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30/06/2017

Un 2-Décembre mou

NDLR: Dans le contexte politique actuel, nous avons trouvé judicieux de re-publier , sur le blog du Franc-Tireur marseillais, cet article d'André Bellon transmis par Alain  Sagault

 

 

Le 2 décembre 1851, Louis Napoléon Bonaparte, Président de la République, organisait un coup d’Etat contre la République qu’il était censé défendre et devenait l’empereur Napoléon III. Peu de temps auparavant, l’Assemblée avait refusé de modifier la Constitution pour lui permettre de briguer un second mandat.

Un parallèle avec la situation actuelle semble pour le moins exagéré ; on remarquera cependant que plusieurs des premiers ralliés au Président Macron militent depuis des années pour la réhabilitation de Napoléon III. Ainsi Christian Estrosi qui avait été jusqu’à écrire « Je suis bonapartiste » sur la jaquette de son livre « le Roman de Napoléon III ».

Certes, Emmanuel Macron n’est pas responsable de tous les errements de quelques personnalités, errements que répercutait par exemple Bernard Accoyer, alors Président de l’Assemblée nationale[i], et dont s’accommodait alors d’ailleurs même « l’opposition socialiste ». Mais il est clair que le nouveau pouvoir qui vient de s’établir en France semble vouloir officialiser encore davantage le renforcement du pouvoir exécutif au détriment du législatif. Qu’il s’agisse des symboles comme l’idée d’un discours initial du Président devant le congrès à Versailles ou du gouvernement par ordonnances, des formes de moins en moins républicaines émergent petit à petit.

Cette dérive n’est évidemment pas le seul fait du nouveau Président. Les atteintes aux restes de la démocratie se développent depuis des années. Ce fut le coup d’Etat contre le vote émis par les français au référendum de 2005. Ce furent les atteintes sourdes, mais continues contre le pouvoir parlementaire, caractérisées en particulier par les réformes Jospin inversant le calendrier électoral et rendant, de ce fait, l’Assemblée vassale du Président. 

L’idée s’est peu à peu distillée que les parlementaires n’étaient que les commis de l’Elysée. Bien pis, les députés eux-mêmes, dans leur grande majorité, ont intériorisé cette thèse, considérant qu’il fallait se contenter d’obéir au gouvernement. Même les « frondes » sont demeurées dans des limites pudiques et toutes les oppositions s’accommodent des institutions qui les massacrent.

On arrive, de ce fait, à la fin d’un cycle. Un Président représentant environ 18% des électeurs inscrits obtient une majorité sans précédent dans une assemblée élue par 38% de ces électeurs. L’époque n’est plus aux coups d’Etat violents d’antan. Le système politique permet d’officialiser en douceur le même résultat, c’est-à-dire de conférer les pleins pouvoirs à un pouvoir très minoritaire. 

Au-delà de toute critique, remarquons que les institutions de la 5ème République avaient été imaginées pour bâtir un pouvoir fort permettant d’affirmer la souveraineté. 

Nous voguons vers un pouvoir utilisant une force légale pour un projet faible éloigné de toute souveraineté. Quant aux députés, censés représenter la souveraineté populaire, leur crédibilité se dégrade au fil d’années de renoncements. Quelle est leur image après des années d’abdication ? Peut-on penser que le peuple va se dresser pour les défendre, se lever pour soutenir ceux qui, maintes fois, ont trahi leurs engagements au profit de politiques de régression démocratique et sociale ?

Au lendemain du coup d’état du 2 décembre 1851, des députés tentant de manifester pour la République virent des ouvriers leur crier leur mépris en hurlant « Croyez-vous que nous allons nous faire tuer pour vous conserver vos vingt-cinq francs par jour ! »

Il se trouva, cela étant, au cœur des manifestations, un député républicain de l’Ain, Alphonse Baudin, qui cria : « Vous allez voir comment on meurt pour vingt-cinq francs ». Dans la minute qui suivit, il fut abattu par les fusils des soldats de Napoléon III. Quel est aujourd’hui le prix de la conscience républicaine? 

 

                                    André Bellon

(Ancien Président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale)

 

23/06/2017

             Mimétisme

                    

 

 Dimanche dernier, à Londres, un peu après minuit, s’est produit un attentat assez particulier. Comme d’autres avant lui, le conducteur a lancé sa camionnette sur des civils ; à ceci près que, cette fois, c’étaient des musulmans qui étaient visés. Ils sortaient de la mosquée de Finsbury Park après une dernière prière dans le cadre du Ramadan. Il y a eu un mort et dix blessés. L’assaillant, un homme de 48 ans, a été rapidement maitrisé et placé ensuite en hôpital psychiatrique. Selon des témoins, il aurait hurlé au moment de l’attaque « qu’il voulait tuer tous les musulmans ».

