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07/10/2016

Où l’on reparle du RSA

                    

  Créé par Martin Hirsch en juillet 2007 – sous la présidence de Nicolas Sarkozy -, le RSA est une allocation d’environ 530 euros par mois versée par la CAF aux personnes sans ressources d’au moins 25 ans et aux chômeurs en fin de droit. Il remplace le vieux RMI voulu par Michel Rocard dès 1988 et peut se cumuler, quoique de façon dégressive, avec un petit revenu d’activité. Dans les faits, ceux qui le perçoivent ont donc échoué à (re)trouver un emploi et ont besoin de cette allocation pour simplement survivre. On ne s’étonnera pas que, dans le contexte économique actuel, le nombre de ses bénéficiaires ait beaucoup progressé ces dernières années; ni, d’ailleurs, qu’il y ait des régions plus demandeuses que d’autres. C’est notamment le cas du Haut-Rhin, région touchée par la progressive désindustrialisation, où l’on compte quelques vingt mille allocataires. Aussi Eric Straumann (les Républicains), le président de son conseil départemental,  a t’il proposé de conditionner le versement du RSA à sept heures de bénévolat par semaine : pour la resocialisation de tous ces malheureux privés d’emploi, ça va de soi. Mais contraindre les gens à faire du bénévolat est la négation même de la notion de bénévolat et de la liberté qui l’accompagne. Cela relèverait des travaux d’intérêt collectif, peine appliquée aux auteurs de petits délits pour désengorger les prisons. Quoique le Tribunal Administratif de Strasbourg ait déclaré, voici deux jours, cette mesure  illégale, Eric Straumann n’en démord pas et compte mettre en place son dispositif dès janvier 2017. On peut se demander d’où il tire une telle arrogance pour braver la loi et envisager cette expérience avec tout ce qu’elle charrie d’associations douteuses.  

Il faut dire que les divisions sociales ne cessent de s’accentuer en France. Et qu’à l’heure où un gouvernement socialiste veut conditionner le versement des APL au montant du livret de caisse d’épargne, il ne faut pas s’étonner qu’à droite, on ré-entonne les vieux couplets contre l’assistanat, ce cancer qui ronge la société. Ceux qui tiennent les pauvres pour des profiteurs sont souvent les mêmes qui s’insurgent contre les réfugiés « qu’on héberge et qu’on nourrit avec nos impôts ». Ils ont leur avocat en la personne de Laurent Wauquiez, président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes et grand défenseur des classes moyennes. En voilà un qui n’aime ni les migrants ni les assistés et qui le dit ouvertement. Il verrait même d’un bon œil la suppression des aides sociales qui empêchent tant de gens de se retrouver à la rue. Il n’a jamais dû douter que ses revenus – bien supérieurs à la moyenne des Français – étaient  proportionnels à sa valeur intrinsèque.

Qu’on soit au moins sûr d’une chose : c’est que si la Droite revenait au pouvoir, en mai 2017, elle serait, avec de tels énergumènes,  plus que jamais décomplexée pour poursuivre sa politique de clivage et de démantèlement des acquis sociaux. Les priorités du moment ne doivent pas faire oublier les choix fondamentaux de société.

                        

                      Bruno DA CAPO

16:39 Publié dans numéro 16 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rsa, caf, wauquiez, assistanat

30/09/2016

La question harki

                          

 

 

Dans l’histoire tumultueuse des rapports entre la France et l’Algérie, la question des harkis demeure vive et ouverte. Elle montre que les lignes n’étaient pas inamovibles et que, si une majorité d’algériens souhaitait l’indépendance de leur pays, d’autres qui croyaient aux valeurs de la France firent le choix inverse et se retrouvèrent ainsi du côté des oppresseurs. Supplétifs aux forces militaires françaises entre 1957 et 1962, les harkis vécurent les Accords d’Evian comme une tragédie totale. Et si environ quarante deux mille, parmi eux, parvinrent à s’embarquer pour la France avec les pieds-noirs et les juifs rapatriés, beaucoup d’autres furent abandonnés par les autorités françaises à la vindicte des algériens qui les tenaient pour des traitres. Combien de harkis furent ainsi massacrés ? Peut-être cent mille, malgré l’obligation faite au gouvernement algérien de les protéger. Les représailles accompagnent toujours les grands changements politiques au sein d’une nation ; ils accroissent aussi les divisions et les haines durables entre ses enfants.

