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18/02/2013

Alceste à bicyclette, de Philippe Le Guay

 


Il est des films qui ne paient pas de mine et qui pourtant sont de bons films. Alceste à bicyclette est de ceux-ci, soutenu par deux comédiens d’exception : Fabrice Luchini, bougon et inspiré, et un Lambert Wilson au meilleur de sa forme. Le premier, acteur déçu, aigri, quoiqu’arrivé au sommet de son art, a envoyé bouler les strass et les paillettes du métier. Retiré dans une maison de l’Ile de Ré, il passe ses journées à peindre, à enfourcher sa bicyclette ou à régler ses problèmes domestiques. Le second, comédien reconnu, aimé et populaire tournant à tour de bras, qui a fini par obéir aux sirènes de la facilité en se prêtant à une série télévisée sur TF1, se met en tête de rendre visite au partenaire de ses débuts avec l’idée de lui proposer un projet : monter le Misanthrope de Molière où l’un et l’autre joueraient en alternance tantôt Alceste, tantôt Philinte. Après bien des hésitations, le misanthrope de l’Ile de Ré accepte ce challenge. Film sur le théâtre et l’art du comédien, il donne à voir avec bonheur les retrouvailles de deux acteurs complices où ne manquent ni le rire, ni la jubilation qu’ils prennent l’un et l’autre à se renvoyer la réplique. Les réparties sont vives et décapantes, les réflexions sur le métier d’acteur et le milieu des théâtreux sanglantes et sans appel. Il court au long du film une vraie jubilation : celle qu’ont trouvé Wilson et Luchini à aborder un des grands textes de Molière, avec en prime cette connivence de vieux cabots qui fait le charme d’Alceste à bicyclette. Il va sans dire que c’est parce qu’il a fini par renoncer à transformer le monde, qu’il s’accommode en somme des aléas et autres lâchetés de notre vie en société qu’on reconnaît Philinte dans le personnage de Wilson, tandis que Luchini, de par l’intransigeance qu’il revendique face à la comédie humaine, incarne le saisissant et intraitable Alceste. Aujourd’hui comme hier, la problématique de Molière reste entière : que faire si l’on refuse de pactiser avec la roublardise, l’hypocrisie, l’entregent, la lâcheté qu’exige la vie en société sinon se condamner à vivre seul sur une île déserte ? Même une charmante Célimène qui traverse le film ne pourra trouver grâce aux yeux de l’irascible comédien. Ce cinéma, scintillant de dialogues pertinents, lucides, intelligents, donne autant de plaisir qu’il donne à réfléchir sans pour autant qu’il prenne la tête une seule seconde. Merci donc à Philippe Le Guay, Lambert Wilson, Fabrice Luchini et Maya Sansa de nous faire partager cette leçon de théâtre sous la protection inspirée de notre grand Molière.

    

                                                  Yves Carchon

19:53 Publié dans 11 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alceste, molière, luchini, wilson

15/02/2013

Bruissements (17)

 


 

Tunisie : l’assassinat, le 5 février dernier, de l’avocat tunisien Chokrit Belaïd – l’un des principaux opposants au régime actuel – a relancé la polémique sur les accointances entre le gouvernement tunisien et des activistes islamistes, comme les salafistes. Ces derniers, nouveaux fascistes qui multiplient les actions punitives contre les femmes et les partisans de la laïcité, bénéficient d’une incroyable complaisance de la part de la police et de la justice tunisiennes. A n’en pas douter, ils sont derrière ce meurtre qui a fait, encore une fois, descendre  le peuple dans la rue. Devant l’ampleur de l’émotion et de la colère (40 000 personnes ont assisté aux  funérailles de Belaïd,  vendredi 8 février, à Tunis), le premier ministre, Hamadi Jebali a donc décidé de refondre entièrement son gouvernement pour n’y faire entrer que des technocrates. Une façon de dire qu’il faut que tout change pour que rien ne change. Fallait-il que les Tunisiens fassent une révolution pour en arriver à cette forme insidieuse de dictature ? Oui, car le processus protestataire est enclenché et il y a fort à parier qu’ils en feront bientôt une autre contre ceux-là mêmes qu’ils ont porté au pouvoir, ces faux amis de la démocratie dont le jeu consiste à faire croire qu’ils représentent l’avenir quand ils tirent le pays en arrière. Et ce sera sans doute pareil en Egypte.

 

Affiches : « Pourquoi l’UMP refuse-t’elle que je participe à la vie de ma ville ? » Dit ce slogan sous le visage fatigué d’un homme d’origine africaine. Il y a cinq autres « perles » du même genre sur les affichettes – 2,5 millions au total – que le PS a fait imprimer et que nous verrons bientôt éclore dans nos boites aux lettres. On reste perplexe devant une telle campagne, seulement neuf mois après l’élection  à la présidence de François Hollande, alors même que les élus socialistes détiennent actuellement la plupart des postes de pouvoir en France, alors que l’UMP est en pleine déconfiture. Est-ce la perspective des prochaines élections municipales qui justifie ce ton militant et cette insistance sur des questions sociétales ? Ou est-on en train d’assister à la transformation d’un président « normal » en candidat permanent, à l’instar de son prédécesseur ? A moins que tout cela ne traduise qu’un manque de confiance dans la capacité à mener à bien sa propre politique ?

