqu’il en soit, on mesure ici les conséquences administratives et civiles de l’état d’urgence quand il s’applique brutalement, sans garde-fous démocratiques. Certes, la France n’est pas la Turquie et nous pouvons espérer ne jamais connaître une telle chape de plomb. Mais cela devrait quand même donner matière à réflexion à tous ceux qui l’ont hâtivement plébiscité dans nôtre pays.                  

 

                     Jacques LUCCHESI      

13:26 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : turquie, putsch, armée, purge