Ce n’est pas -  loin de là ! -  la première fois que des agressions à caractère anti-musulmans sont commises en Angleterre depuis ces derniers mois. Elles font, bien sûr, écho aux trois attentats revendiqués par Daesh contre des civils et des policiers. Seulement, cette fois, l’agresseur a choisi l’un des modes opératoires les plus pratiqués par les séides de l’EI en Europe : le camion fou. La similitude est si parfaite qu’on peut parler d’un acte de violence mimétique, au sens où René Girard l’a théorisé. Le forcené voulait-il, à sa manière, venger les victimes, touristes et Anglais, des récents attentats islamistes ? Toujours est-il qu’il est devenu, par le fait même, un terroriste et qu’il n’a fait, tout comme les affidés de l’EI, que tuer et blesser des innocents ; des musulmans paisibles qui n’avaient commis d’autre faute que de pratiquer leur culte dans une mosquée marquée par le passage, quelques années plus tôt, d’Abou Hamza, un prédicateur extrémiste depuis sous les verrous.  

En méditant sur le caractère troublant de cet attentat, on frémit à l’idée de la spirale infernale qu’il pourrait inaugurer entre terroristes de factions opposées, chacun reproduisant à l’identique l’agression de l’autre, camion contre camion, bombe contre bombe, selon la vieille loi du talion. Car ce risque-là est bien réel et c’est tout ce qu’il faut éviter pour conserver un minimum de paix civile à l’intérieur de nos sociétés démocratiques. Bientôt l’EI sera sans doute éradiqué dans ses bastions syrien et irakien et, avec lui, l’engouement de jeunes européens pour un pseudo califat. Mais il faudra encore compter avec son arrière-garde, fanatiques et personnalités suicidaires en recherche d’un ultime baroud d’honneur. Et cette lutte exige aussi le concours entier des communautés musulmanes d’Europe. Afin qu’aucun amalgame meurtrier ne puisse plus être possible.

 

Jacques LUCCHESI

20/06/2017

La victoire de l'abstention

 Au soir du premier tour de ces législatives, les résultats issus des urnes ont dessiné, avec une semaine d’avance, ce qui sera sans doute la nouvelle carte de l’Assemblée Nationale. La couleur violet de la République en Marche y est largement dominante avec 32,32% des voix. Suivent Les Républicains-UDI (21,56%), la France Insoumise (13,74%) et le Front National (13,2%). On sent déjà que la droite, toutes tendances confondues, sort largement confortée de ce scrutin. Et qu’avec l’effondrement du Part Socialiste (8%), c’est la France Insoumise qui va incarner, pour les cinq années à venir, l’opposition à gauche.

 Le pari macronien d’un renouvellement du corps politique est quasiment gagné. Ce n’est pourtant pas une révolution (selon le titre de son ouvrage programmatique), à moins que l’on puisse parler de  révolution conservatrice. Car si les nouveaux entrants viennent, en grande partie, de la société civile, ils représentent à quelque chose près les mêmes couches sociales aisées que leurs collègues sortants. Du reste, ce n’est pas la République En Marche qui est la vraie gagnante de ces élections, mais l’abstention. Avec 51,3% de suffrages non exprimés (et 57,7 % au second tour), c’est elle qui se taille la majorité absolue. Que signifie ce score grandissant, sinon l’expression d’un profond scepticisme vis-à-vis de la classe politique ?

Car l’abstentionniste, quelque soit son milieu social, est quelqu’un qui ne croit plus aux slogans et aux mots d’ordre. Il n’a plus de camp où se situer et la politique ne le fait plus s’enthousiasmer. Où que le vent la pousse, elle ne changera rien, il le sait bien, à son destin ; elle reproduira toujours les mêmes césures, les mêmes inégalités. Les récentes affaires d’argent ont achevé de l’en dégoûter. Pour lui, les nouveaux venus ne valent pas mieux que les anciens corrompus. Ils ont simplement pour eux la vertu des novices et, s’ils font eux aussi carrière, mandat après mandat, ils connaîtront les mêmes tentations, les mêmes faiblesses. Tout ce qu’il voit, dans ces affrontements verbaux et ces promesses répercutés par les médias, c’est une lutte acharnée des places, où les candidats jouent opportunément des coudes pour se hisser dans la hiérarchie sociale, maquillant leurs intérêts personnels en amour de la chose publique. Oui, l’abstentionniste est fatigué par toute cette agitation et, finalement, il se fout de ce qui en sortira. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent, puisque la politique s’est faite toujours sans lui et à son détriment, pense-t’il en substance.

Ce pessimisme rampant n’est pas très rassurant et les vainqueurs d’aujourd’hui auraient tout intérêt à relativiser leurs mérites. A défaut de comptabiliser l’abstention – cet inconscient du suffrage universel -, ils devraient au moins s’employer à faire plus de place, dans leurs prises de décision,  aux initiatives collectives, avant mais surtout après les grands rendez-vous électoraux. Le développement d’Internet et des réseaux sociaux le permet à présent.Sans cette nécessaire participation des  citoyens à la vie de la nation, l’écart entre les deux France ne fera que se creuser davantage. Jusqu’à créer les conditions d’une véritable révolution. Laquelle commence toujours dans la rue.

 

Jacques LUCCHESI