Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/11/2017

        Nouvelles menaces sur Charlie Hebdo

            

 

 

 

 Après l’attentat du 7 janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo et l’immense vague émotionnelle qu’il avait provoqué, on avait pu croire que la tolérance reprendrait durablement ses droits en France. Nous savons, hélas, qu’il n’en est rien et que le journal symbole  de cette liberté d’expression à laquelle nous sommes si attachés est toujours dans le viseur de  ceux qui ne peuvent admettre les principes fondamentaux de notre pays. Les dernières menaces de mort à l’encontre de ses journalistes remontent à quelques jours seulement, après que l’hebdomadaire satirique ait fait sa une avec « l’affaire » Tariq Ramadan.

 Celle-ci présente la particularité de se situer au carrefour des moeurs et de la religion. Dans la foulée de l’affaire Weinstein et l’offensive féministe contre le harcèlement sexuel, l’islamologue suisse a été mis en cause, lui aussi, par deux de ses étudiantes. Elles lui reprochaient un comportement abusif, sinon violent, pour obtenir leurs faveurs. Là encore, ce sont des allégations et il faut rester prudent tant que la justice n’a pas statué. Mais la prudence n’est pas exactement le propre de Charlie Hebdo qui s’est emparé de la rumeur afin de brocarder une personnalité intellectuelle pour le moins controversée. On sait, en effet, que Tariq Ramadan est un partisan de la Charia et qu’il s’est souvent posé en directeur de conscience pour les musulmans européens, allant jusqu’à porter le débat sur les plateaux de télévision, face aux défenseurs de la laïcité. Ce qu’a vu en lui Charlie Hebdo, par la plume de son dessinateur Juin, c’est une forme de tartufferie, comme il l’a souvent raillé chez des personnalités de l’église catholique : rien de plus. Sauf qu’ici c’est un théologien musulman qui est mis en cause, et l’on ne connait que trop la susceptibilité de l’opinion arabe pour tout ce qui touche à sa religion.

En représentant Tariq Ramadan avec un sexe aussi gros et long qu’un obélisque, Juin n’a certes pas fait dans la dentelle : mais c’est le propre de toute caricature. Pour autant, il ne peut pas être accusé de blasphème, à moins de tenir l’auteur du  Génie de l’Islam  pour l’avatar moderne de Mahomet – ce qui serait très exagéré. Reste le commentaire qui accompagne le dessin, ce sixième pilier de l’Islam incarné par le djihad - notion elle aussi très discutée actuellement-, l’idée étant que celui pratiqué par Tariq Ramadan en privé n’est pas très glorieux. Tout cela, reconnaissons-le, n’a rien de bien méchant. C’est certainement moins virulent que les fameuses caricatures de Mahomet reproduites dans les pages du journal voici quelques années, avec les conséquences que l’on sait. Comment, sur la base de ces éléments iconiques, certains esprits, même échauffés,  peuvent-ils voir une nouvelle attaque de Charlie Hebdo contre l’Islam ? Dans ce cas précis, c’est à l’intéressé de répliquer en portant plainte pour diffamation contre le journal - toute autre forme de pression étant de fait irrecevable et condamnable. Mais cette agitation révèle – triste constat – le peu d’impact qu’a eu sur beaucoup de français musulmans le massacre de janvier 2017 et l’extrême difficulté de parvenir à un consensus durable en matière de liberté d’expression. Ainsi, les mêmes causes pourraient encore produire les mêmes effets sanglants... Comme le disait, dans son Homo Ludens, le grand historien néerlandais Johan Huizinga : « C’est le manque d’humour qui tue. »  

 

Jacques LUCCHESI

13/01/2015

Le sursaut républicain

 

 

