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25/04/2012

Mi figue, mi raison

 

 

 


 

 

 

Drôle de campagne, et donc drôles de résultats : mi-figue, mi-raison. Certes les deux favoris sont bien au deuxième tour, mais le score à 18,5 % de Marine Le Pen laisse décidément pantois. Dans mon village par exemple, elle arrive à 37 %, juste derrière Hollande à deux voix près ! Et il n’y a ni insécurité, ni « émigrés », ni femmes voilées  dans ce village du Lauragais ! C’est là que le bât blesse ! Un mécontentement certain contre la France d’en haut, les technocrates, ceux qui ne foutent rien et un ras le bol d’être à la traîne d’une Europe qui ne nous défend pas contre la bête de la mondialisation qui nous bouffe nos emplois et donc tous nos acquis, voilà je crois ce qui profondément fonde le vote FN. Avec évidemment le manque de culture historique, politique et sociale

 

Mais pour en revenir aux résultats, Mélenchon n’a pas tenu l’élan qu’il avait insufflé. C’est un peu triste parce qu’il avait du verbe et du tonus. Campagne frontale qui avait du panache. Une des révélations de la campagne. 12 % des suffrages est bien sûr honorable. Et l’on attend son Front de gauche aux élections législatives... Cela promet des envolées à l’Assemblée ! Autre batailleuse, Marine Le Pen, qui a fait il faut dire une excellente campagne, même si on ne partage pas, mais pas du tout, le fond de son programme. Ni le reste d’ailleurs : ses accointances et autres bals non de Sissi mais dans l’Autriche nazie. Cela dit la cheftaine est pugnace et sait parler à un micro. Avec son score, elle va faire exploser la droite et elle aura une bonne trentaine de députés à l’Assemblée. C’est à prévoir. Bayrou a raté son ni gauche-ni droite, le voilà désormais bien marri. Les autres, dits « petits candidats », n’ont pas démérité. Ils étaient là pour lever quelques lièvres. Eva a patiné, écrivant à la France à la manière d’un Eluard. L’histoire ne retiendra bien sûr du scrutin de dimanche, que les deux impétrants à la présidence de la République. Hollande en tête, mais pas autant qu’on l’aurait cru, devant Sarkozy déboussolé qui rame décidément pour retrouver ceux qui l’avaient élu il y a cinq ans. Le score de Marine va le ramener de facto vers les grands thèmes bien populistes qui, il l’espère encore, forceront le destin. A tort. Je crois qu’il est fichu, qu’il a raté son premier tour et qu’il devra s’écarteler entre les voix du Centre et les voix lepénistes pour faire le meilleur score. Grand écart impossible même quand on boit uniquement de l’eau et qu’on fait du jogging ! D’autant que les consignes de Marine seront probablement de voter blanc ! Hollande sera élu mais quelle sera la proportion des convaincus réels et celle qui aura voté pour lui pour « dégager » Sarkozy ? Sans compter qu’après les lendemains censés chanter, on retrouvera la crise, les marchés financiers et toute l’horreur économique. Voilà pourquoi moi je préfère encore raconter des histoires !


                                         Yves CARCHON

 

 

 

 

 

24/04/2012

Hasta la vista, de Geoffrey Enthoven

 


 

 

