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18/05/2017

Du sacre à la gouvernance

      

 

 

Cela a commencé dimanche 14 mai, dès 9 heures. On avait oublié à quel point la République peut imiter l’Ancien Régime quand elle renouvelle son président. La cour de l’Elysée était barrée d’un long rectangle rouge. Bientôt des hommes et des femmes, connus ou inconnus, le foulèrent entre les haies humaines formée par la Garde d’Honneur. A chaque époque ses courtisans. Puis ce fut la reine, en ensemble bleu, qui arriva seule, un peu avant 10 heures, précédant de peu son royal époux. Celui-ci arriva seul, lui aussi, au son des fanfares républicaines. Sur le perron du palais l’attendait, débonnaire et matois, le vieux monarque corrézien. On ne le plaindra pas : avec 15 000 euros nets de retraite mensuelle, il peut affronter sereinement l’avenir. On appelle ça une passation de pouvoir : « le roi est mort, vive le roi ». Puis, pour le jeune souverain, se succédèrent allocutions, accolades et poignées de mains distribuées, comme on offre des bonbons, au peuple avide de le voir et de le toucher. Celui-là même qui a fait roi cet heureux jeune homme favorisé par la fortune.

Le lendemain était, sous l’angle politique, une journée encore plus attendue, puisque c’était celle du premier ministre, autrement dit celui qui conduit officiellement l’action présidentielle, le chef du gouvernement. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Elysée fit durer le suspense, ne le révélant aux médias qu’à 14H30 – au lieu de midi. La France entière découvrit, avec le nom d’Edouard Philippe, le visage lisse d’un homme encore jeune – 46 ans -, malgré une calvitie avancée. Un homme à la silhouette dégingandée, façon Giscard. Un tenant de la droite modérée, pur produit de la méritocratie française, jusqu’ici dans l’ombre d’Alain Juppé, quoique maire dune ville comme Le Havre. Les critiques fusèrent vite de tout côté ; les uns parlant de stratégie pour mieux diviser la droite, les autres de droitisation, tout simplement, d’un programme censément au dessus des partis, et tout le monde ayant raison.

La nomination,  au poste de ministre de l’économie, d’un Bruno Le Maire, deux jours plus tard, n’a fait que confirmer cette orientation ; même si on peut apprécier, par ailleurs, l’entrée au gouvernement de personnalités de la vie civile, comme Françoise Nyssen à la culture, Laura Flessel aux sports et Nicolas Hulot à la transition écologique. Les cases de l’échiquier gouvernemental sont désormais toutes remplies. Mais résisteront-elles à la contre-offensive des prochaines élections législatives ? Cela est la grande question du moment.

 

Jacques LUCCHESI  

09/05/2017

Le moment Macron

                      

 

 

 C’est sans réelle surprise qu’Emmanuel Macron a été élu, dimanche soir, président de la république. Le huitième, exactement, depuis la fondation de la Cinquième République en 1958. Avec 66,1% des suffrages exprimés par plus de vingt millions d’électeurs, il devance de très loin sa rivale Marine Le Pen qui, elle, n’a pu réunir que onze millions de votants – soit 33,9% de suffrages. Cette élection n’aura pas fait que bousculer les lignes politiques habituelles; elle aura également bouleversé la pyramide des âges en ce domaine. A 39 ans, Emmanuel Macron (qui était, voici trois ans, un quasi inconnu en politique) devient ainsi le plus jeune président de toute l’histoire de la république française, lançant un signal fort à la jeunesse de ce pays. 

Au-delà de son accomplissement personnel et de sa volonté unanimiste exprimée avec lyrisme, il sait parfaitement que le plus dur reste à faire. Car il n’ignore pas que la majorité des votes qui se sont portés sur lui, dimanche dernier, n’étaient par dictés par une adhésion à son programme mais par une un rejet radical de celui de son adversaire. D’autre part, il va lui falloir tenir compte de l’énorme masse des abstentionnistes et des votes blancs – seize millions au total. Les prochaines élections législatives, dans moins d’un mois, vont ranimer à coup sûr de féroces oppositions, tant partisanes que personnelles.

