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20/01/2015

Les tables de la république laïque

 

 

Cette marche silencieuse du dimanche 11 Janvier 2015 marquera les mémoires. Sursaut républicain d’un peuple qu’on nous disait défait, soumis, n’ayant plus foi en lui. Des profondeurs du génie national a jailli le franc refus de la barbarie islamiste. Après l’effroi, garder notre sang-froid doit être le mot d’ordre. Après le temps de l’émotion, ô combien légitime, voici venu celui de l’analyse. Ainsi, certains déjà posent les questions qui grattent : était-on assez protégé ? Et où étaient les « failles » dont a parlé Manuel Valls ? Comment a-t-on laissé passer entre les mailles du filet de dangereux individus déjà connus des différents services de surveillance du territoire ? Ne sachant si les individus en question avaient déjà commis d'autres assassinats ! D’autres remarques nous interpellent. On sait que tout le monde en France n’était pas Charlie, que des attaques de mosquées, de synagogues ont ponctué les jours qui ont suivi le drame national. On sait aussi que dans les réseaux dits sociaux ont émergé des propos scélérats et racistes, quand ils n’étaient pas pro-terroristes. Autre remarque : même si l’on doit rester uni et éviter tout amalgame, on doit bien reconnaître que de petits Français éduqués et instruits par notre école républicaine sont devenus des terroristes. Que dire de cette institution censée former des citoyens libres et égaux ? Il semble bien qu’elle n’ait pas fait le job, comme nous tous d’ailleurs, devrait-on aussitôt ajouter. Aujourd’hui sonnent les trompettes de la sécurité. Il n’y a certes pas de liberté sans la sécurité, mais cette même liberté ne peut survivre sans la laïcité. Si l’on s’y tient, chacun pourra vivre librement tout en respectant l’autre. Pas besoin de citer Voltaire, encore qu’il a tout lieu d’en éclairer encore plus d’un ! Non : revenons aux tables de la république laïque. Enseignons-les pour les appliquer fermement de partout sur le sol français.

 

 

                                     Yves CARCHON

16/01/2015

Les cargos de la honte

 

 

L’Europe ne peut plus endiguer l’arrivée de milliers de migrants sur ses côtes. Aujourd’hui, l’Italie, demain la France. Nous y sommes : c’est un fait. Les trafiquants d’êtres humains ont semble-t-il trouvé une imparable technique pour imposer leur « cargaison » : laisser dériver leurs cargos sur nos côtes, au risque de noyer les malheureux qui leur ont fait confiance. Ainsi, il y a une semaine, deux cargos à la dérive chargés de migrants syriens et turcs ont été interceptés par la marine italienne : un premier cargo, le Blue Sky, transportant près de 800 migrants livrés aux caprices de la mer, puis un deuxième dont les 450 migrants ont été secourus au large de la Calabre. L’Italie — on l’a vu déjà pour Lampedusa — est confrontée à un afflux croissant de clandestins qui cherchent à gagner l’Europe au péril de leur vie. La moitié de ces migrants sont des Syriens ou des Erythréens. On peut imaginer dans les mois à venir des milliers d’hommes et de femmes, fuyant la Syrie en guerre, qui s’échoueront bientôt. L’Europe a le devoir d’aider la péninsule italienne. Le fait-elle ou du moins est-elle à la hauteur de répondre à cette urgence ? Il est vrai qu’au-delà des protestations humanistes, on doit admettre qu’un tel trafic est un commerce juteux : chaque migrant paie entre 1000 et 2000 dollars sa place sur un cargo, ce qui signifie que les passeurs encaissent pour un voyage plus d’un million de dollars ! L’Europe doit-elle revoir contrôles et règles avec les armateurs qui louent ou vendent ces cargos ? Une chose est sûre : tant que la Syrie et bien d’autres pays seront en guerre, rien n’empêchera hommes et femmes de survivre et de s’aventurer sur des mers dangereuses, y compris avec leurs enfants. En attendant, ces chargements d’humains nous font penser à d’autres déportations qu’on a pu connaître dans l’Histoire, que ce soit la traite négrière ou les déportations de Juifs : ce sont les cargos de la honte.

 

                                Yves CARCHON

13/01/2015

Le sursaut républicain

 

 

 Ah ! On s’en souviendra longtemps de ce dimanche 11 janvier 2015.  De mémoire de citoyen, on n’avait jamais vu une telle vague républicaine en France depuis la Libération. A Paris, mais aussi dans la plupart des villes françaises, les gens avaient envahi les rues pour clamer, toutes différences confondues, leur rejet du fanatisme et de l’intolérance, donnant un sens nouveau à notre devise nationale. Au total, plus de 4 millions de personnes animées par le même désir de vivre ensemble et dont les slogans inventifs affichaient un idéal commun de paix et de liberté. Oui, qui aurait pu imaginer, une semaine auparavant, que quarante sept chefs d’état avanceraient au coude à coude pour manifester leur soutien aux valeurs démocratiques ?  Qui aurait pu imaginer la suspension, même momentanée, des clivages politiques les plus féroces ? Sarkozy souriant à Hollande, Mahmoud Abbas main dans la main avec Benjamin Netanyahou sur le perron de l’Elysée. Un tel unanimisme était presque trop beau pour y croire : et pourtant…Car ce tableau irénique a sa créance de sang. Vingt vies humaines supprimées en trois jours, dix-sept victimes innocentes et trois bourreaux. Jamais les frères Kouachi et Amedy Coulibaly n’auraient cru, en accomplissant leur œuvre de mort et de division, qu’ils susciteraient une telle réaction de solidarité chez le peuple français et  dans l’opinion internationale. Les Français sont ainsi : grognons  et égoïstes dans la vie ordinaire, les épreuves réveillent leur fierté et renforcent leur sens profond de la liberté. Pour une journée – mais il y a des journées qui valent en intensité des années -, la France a été une fois de plus  au centre du monde. Ce qui constitue, au passage, un sacré camouflet à tous ceux qui nous bassinent avec son déclin et sa perte d’aura. Encore que dans cette affaire, l’ironie suprême aura été  la quasi panthéonisation de Charlie Hebdo, journal par vocation opposé à tous les pouvoirs. Une telle récupération vaut son pesant d’or et Charlie en profitera sûrement. Mais ce sera toujours avec le deuil de ses meilleures signatures.

Le problème est, à présent, de savoir si cet enthousiasme collectif  entrainera des modifications durables dans les comportements des uns et des autres. Ou s’il va retomber comme un soufflet et céder de nouveau le pas aux affrontements inter-communautaires (comme l’espèrent les stratèges du terrorisme). D’ores et déjà, tous les dispositifs de sécurité sont au rouge. Avec un accent particulier mis sur les prisons et l’école, creuset de refus précoce des valeurs républicaines. Ce qui s’est passé ne doit plus se reproduire, même si la menace demeure réelle. La fête est finie et il y a des lendemains qui déchantent, nous ne le savons que trop. Des libertés civiles risquent d’être bousculées dans ce contexte. Car  l’état de grâce ne peut jamais devenir un principe de gouvernance.

 

                                          Bruno DA CAPO