Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/06/2017

             Mimétisme

                    

 

 Dimanche dernier, à Londres, un peu après minuit, s’est produit un attentat assez particulier. Comme d’autres avant lui, le conducteur a lancé sa camionnette sur des civils ; à ceci près que, cette fois, c’étaient des musulmans qui étaient visés. Ils sortaient de la mosquée de Finsbury Park après une dernière prière dans le cadre du Ramadan. Il y a eu un mort et dix blessés. L’assaillant, un homme de 48 ans, a été rapidement maitrisé et placé ensuite en hôpital psychiatrique. Selon des témoins, il aurait hurlé au moment de l’attaque « qu’il voulait tuer tous les musulmans ».

Ce n’est pas -  loin de là ! -  la première fois que des agressions à caractère anti-musulmans sont commises en Angleterre depuis ces derniers mois. Elles font, bien sûr, écho aux trois attentats revendiqués par Daesh contre des civils et des policiers. Seulement, cette fois, l’agresseur a choisi l’un des modes opératoires les plus pratiqués par les séides de l’EI en Europe : le camion fou. La similitude est si parfaite qu’on peut parler d’un acte de violence mimétique, au sens où René Girard l’a théorisé. Le forcené voulait-il, à sa manière, venger les victimes, touristes et Anglais, des récents attentats islamistes ? Toujours est-il qu’il est devenu, par le fait même, un terroriste et qu’il n’a fait, tout comme les affidés de l’EI, que tuer et blesser des innocents ; des musulmans paisibles qui n’avaient commis d’autre faute que de pratiquer leur culte dans une mosquée marquée par le passage, quelques années plus tôt, d’Abou Hamza, un prédicateur extrémiste depuis sous les verrous.  

En méditant sur le caractère troublant de cet attentat, on frémit à l’idée de la spirale infernale qu’il pourrait inaugurer entre terroristes de factions opposées, chacun reproduisant à l’identique l’agression de l’autre, camion contre camion, bombe contre bombe, selon la vieille loi du talion. Car ce risque-là est bien réel et c’est tout ce qu’il faut éviter pour conserver un minimum de paix civile à l’intérieur de nos sociétés démocratiques. Bientôt l’EI sera sans doute éradiqué dans ses bastions syrien et irakien et, avec lui, l’engouement de jeunes européens pour un pseudo califat. Mais il faudra encore compter avec son arrière-garde, fanatiques et personnalités suicidaires en recherche d’un ultime baroud d’honneur. Et cette lutte exige aussi le concours entier des communautés musulmanes d’Europe. Afin qu’aucun amalgame meurtrier ne puisse plus être possible.

 

Jacques LUCCHESI

19/05/2014

Sous les jupes des garçons

               

 

 Même si, en Europe, les mâles écossais arborent toujours le kilt bariolé, peu de vêtements comme la jupe sont autant associés à la féminité et à son image. Ne met-elle pas en valeur l’un des attributs sexuels principaux des femmes: leurs jambes. Voilà de quoi déplaire aux rigoristes de tout poil. C’est d’ailleurs contre ceux-là que des jeunes filles - issues de l’immigration maghrébine - l’ont remise à l’honneur, voici quelques années, dans les cités de la région parisienne. Ainsi, elles voulaient signifier leur refus d’abdiquer leur féminité face aux pressions pseudo-religieuses qu’elles subissaient quotidiennement. Avec elle le féminisme semblait trouver un souffle nouveau, plus vivant et plus sensuel que celui qui s’est depuis institutionnalisé. En 2009  un film, « La journée de la jupe » de Jean-Paul  Lilienfeld (avec Isabelle Adjani dans le rôle principal) vint faire écho à leur juste protestation avec le succès que l’on sait. Est-ce par émulation que des lycéennes de la région nantaise ont eu l’idée de créer une journée « tous en jupe » le vendredi 16 mai ? Avalisée par leur académie, cette initiative visait à brocarder les discriminations dont les filles seraient encore victimes. La nouveauté, c’est que les garçons de ces établissements  ont joué le jeu jusqu’au bout. Pour manifester leur solidarité avec leurs camarades féminines, ils ont momentanément délaissé le pantalon au profit de la scandaleuse jupe. De quoi leur faire une belle jambe ! C’était sans compter avec les questions liées aux genres qui agitent la société française depuis l’automne dernier. Et ce qui n’aurait dû être qu’un carnaval hors-saison a relancé la polémique, du moins dans les milieux traditionalistes. L’occasion était trop belle pour ne pas critiquer les décrispations identitaires portées par de récentes mesures éducatives. Voyez, braves gens, ce que ces théories absurdes  nous préparent. Tous nos repères foutent le camp. Bientôt  il n’y aura plus d’hommes dans ce pays. On connaît leur triste rengaine. Faut-il dire que ces militants alarmistes étaient encore à côté de la plaque ? Car, évidemment, les lycéens travestis voulaient exprimer tout autre chose qu’un désir de changement de sexe. Est-ce que, néanmoins, la cause qu’ils voulaient servir avait besoin d’une telle mascarade ? Ce n’est pas si certain, du moins sous l’angle théorique. On doit pouvoir encore protester contre les discriminations faites aux afro-descendants sans, pour autant se peinturlurer le visage en noir (si l’on est de race blanche). Et il en va de même pour défendre les droits des femmes si l’on est un homme. Autrement, la morale se ramène à du mimétisme. Du reste, le recours à l’imitation physique de l’autre est symptomatique, moins d’une tendance à l’indistinction des sexes (ou des races) qu’à une déperdition du logos face à l’image. Pour comprendre – et faire comprendre-, il faut montrer. C’est ce que nous disent ces sympathiques lycéens nantais qui ont remplacé le débat d’idées par le happening.

 

                         Jacques LUCCHESI

17:49 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : kilt, jupe, genres, mimétisme