 Il est des films dont le sujet aurait été impensable deux ou trois décennies plus tôt ; des films qui viennent à point dans une époque pour accompagner  - du moins faut-il l’espérer – l’évolution des mentalités. Tel est, je crois, le cas de « Hasta la vista », de Geoffrey Enthoven. Après « les intouchables » et son phénoménal succès, ce petit film belge est arrivé sur nos écrans voici un mois et a été aussitôt plébiscité par le public. Lui aussi nous parle – avec quel réalisme ! - de handicap mais surtout de la vie et de l’amour, de ce formidable élan vital qui irrigue les corps les plus abimés, les âmes les plus entravées. Il prend ici la forme d’un voyage estival que projettent trois jeunes Belges dont le lourd  handicap – deux sont paralytiques, le troisième est aveugle – astreint à une existence (trop) bien réglée dans le giron familial. Pour quinze jours, ils vont louer les services d’un minicar et d’un chauffeur forcément un peu infirmier. Direction le sud de la France et la route des vins. Ce n’est évidemment qu’un prétexte pour gagner la frontière espagnole et ses bordels florissants. Les obstacles, on l’imagine aisément, ne manqueront pas en chemin. Mais l’appel des corps et  la volonté de vivre pleinement, librement, cette parenthèse ensoleillée seront, d’une façon ou d’une autre, les plus forts. Un périple initiatique d’où tous ne reviendront pas, qui bouleversera la donne du départ. On saluera ici l’interprétation sensible et juste de Gilles De Schrijver dans le rôle du jeune Lars, atteint par une maladie incurable. De même que celle d’Isabelle De Hertogh, qui incarne avec beaucoup de nuances la corpulente conductrice de cet insolite trio. Un film réjouissant et hors normes, dont on ne peut ignorer le message social. Je ne saurai que trop le conseiller  à tous ceux et celles qui persistent à ignorer la sexualité des handicapés et son difficile vécu.

 

 

                            Jacques LUCCHESI

23/04/2012

Fin de campagne

 

                       

 

 

 Dès le matin, la différence avec les autres dimanches était sensible dans cette petite commune des Bouches du Rhône. Les gens étaient plus nombreux, moins flegmatiques, dans les rues ; les voitures allaient et venaient avec nervosité. L’ambiance n’était pas à la détente. Vers dix heures, les cloches ont sonné à toute volée dans l’église, sur la place du village : mais était-ce pour appeler les fidèles à la messe ou aux bureaux de vote ? Car l’esprit républicain s’invite partout, certains jours. Les écoles, encore une fois, étaient ouvertes pour les électeurs, décor enfantin de ce grand culte démocratique. Tout y était strictement numéroté et fléché, secteur par secteur, bureau par bureau. On y faisait la queue devant les présentoirs où s’étalaient dix bulletins de vote et de petites enveloppes bleues. Un seul nom, à l’exclusion de tous les autres, pouvait y entrer, petits papiers qui seraient bien vite froissés et défroissés. Rituel de l’isoloir et de ses rideaux trop courts puis, à nouveau, la file d’attente pour le cérémonial ultime des urnes, en présence des thuriféraires assesseurs : a voté ! A en juger par la masse des entrants et des sortants, on pouvait croire que l’abstentionnisme était une maladie en forte régression aujourd’hui. Pourtant, le JT de la mi-journée laissait entendre que le premier taux de participation était inférieur (28 contre 31%) à celui de 2007.Une moyenne nationale, évidemment.  Dehors, sous les arbres, on échangeait ses impressions et ses pronostics comme on parle, habituellement, des résultats du championnat de football. Et cela allait continuer durant tout l’après-midi. A dix-huit heures on a commencé à fermer les portes des bureaux. Tant pis pour les retardataires étonnés d’être précocement forclos. Il faudra penser à venir plus tôt dans deux semaines. Vint le dernier acte de cette mémorable journée, le dépouillement des votes avec la litanie des noms des candidats de ce premier tour. Evidemment, tous n’étaient pas nommés en proportions égales, mais c’est la dure loi de la démocratie. Les regroupements par paquets de dix et les mises au point toutes les demi-heures, sous l’égide du chef du bureau,  ne faisaient que creuser l’écart : certains candidats, boudés par les électeurs, n’atteignaient même pas un nombre décimal, alors que d’autres caracolaient avec des chiffres à deux zéros. Petit à petit se dessinait la radiographie électorale de la commune. Qui n’était – heureusement – pas celle de la carte nationale, connue dès vingt heures.

 

                              Horace DAUDET