19/10/2009
fils à papa
Depuis longtemps maintenant, les enfants ont pris la déplorable habitude de décevoir leurs parents. Quoi ! On mise tous nos espoirs sur eux ; on se serre la ceinture pour les nourrir, les habiller et leur payer de bonnes études ; et ne voilà t’il pas qu’un jour, ils vous déclarent tout de go qu’ils se foutent pas mal de vos sacrifices, qu’ils veulent vivre leur vie sans rendre de comptes à personne. Sempiternel conflit des générations. Vous-êtes vous demandé pourquoi tout va si mal dans cette société ? C’est parce que le jeunes ne veulent en faire qu’à leur tête, qu’ils ne savent plus écouter les anciens. Comme dirait la mère Denis : c’est bien vrai, ça. »
Notez bien qu’il y en a encore un petit nombre qui suivent les conseils avisés de leurs aînés. Ceux-là n’iront jamais à l’encontre des intérêts familiaux, car ils savent bien où est leur avenir. Et cette conduite, aussi docile que prévoyante, paie toujours. Voyez Jean Sarkozy – peut-être, à l’heure actuelle, le plus parfait exemple de fils à papa. Il n’a jamais déçu son illustre paternel. Il lui a même emboité le pas à peu près sur tout : mariage précoce à 22 ans, études de droit (il est actuellement en 2eme année), engagement dans la vie politique locale (à Neuilly, pourquoi se compliquer la vie ?). C’est ainsi qu’en 2008, il a été élu conseiller municipal UMP de cette modeste commune puis, dans la foulée, président du groupe UMP du Conseil Général des Hauts-de-Seine. Ce n’est pas mal du tout quand on y songe.
Sa candidature et sa probable élection, en décembre prochain, à la tête de l’EPAD marquent une nouvelle étape dans son irrésistible ascension. Que voulez-vous ? Même son prédécesseur, le sympathique Patrick Devedjian – 65 ans depuis quelques semaines –, était atteint par la limite d’âge : il fallait bien que quelqu’un se dévoue pour ce poste. La nouvelle de cet acte méritoire a suscité pourtant plus de protestations que d’enthousiasme. Elle aura au moins eu l’avantage d’éclairer une structure administrative et financière que presque personne ne connaissait avant cela. Et celle-ci, à l’examen, n’a rien de négligeable. Concrètement, l’Etablissement Public d’Aménagement de la Défense (comprendre le quartier d’affaires parisien, pas la force militaire nationale), c’est 160 hectares, 2500 entreprises et 3,3 millions de m2 de bureaux où travaillent 150 000 salariés. Au final, il brasse la bagatelle de 115 millions d’euros par an.
La gouvernance de cette place-forte économique devrait logiquement échoir à un haut fonctionnaire en fin de carrière, sanctionnant un parcours professionnel sans faille. Elle va donc revenir à un jeune homme de 23 ans qui n’a même pas terminé son cursus universitaire. Quand on sait quels types d’emplois – réceptionniste d’hôtel ou serveur dans un fast-food – sont proposés aux étudiants du même âge, on a de quoi rester pantois devant une pareille histoire. Elle illustre on ne peut mieux les dérives du pouvoir et le mépris de l’opinion publique affiché par Sarkozy père. Rêve-t’il secrètement de créer une forme nouvelle de monarchie sur ce qui reste de la Cinquième République ? Dans ce cas, on comprendrait mieux la percée de son fils cadet, recueillant à l’instar des anciens dauphins titres et prébendes dès son plus jeune âge. Il n’en reste pas moins que nous vivons encore dans un régime électoraliste. Et que le vote populaire pourrait bien sanctionner aux Régionales, voire aux Présidentielles, de telles pratiques régaliennes. A condition, toutefois, que les Français soient encore capables de sentiments républicains.