 Ah ! On s’en souviendra longtemps de ce dimanche 11 janvier 2015.  De mémoire de citoyen, on n’avait jamais vu une telle vague républicaine en France depuis la Libération. A Paris, mais aussi dans la plupart des villes françaises, les gens avaient envahi les rues pour clamer, toutes différences confondues, leur rejet du fanatisme et de l’intolérance, donnant un sens nouveau à notre devise nationale. Au total, plus de 4 millions de personnes animées par le même désir de vivre ensemble et dont les slogans inventifs affichaient un idéal commun de paix et de liberté. Oui, qui aurait pu imaginer, une semaine auparavant, que quarante sept chefs d’état avanceraient au coude à coude pour manifester leur soutien aux valeurs démocratiques ?  Qui aurait pu imaginer la suspension, même momentanée, des clivages politiques les plus féroces ? Sarkozy souriant à Hollande, Mahmoud Abbas main dans la main avec Benjamin Netanyahou sur le perron de l’Elysée. Un tel unanimisme était presque trop beau pour y croire : et pourtant…Car ce tableau irénique a sa créance de sang. Vingt vies humaines supprimées en trois jours, dix-sept victimes innocentes et trois bourreaux. Jamais les frères Kouachi et Amedy Coulibaly n’auraient cru, en accomplissant leur œuvre de mort et de division, qu’ils susciteraient une telle réaction de solidarité chez le peuple français et  dans l’opinion internationale. Les Français sont ainsi : grognons  et égoïstes dans la vie ordinaire, les épreuves réveillent leur fierté et renforcent leur sens profond de la liberté. Pour une journée – mais il y a des journées qui valent en intensité des années -, la France a été une fois de plus  au centre du monde. Ce qui constitue, au passage, un sacré camouflet à tous ceux qui nous bassinent avec son déclin et sa perte d’aura. Encore que dans cette affaire, l’ironie suprême aura été  la quasi panthéonisation de Charlie Hebdo, journal par vocation opposé à tous les pouvoirs. Une telle récupération vaut son pesant d’or et Charlie en profitera sûrement. Mais ce sera toujours avec le deuil de ses meilleures signatures.

Le problème est, à présent, de savoir si cet enthousiasme collectif  entrainera des modifications durables dans les comportements des uns et des autres. Ou s’il va retomber comme un soufflet et céder de nouveau le pas aux affrontements inter-communautaires (comme l’espèrent les stratèges du terrorisme). D’ores et déjà, tous les dispositifs de sécurité sont au rouge. Avec un accent particulier mis sur les prisons et l’école, creuset de refus précoce des valeurs républicaines. Ce qui s’est passé ne doit plus se reproduire, même si la menace demeure réelle. La fête est finie et il y a des lendemains qui déchantent, nous ne le savons que trop. Des libertés civiles risquent d’être bousculées dans ce contexte. Car  l’état de grâce ne peut jamais devenir un principe de gouvernance.

 

                                          Bruno DA CAPO

07/01/2015

Charlie Hebdo : entre l’horreur et la colère

     

 

 

 La nouvelle est tombée peu après midi, ce mercredi 7 janvier, reléguant du coup à l’arrière-plan toutes les informations du moment. Vers 11h30, deux hommes cagoulés et vêtus de noir sont entrés dans les locaux parisiens de Charlie Hebdo. Armés de kalachnikovs, ils ont ouvert le feu sur les personnes présentes avant de s’enfuir en compagnie d’un complice qui faisait le guet. Le bilan provisoire de ce carnage est très lourd : douze morts - parmi lesquels des figures historiques du journal comme Cabu et Wolinski -, ainsi qu’une vingtaine de blessés dont quatre  très gravement atteints. La piste islamiste (on parle d’Al Qaïda) ne fait pas de doute puisque l’un des tueurs aurait crié : « Allah akbar. Nous avons vengé le prophète.», comme l’atteste l’une des vidéos de surveillance. La France entière est sous le choc de cet attentat, le plus meurtrier jamais commis sur son territoire. Avec lui sont  reposées les questions de la liberté d’expression et de la laïcité dans ce pays qui en est le fer de lance. L’hebdomadaire satirique avait déjà reçu des menaces en 2012, après la publication des caricatures de Mahomet. Depuis, il était en permanence sous surveillance policière (deux policiers ont d’ailleurs été tués ce matin). Mais Charlie Hebdo, qui en avait vu d’autres, n’entendait pas se censurer dans un pays protégeant la liberté de la presse. Maintes fois, il avait égratigné les figures symboliques du Christianisme et il ne voulait pas tenir l’Islam pour une religion intouchable dans cette république censée ne favoriser aucun culte. D’autres, malheureusement, ne pouvaient comprendre ni admettre cette joyeuse tolérance. Ils l’ont prouvé aujourd’hui avec cette tuerie effroyable, montrant toute leur détermination à combattre nos valeurs dans notre pays même. Une nouvelle forme de fascisme se profile dans nos villes et nous ne pouvons plus l’ignorer sereinement. Il appartient aux pouvoirs publics d’en tirer toutes les conséquences.

 

                                            

                        Bruno DA CAPO