A l’heure où d’autres tensions affectent la communauté musulmane française, où de jeunes français issus de l’immigration algérienne rejettent les lois de la république, François Hollande a choisi, dimanche dernier, de saluer ces algériens qui avaient fait le choix de la France jusqu’à la déchirure et l’exil. La France les a pourtant trahis, ne leur offrant sur son territoire qu’une existence misérable dans des camps de transit et des hameaux forestiers. Son discours fait écho à celui du 19 mars dernier qui commémorait les Accords d’Evian et entérinait le caractère colonialiste de la guerre d’Algérie. Néanmoins, le chef de l’état n’innove pas sur ce point, car Chirac - en 2001- et Sarkozy  - en 2012 - avaient fait, eux aussi, acte de repentance vis-à-vis des harkis. On peut, dès lors, se demander pourquoi il a choisi, à ce moment précis, de remettre ce sujet à l’ordre du jour. La réponse est peut-être dans le nombre – 500 000 à 800 000 personnes – des enfants de harkis qui vivent aujourd’hui en France. Une belle réserve de voix en perspective qu’un président sur la sellette aurait tort de négliger en cette période pré-électorale.

 

               Jacques LUCCHESI

23/09/2016

Sarkozy le gaulois

                          

 

 

 Si la science se reconnaît à son sens de la complexité et à son exigence de vérification, la politique, en revanche, pêche souvent par son art de la simplification extrême. Certes, il s’agit d’être audible par tous, quitte à faire tenir une vision de la société dans un slogan. A ce jeu-là, Nicolas Sarkozy est sans doute le champion. Rien ne l’arrête quand il est en campagne et surtout pas ses propres contradictions. Voici quelques semaines, il suggérait que c’était le droit qui devait s’adapter à la société et pas le contraire. Ce n’est pas faux au regard du droit positif ; ce n’est pas vrai, non plus, sous l’angle des principes constitutionnels de notre république. Mardi dernier, à Franconville – la bien nommée -, il a pris la posture du grand prêtre de l’Histoire pour justifier la nécessité de l’assimilation. Selon lui, quand on a choisi d’être Français, on doit abandonner ses référents ethniques et se déclarer descendant des Gaulois – pas besoin de préciser pour qui il parle. A l’entendre on se croirait revenu cent vingt ans en arrière, au bon vieux temps de la troisième République. Lavisse n’eût pas rêvé meilleur ambassadeur pour la postérité de ses lieux communs. Evidemment, personne n’est dupe du caractère conventionnel de son affirmation. Mais c’est dire, en filigrane, que le mythe doit prévaloir sur la réalité empirique. A sa façon, Sarkozy oppose l’intégrisme républicain à l’intégrisme islamique. Mais de cette confrontation mimétique – René Girard nous l’a appris- ne peut sortir que la guerre.

Alain Juppé, son principal concurrent dans la prochaine primaire à droite, a lui aussi une conception, certes plus souple et plus moderne, de l’Histoire. Selon lui la France est une nation composite, faite de groupes ayant des origines et des cultures diverses. Mais, dans cette mosaïque,  ils partagent tous le fait de vivre sur le même territoire, par là d’être Français. Ce plus petit commun dénominateur, Juppé l’appelle – on ne voit pas très bien pourquoi -  « l’identité heureuse ». Car être français ne constitue pas un passeport universel pour le bonheur. Il y a, dans ce pays, suffisamment d’inégalités et de discriminations pour ne pas y vivre en toute quiétude. Ce n’est pas, en tous les cas, le caractère ultra libéral de son programme qui risque d’améliorer cet état de choses. Oui, les formules des politiques, pour synthétiques qu’elles soient, ont bien peu de chances de résister au choc  - inévitable -  avec la réalité. Elles ne peuvent convaincre que ceux qui sont déjà convaincus. Tout cela est bien faible pour faire tenir ensemble tant de différences.

                                      

                            Jacques LUCCHESI