 

FN : est-ce un effet de l’agitation générale autour du mariage homosexuel, de l’adoption et la PMA ? Quoiqu’il en soit,  le FN est en train de remonter dangereusement dans les sondages. Fin janvier, dans un échantillon de 1012 personnes interrogées par la  SOFRES, 32% d’entre elles se disaient proches des propositions de Marine Le Pen et 42% considéraient que le FN ne représente plus un danger pour la démocratie (bon, il y en a quand même 47% qui pensent le contraire). De façon plus resserrée, 38% d’électeurs de l’UMP estimaient que des alliances, aux municipales, étaient désormais possibles avec les candidats frontistes ; et 13% d’entre eux voyaient même, dans le FN, un allié potentiel. C’est différent quand il s’agit de passer aux urnes ; là, 67% des sondés n’envisageraient pas de voter bleu-Marine. Un baromètre dont il faut sans aucun doute tenir compte, même si l’on sait combien ses indications sont sujettes à de rapides variations.

 

Lasagnes : de la viande de cheval dans les lasagnes au bœuf de Findus ! Pas de quoi nous décontracter l’œsophage à l’heure de passer à table. On n’a pas fini de gloser sur cette indélicatesse faite aux consommateurs français, même si, heureusement, on n’est pas en présence d’un scandale alimentaire comparable à celui de la vache folle, en 1998. Dans les deux cas, c’est toujours la même recherche du profit à court terme qui justifie ces aberrations – puisqu’en Roumanie, pays fournisseur de la viande incriminée, celle du cheval vaut quatre fois moins chère que celle du bœuf. Cette nouvelle crise a au moins le mérite d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la complexité de la grande distribution et ses relais. Souhaitons, pour notre santé, que les contrôles n’en soient que plus nombreux et plus stricts, à l’avenir.  

 

Air : l’actualité internationale, extrêmement tendue ces dernières semaines, a tendance à repousser au second – voire au troisième – plan les questions liées à notre environnement. Grave erreur, car nous n’en continuons pas moins d’en subir les retombées délétère. Mardi 5 février, la commission européenne en charge de ce dossier a encore épinglée la France pour la mauvaise qualité de son air. Trois sources d’émissions de particules fines sont en cause : les moyens de chauffage, l’agriculture et les transports routiers. Pour ces derniers, c’est encore le diesel qui est pointé du doigt, car il constitue toujours le carburant majoritairement utilisé en France, malgré ses effets cancérigènes scientifiquement démontrés (42 000 décès prématurés lui seraient imputables, chaque année, dans notre pays). Devant le montant des amendes européennes  - 100 millions d’euros – réclamées à la France, la ministre de l’écologie Delphine Batho a déclenché, dès le lendemain, un plan d’urgence en six points - forcément contraignants. Reste à savoir si les moyens suivront pour les faire rapidement appliquer. Car autrement…

 

 

                                                   Erik PANIZZA

15:05 Publié dans 11 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tunisie, fn, lasagnes, affiches

11/02/2013

Salut à Taubira

 


Quand j’ai séjourné en Guyane, j’ai croisé quelquefois dans les rues de Cayenne Christiane Taubira, à l’époque députée, qui ne ménageait pas sa peine pour défendre ses compatriotes, oubliés et souvent ignorés de notre belle république. Vive, volontaire, active, elle n’a jamais mâché ses mots. Littéraire à ses heures, elle connaît sur le bout des doigts les écrits de Gontran Damas, grand poète guyanais et chantre de la négritude avec Césaire et Léopold Senghor. C’est aussi - et d’abord – une prodigieuse oratrice qui, en son temps, se distingua à l’Assemblée dans un discours retentissant qui rangeait à jamais l’esclavage dans les crimes commis contre l’humanité. La voilà aujourd’hui à un poste régalien et qui ferraille jour et nuit pour faire passer le fameux texte en faveur du mariage pour tous qui marquera un grand tournant dans notre histoire et celle de notre Droit. Chapeau Christiane ! Quand elle cité René Char debout dans l’Hémicycle, c’est un bain de jouvence et une leçon qu’elle administre à une droite racornie qui campe sur les vestiges d’un monde mort. François Hollande a certes été bien inspiré en la nommant Garde des Sceaux. Le courage, la fougue, c’est justement ce qui paraît manquer à nos édiles précautionneux... Gageons qu’avec une telle ministre de la Justice, l’opposition en prenne pour son grade. Elle en sortira victorieuse car elle a le panache, la flamme, le verbe et cette invincible conviction sans lesquels rien n’existe, hormis la lâcheté tiédasse qui n’appartient qu’aux mous.

                                                  Yves Carchon