S’il peut espérer des accommodements avec une partie du PS et même avec une frange des Républicains, aucun compromis, en revanche, n’est à escompter tant du côté du FN que de celui du Front de Gauche (qui refuse en bloc ses thèses pro-patronales). Cela va être difficile, pour lui, d’obtenir une majorité de députés à l’Assemblée Nationale, d’autant qu’une bonne partie des 577 candidats qui vont se présenter sous les couleurs d’En Marche seront, eux aussi, des novices en politique. Mais n’anticipons pas…La semaine prochaine, nous connaîtrons enfin la composition de son gouvernement ; ce qui en dira déjà long sur la politique qu’il compte mener pour les cinq années à venir. Vraiment les Français ne sont pas près de se reposer en ce printemps maussade.

 

      Jacques LUCCHESI

05/05/2017

                               Macron domine Le Pen

                 

 

 

 

 Rarement un débat télévisé opposant deux candidats à l’Elysée fut plus attendu. Il est vrai que leurs projets respectifs de société sont diamétralement opposés, même si tous les deux s’écartent des schémas normatifs portés jusqu’ici par la gauche et la droite républicaines. Certains s’étonnaient que la percée du FN  ne suscitât pas plus de réactions dans la rue. Quel contraste, en effet, avec la mobilisation citoyenne qu’avait entraînée, en 2002, la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour, face à Jacques Chirac ! Du reste, il n’y avait pas eu, cette année-là, ni débat ni dialogue entre les deux derniers prétendants à la fonction suprême. Et quid de tous les indécis, pour une raison ou une autre, à ce moment crucial de notre histoire politique ? Malgré des réticences aisément compréhensibles, ce débat, mercredi soir, leur aura peut-être permis d’affiner leur jugement sur l’un et l’autre des duellistes.

Qu’a-t-on vu sitôt le top chrono ? Une Marine Le Pen hyper agressive, attaquant d’emblée son adversaire sur son image symbolique (candidat du système, soumis aux puissances de l’argent, etc…) ; autrement dit sur des généralités et pas sur son programme. Le ton, d’abord ironique (en quoi elle rappelait le style de son père) est vite monté, jusqu’à l’invective et l’accusation. Face à elle, tel un boxeur en repli, Emmanuel Macron restait stoïque et déterminé, répliquant chaque fois qu’elle lui en laissait la possibilité. On s’attendait, bien sûr, à quelques réparties cinglantes mais pas à un tel pugilat verbal, celui-ci  mettant rapidement sur la touche les deux journalistes (Nathalie Saint-Criq et Christophe Jakubyszyn) chargés de l’arbitrer. Cependant, à mesure que le temps passait, on s’apercevait que le jeune leader d’En Marche prenait l’ascendant sur la présidente du FN. Il connaissait mieux qu’elle ses dossiers et n’avait aucune difficulté à démonter ses choix économiques (notamment sa volonté de revenir à une monnaie nationale), éclairant le marasme qui pourrait en résulter pour le pouvoir d’achat des Français. Quant à la sécurité, sujet phare de Marine Le Pen, il avait aussi un panel de  propositions, sans doute moins discriminatoires  mais propres à rassurer les électeurs.

Peu à peu, son adversaire perdait du terrain, s’enfermait dans ses contradictions. Son image de mère protectrice de la nation se craquelait, laissant apparaître son penchant au cynisme et à la brutalité. Elle multipliait les digressions, éludant les questions pourtant pertinentes sur son programme, n’hésitant pas à user de basses insinuations financières, partant dans des rires glaçants pour cacher sa faiblesse dialectique et ainsi tenter de renverser la vapeur. Et chacun pouvait mesurer le caractère profondément clivant de sa candidature, tant pour les Français entre eux que pour la France vis-à-vis du reste de l’Europe. Car la France qu’elle prétend aimer est figée sur son passé, fut-il prestigieux, volontairement isolée des réalités du monde moderne. A l’inverse, la vision de la France portée par Emmanuel Macron est dynamique et, sans renier pour autant son histoire, inscrite de plain-pied dans le concert des nations libres. Il est manifestement plus à l’aise qu’elle sur les questions internationales. Certes, on peut le critiquer sur son programme social un peu trop libéral, tout comme, d’ailleurs, sur les volets de la culture et de l’environnement (il est symptomatique qu’aucun des deux n’en ait parlé au cours de ce débat). Mais, sous un angle plus personnel, il a largement démontré qu’il avait les qualités intellectuelles et le caractère nécessaires pour assumer la charge à laquelle il prétend. A l’issue de cette ultime confrontation, l’avantage est certainement dans son camp. Reste maintenant à savoir si les Français actuels ont suffisamment de bon sens pour se détourner des fariboles passéistes, aussi flatteuses soient-elles.  

 

Jacques LUCCHESI