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29/10/2012

Quelle culture pour Marseille ?

 

               

 

 Marseille, ville européenne de la culture en 2013 : depuis deux ans, la communication autour de cette année évènementielle n’a cessé de s’amplifier. Les conférences de presse annonçant l’évolution des projets et des budgets se succèdent à un rythme régulier. Relayées par les affichages officiels et une partie de la presse locale (qui ne fait en cela que servir de porte-voix aux ambitions municipales).

Or, que voyons-nous lorsque nous déambulons dans le centre-ville ? Des chantiers. Des chantiers tous azimuts qui visent à l’embellissement rapide de la vieille cité, quitte à la bouleverser de fond en comble. Parmi ces chantiers, il y a bien sûr ceux des grands musées publics, comme le MUCEM et le musée des beaux-arts, à Longchamp. Nous savons d’ores et déjà qu’ils ne seront terminés qu’au printemps 2013, en retard sur le calendrier initialement prévu. Mais il y a aussi beaucoup de chantiers privés qui ne visent qu’à profiter de la manne touristique annoncée,  multiplication insensée des hôtels, restaurants et boutiques de mode.

La culture – la vraie culture – fait, la première, les frais de cette fièvre mercantiliste. Jamais depuis deux ans les Marseillais n’ont eu si peu d’expositions à voir dans leurs musées. Quoi de moins surprenant puisque la moitié d’entre eux sont fermés et que les budgets de fonctionnement sont suspendus, dans l’attente de la grande année. C’est ainsi que lors des récentes journées du Patrimoine, les 15 et 16 septembre derniers, on a enregistré 20 000 entrées (gratuites) dans les lieux institutionnels. 20 000 entrées, ce n’est pas 20 000 personnes, mais tout au plus la moitié. Le moindre match de l’OM  en fait le double au stade Vélodrome. Des chiffres qui en disent long sur l’état de la culture à Marseille.

Et ce n’est pas mieux pour les galeries privées dont l’ambition est de montrer autre chose que des scènes de genre et des marines de l’école provençale. Leur durée de vie est, en général, assez brève car, plus que jamais, les acheteurs potentiels hésitent à investir dans une oeuvre de tel ou tel artiste contemporain. On a besoin de valeurs sûres par temps de crise.

Le livre n’est pas à la fête, non plus. Ces cinq dernières années, plusieurs librairies réputés – dont Brahic, rue Paradis – ont déposé leur bilan. Même les Arcenaulx, que dirige depuis des lustres l’inamovible Jeanne Laffitte, annonce sa fermeture prochaine. Un indice pour le moins inquiétant. Et que dire de la bibliothèque de l’Alcazar qui, en pleine rentrée d’automne, ferme ses portes durant deux mois pour des travaux de réfection, sinon que l’on ne se soucie pas beaucoup des gens qui aiment les livres dans cette ville ?

Il y a, certes, l’Opéra et quelques grands théâtres (comme la Criée) qui gardent encore la tête haute dans ce marasme général. Mais seulement parce qu’ils captent  à eux-seuls la quasi-totalité des subventions publiques – par ailleurs de plus mesurées. Sans cela, il y a gros à parier qu’ils connaitraient le même effondrement que les autres secteurs culturels, ici.

Que Marseille ne soit pas historiquement une ville culturelle, nous le savons depuis longtemps. Car Marseille fut et reste  une ville fondamentalement populaire. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas chercher  à l’améliorer. Mais ce ne sont pas les flots de pommade que nos chers édiles s’apprêtent à lui déverser sur la gueule qui vont changer sa réalité profonde. Tout au plus cela créera de nouvelles infrastructures qui rapporteront peut-être moins que l’entretien qu’elles vont coûter à la ville. Du reste, la majorité des évènements annoncés ne se déroulera pas dans les musées mais dans la rue. Ah ! Les Marseillais vont être gâtés en cortèges bariolés, jeux de piste et happenings de toutes sortes en 2013. Dans cette ambiance de liesse générale, qu’ils restent néanmoins attentifs à  leurs colliers et leurs portefeuilles. Car les pickpockets et autres petits délinquants pourraient bien être aussi de la partie.

Mais revenons à nos moutons. Quiconque n’étant pas tout à fait un idiot attend plus de la culture qu’un simple divertissement. C’est pourtant sur cette approche-là que l’on a massivement investi. La tonalité politique et économique de toute cette agitation est  suffisamment éloquente pour que l’on ne s’y attarde pas. Une fois de plus la culture va servir de mobile et de masque à des visées autrement plus pragmatiques. Elle ne sera jamais une fin en soi. Mais n’est-ce pas le but poursuivi par la commission des capitales européennes de la culture que de fouetter l’économie des villes particulièrement sinistrées en les faisant reines pour un an? Ce fut le cas pour Glasgow en 1990 ; ce sera aussi le cas pour Marseille en 2013. 

 

 

                               Bruno DA CAPO

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