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24/03/2017

Bruissements (72)

 

 

 Candidats : on connait à présent la liste complète des candidats à la présidentielle qui ont obtenu les cinq cents parrainages nécessaires. Ils seront donc onze, le 23 avril prochain, sur la ligne de départ. Ce sont : Benoît Hamon, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, François Fillon, Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau, Nathalie Arthaud, Philippe Poutou, Jacques Cheminade et Jean Lassalle. Trois recalés de marque, aussi : Rama Yade, Michèle Alliot-Marie et Henri Guaino (qui ne décolère pas de cette éviction). Mais à part les cinq premiers qui monopolisent les plateaux de télévision depuis des mois, on ne sait pas grand-chose des six autres et de leurs programmes. Vont-ils enfin pouvoir s’exprimer à une heure de grande écoute et sans le couperet de l’audimat ? Ou seront-ils réduits à la portion congrue de parole dans les médias, ainsi que le prévoit la loi ? Voilà comment on façonne l’opinion publique en France et ce n’est pas à l’honneur de notre démocratie.

 

Valls : lors des primaires de la Gauche, il était entendu que les perdants soutiendraient le candidat désigné par les urnes pour  la campagne présidentielle. C’était une affaire de cohésion interne. Mais le PS est manifestement trop divisé pour se soumettre à sa propre règle. En annonçant publiquement qu’il ne soutiendrait pas Benoît Hamon dans sa course à l’Elysée, Manuel Valls n’a surpris personne, tellement les différences programmatiques étaient grandes entre eux. Mais c’est quand même un reniement qui s’ajoute à son passif, d’autant qu’il a souvent mis en avant la notion de fidélité politique au cours de ces dernières années. Depuis d’autres lui ont emboîté le pas, pensant qu’ailleurs – disons un peu plus à droite - l’herbe est plus verte. Du reste, c’était déjà les mêmes félonies partisanes voici dix ans, quand Ségolène Royal était candidate.

 

Fillon : depuis fin janvier, il ne se passe pas une semaine sans qu’on n’apporte une nouvelle révélation sur le train de vie du champion des Républicains – celui qui se voulait le candidat de la vérité et de l’austérité. Avant-hier, c’étaient les emplois fictifs de son épouse. Hier, les rétrocessions de salaires perçus par ses enfants sur ses comptes. Aujourd’hui, ce sont les deux costumes - d’une valeur globale de 13 000 euros ! – offerts par Robert Bourgi, un avocat proche du réseau Centrafrique. Depuis Fillon a fait marche arrière, avouant, presque penaud, qu’il avait fait une erreur et qu’il les avait rendus à son donateur. Certes, cela n’a pas la gravité d’un détournement d’argent public, mais on voudrait bien savoir ce qui a pu justifier un tel cadeau, étant entendu que, dans ce monde-ci, il est rare qu’on fasse quelque chose pour rien. A force de se faire tailler des costards, Fillon a désormais toutes les chances de se ramasser une veste aux prochaines présidentielles.

 

 

Clause Molière : la polémique couvait depuis quelques temps : faut-il que les ouvriers étrangers parlent français sur les chantiers où ils sont embauchés ? Pour certains élus, ce serait un problème de sécurité, pour d’autres c’est une question de frais supplémentaires , car il faudrait recourir à un interprète pour les traductions qui s’imposent. Evidemment les divergences, dans cette affaire, sont d’abord d’ordre politique. C’est une certaine idée de l’Europe, plus ouverte ou plus fermée, qui est en cause. Ainsi Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, voudrait créer « une brigade de la langue française ». Tout comme Valérie Pécresse, présidente LR de l’Île de France, qui entend l’imposer sur les chantiers publics de sa région, visant bien sûr les entreprises étrangères un peu trop bon marché. On veut bien être européiste mais pas trop. Aux dernières nouvelles, l’avantage irait aux partisans du patriotisme économique. On le voit bien : ni le français ni Molière n’ont quelque chose à gagner dans cette querelle politicienne à qui ils servent de paravents.

 

Erik PANIZZA

18/02/2013

Alceste à bicyclette, de Philippe Le Guay

 


Il est des films qui ne paient pas de mine et qui pourtant sont de bons films. Alceste à bicyclette est de ceux-ci, soutenu par deux comédiens d’exception : Fabrice Luchini, bougon et inspiré, et un Lambert Wilson au meilleur de sa forme. Le premier, acteur déçu, aigri, quoiqu’arrivé au sommet de son art, a envoyé bouler les strass et les paillettes du métier. Retiré dans une maison de l’Ile de Ré, il passe ses journées à peindre, à enfourcher sa bicyclette ou à régler ses problèmes domestiques. Le second, comédien reconnu, aimé et populaire tournant à tour de bras, qui a fini par obéir aux sirènes de la facilité en se prêtant à une série télévisée sur TF1, se met en tête de rendre visite au partenaire de ses débuts avec l’idée de lui proposer un projet : monter le Misanthrope de Molière où l’un et l’autre joueraient en alternance tantôt Alceste, tantôt Philinte. Après bien des hésitations, le misanthrope de l’Ile de Ré accepte ce challenge. Film sur le théâtre et l’art du comédien, il donne à voir avec bonheur les retrouvailles de deux acteurs complices où ne manquent ni le rire, ni la jubilation qu’ils prennent l’un et l’autre à se renvoyer la réplique. Les réparties sont vives et décapantes, les réflexions sur le métier d’acteur et le milieu des théâtreux sanglantes et sans appel. Il court au long du film une vraie jubilation : celle qu’ont trouvé Wilson et Luchini à aborder un des grands textes de Molière, avec en prime cette connivence de vieux cabots qui fait le charme d’Alceste à bicyclette. Il va sans dire que c’est parce qu’il a fini par renoncer à transformer le monde, qu’il s’accommode en somme des aléas et autres lâchetés de notre vie en société qu’on reconnaît Philinte dans le personnage de Wilson, tandis que Luchini, de par l’intransigeance qu’il revendique face à la comédie humaine, incarne le saisissant et intraitable Alceste. Aujourd’hui comme hier, la problématique de Molière reste entière : que faire si l’on refuse de pactiser avec la roublardise, l’hypocrisie, l’entregent, la lâcheté qu’exige la vie en société sinon se condamner à vivre seul sur une île déserte ? Même une charmante Célimène qui traverse le film ne pourra trouver grâce aux yeux de l’irascible comédien. Ce cinéma, scintillant de dialogues pertinents, lucides, intelligents, donne autant de plaisir qu’il donne à réfléchir sans pour autant qu’il prenne la tête une seule seconde. Merci donc à Philippe Le Guay, Lambert Wilson, Fabrice Luchini et Maya Sansa de nous faire partager cette leçon de théâtre sous la protection inspirée de notre grand Molière.

    

                                                  Yves Carchon

19:53 Publié dans 11 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alceste, molière, luchini, wilson