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16/01/2015

Les cargos de la honte

 

 

L’Europe ne peut plus endiguer l’arrivée de milliers de migrants sur ses côtes. Aujourd’hui, l’Italie, demain la France. Nous y sommes : c’est un fait. Les trafiquants d’êtres humains ont semble-t-il trouvé une imparable technique pour imposer leur « cargaison » : laisser dériver leurs cargos sur nos côtes, au risque de noyer les malheureux qui leur ont fait confiance. Ainsi, il y a une semaine, deux cargos à la dérive chargés de migrants syriens et turcs ont été interceptés par la marine italienne : un premier cargo, le Blue Sky, transportant près de 800 migrants livrés aux caprices de la mer, puis un deuxième dont les 450 migrants ont été secourus au large de la Calabre. L’Italie — on l’a vu déjà pour Lampedusa — est confrontée à un afflux croissant de clandestins qui cherchent à gagner l’Europe au péril de leur vie. La moitié de ces migrants sont des Syriens ou des Erythréens. On peut imaginer dans les mois à venir des milliers d’hommes et de femmes, fuyant la Syrie en guerre, qui s’échoueront bientôt. L’Europe a le devoir d’aider la péninsule italienne. Le fait-elle ou du moins est-elle à la hauteur de répondre à cette urgence ? Il est vrai qu’au-delà des protestations humanistes, on doit admettre qu’un tel trafic est un commerce juteux : chaque migrant paie entre 1000 et 2000 dollars sa place sur un cargo, ce qui signifie que les passeurs encaissent pour un voyage plus d’un million de dollars ! L’Europe doit-elle revoir contrôles et règles avec les armateurs qui louent ou vendent ces cargos ? Une chose est sûre : tant que la Syrie et bien d’autres pays seront en guerre, rien n’empêchera hommes et femmes de survivre et de s’aventurer sur des mers dangereuses, y compris avec leurs enfants. En attendant, ces chargements d’humains nous font penser à d’autres déportations qu’on a pu connaître dans l’Histoire, que ce soit la traite négrière ou les déportations de Juifs : ce sont les cargos de la honte.

 

                                Yves CARCHON