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23/09/2016

Sarkozy le gaulois

                          

 

 

 Si la science se reconnaît à son sens de la complexité et à son exigence de vérification, la politique, en revanche, pêche souvent par son art de la simplification extrême. Certes, il s’agit d’être audible par tous, quitte à faire tenir une vision de la société dans un slogan. A ce jeu-là, Nicolas Sarkozy est sans doute le champion. Rien ne l’arrête quand il est en campagne et surtout pas ses propres contradictions. Voici quelques semaines, il suggérait que c’était le droit qui devait s’adapter à la société et pas le contraire. Ce n’est pas faux au regard du droit positif ; ce n’est pas vrai, non plus, sous l’angle des principes constitutionnels de notre république. Mardi dernier, à Franconville – la bien nommée -, il a pris la posture du grand prêtre de l’Histoire pour justifier la nécessité de l’assimilation. Selon lui, quand on a choisi d’être Français, on doit abandonner ses référents ethniques et se déclarer descendant des Gaulois – pas besoin de préciser pour qui il parle. A l’entendre on se croirait revenu cent vingt ans en arrière, au bon vieux temps de la troisième République. Lavisse n’eût pas rêvé meilleur ambassadeur pour la postérité de ses lieux communs. Evidemment, personne n’est dupe du caractère conventionnel de son affirmation. Mais c’est dire, en filigrane, que le mythe doit prévaloir sur la réalité empirique. A sa façon, Sarkozy oppose l’intégrisme républicain à l’intégrisme islamique. Mais de cette confrontation mimétique – René Girard nous l’a appris- ne peut sortir que la guerre.

Alain Juppé, son principal concurrent dans la prochaine primaire à droite, a lui aussi une conception, certes plus souple et plus moderne, de l’Histoire. Selon lui la France est une nation composite, faite de groupes ayant des origines et des cultures diverses. Mais, dans cette mosaïque,  ils partagent tous le fait de vivre sur le même territoire, par là d’être Français. Ce plus petit commun dénominateur, Juppé l’appelle – on ne voit pas très bien pourquoi -  « l’identité heureuse ». Car être français ne constitue pas un passeport universel pour le bonheur. Il y a, dans ce pays, suffisamment d’inégalités et de discriminations pour ne pas y vivre en toute quiétude. Ce n’est pas, en tous les cas, le caractère ultra libéral de son programme qui risque d’améliorer cet état de choses. Oui, les formules des politiques, pour synthétiques qu’elles soient, ont bien peu de chances de résister au choc  - inévitable -  avec la réalité. Elles ne peuvent convaincre que ceux qui sont déjà convaincus. Tout cela est bien faible pour faire tenir ensemble tant de différences.

                                      

                            Jacques LUCCHESI  

31/12/2009

De l'identité nationale






Comme il semble loin le temps où la patrie était ce nom sacré qui justifiait le sacrifice de sa vie ; où , à l’heure des grands
rassemblements, on pouvait chanter sans rire la Marseillaise avec une main sur le cœur. S’il y a encore des grandes
causes  – comme le Téléthon – pour mobiliser généreusement le bon peuple de France, le patriotisme n’est assurément
plus de celles-là. Et puis, où sont nos ennemis à l’heure de la fédération européenne ? Certainement pas à l’extérieur de
nos frontières. Là se situe le grand paradoxe de cette campagne pour l’identité nationale dont on nous rabat présentement
les oreilles. Alors que la France n’est plus désormais qu’un des états composant – certes avec panache – l’Europe des 25 ;
alors qu’il nous faudrait logiquement nous décentrer de notre « francéité », voilà qu’un  ministre, et non le moins trouble,
remet sur le plat une problématique qui fleure bon un nationalisme suranné. Avouons qu’il y a là de quoi avoir des
soupçons sur les intentions cachées de nos dirigeants.
Est-ce que, pour autant, ce débat n’a aucune raison d’être dans le contexte social actuel, comme d’aucuns le clament haut
et fort ? Ce n’est pas si certain. Reconnaissons sans honte qu’il n’est pas si facile (malgré notre prétendue vocation à la
fraternité)  d’accueillir le migrant ou d’oser le dialogue avec l’insurgé du dedans. Ne nous voilons pas les yeux devant le
malaise qu’éprouvent beaucoup de gens – et pas seulement les zélateurs d’une droite extrême – devant la montée de
revendications identitaires. On ne peut pas toujours les ignorer ou les considérer comme des manifestations anodines
dans le concert démocratique, par essence pluri-culturel. Il s’agit sans doute de redéfinir nos propres valeurs et, à travers
elles, la place que nous devons faire à des valeurs qui ne découlent pas de notre tradition laïque et républicaine. Il s’agit de
définir ce que nous avons en commun autant que ce qui nous éloigne, d’établir ainsi un nouveau modus-vivendi dans
l’espace public. Ainsi parviendrons-nous peut-être à désamorcer un processus insidieux de guerre civile, lui qui commence
toujours par la recherche de bouc-émissaires. Alors, on pourra rappeler aux nostalgiques de Vichy et à tous ceux qui
rêvent d’une France frileusement repliée sur elle-même que ce pays s’est toujours nourri de diversité culturelle. Nous ne
retrouverons pas ainsi l’adhésion affective, spontanée, à une France éternelle, mais ce n’est pas ce que nous voulons.
Notre visée est plus modeste : savoir si nous avons toujours la volonté d’un destin commun.


Bruno DA CAPO