Bruno DA CAPO
17:14 Publié dans Numéro 4 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : epad, sarkozy, parents, enfants
10/10/2009
la carotte et le bâton
Pour gouverner les peuples, les dirigeants de toutes les époques ont toujours joué sur deux ressorts psychologiques universels : la crainte et la récompense, le bâton et la carotte. Certains usaient (et usent encore) beaucoup du bâton, d’autres un peu moins – démocratie oblige -. Mais tous continuent d’agiter la carotte pour séduire et faire avancer le bétail humain. Pour républicain qu’il soit, notre actuel gouvernement emploie les mêmes procédés. La nouveauté est qu’il les applique maintenant dès l’école. Les nouvelles générations d’élèves sont, manifestement, peu entrainées à l’effort. La faute en incombe, pour beaucoup, au marché et à ses gadgets qui détournent une grande partie de leur attention. La quête de l’excellence, avec les marques académiques du succès, ne les motive plus guère. Dans le contexte actuel, faire de brillantes études n’est plus l’assurance d’une vie professionnelle réussie, tant la concurrence est rude. C’est, au mieux, un acquis pour une meilleure insertion, d’ailleurs pas forcément dans la filière choisie. A l’inverse, rater sa scolarité n’est pas vécu comme un drame, vu que c’est dur pour tout le monde. Dans ce cas, l’esprit de débrouillardise viendra suppléer à l’instruction écourtée. On sait à quelles impasses ces raccourcis peuvent mener…Bref, les élèves ont tous de bonnes raisons de ne pas se prendre la tête, pour employer une expression de leur cru. Dans ces conditions, pourquoi ne pas leur faire miroiter de petits bonus qui stimuleraient leur assiduité? C’est ce que Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives, a proposé d’expérimenter dans le secondaire. Certes, ce n’est pas très moral, ça en dit même long sur l’abaissement général, mais là aussi, la fin justifie les moyens. Après tout, bien des familles, par le passé, pratiquaient cette tactique, offrant un cyclomoteur ou une voiture à leurs rejetons lorsqu’ils étaient reçus bacheliers. Pour les uns, la carotte prendrait ainsi l’allure d’une cagnotte collective, pour d’autres des places gratuites à des matches de foot (les possibilités de gratifications ne sont pas closes). La proposition de Martin Hirsch vient même à point nommé. Car après toute une série de mesures répressives pour faire régner l’ordre dans les collèges et leurs abords, on ne pouvait pas encore donner du bâton dans les chaumières. Imagine t’on quelles protestations et quelle impopularité aurait entrainé, dans tout le pays, l’imposition de pénalités financières frappant les élèves – et donc leurs parents – les plus indisciplinés ? La recherche du bien public a quand même ses limites.
Notez bien qu’il y a encore mieux que l’argent ou le foot pour inciter des adolescents turbulents à venir en classe et à suivre plus attentivement le programme. Pourquoi ne pas aller au bout de cette logique hédoniste et leur offrir, en cas de bons résultats, quelques délicieux moments avec des créatures féminines de leur choix ? Le « deal » n’est pas nouveau : rappelons-nous, voici un siècle, qu’il n’était pas rare que les pères emmènent leurs fils au bordel lorsqu’ils arrivaient à l’âge de ces jeux intimes. Je veux bien parier que cette proposition, dûment transformée en loi effective, ferait rapidement monter le niveau scolaire général. Sommes-nous devenus si puritains en France pour ne pas y penser un peu ? Ce serait, dans ce cas, vraiment un signe de rupture avec nos vieilles frilosités.
Austin Power
10:33 Publié dans Numéro 4 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carotte, bâton, assiduité, hirsch
11/08/2009
la Redoute se met à la page
Naguère la Redoute éditait un catalogue de ventes par correspondance qui était une véritable institution pour les familles françaises. De l'habillement à l'électro-ménager, tout vantait dans ces pages un idéal de bien-être corporel et de confort domestique, sans que le bon goût et la sacro-sainte morale puissent y trouver à redire. Certes, il y avait bien quelques jolies filles qui posaient en sous-vêtements; mais c'était à des fins promotionnelles et de manière tellement sage qu'il fallait avoir vraiment l'esprit mal tourné pour y voir une quelconque incitation à la débauche.
Las! Les temps ont changé. Les temps ou plutôt les demandes des consommateurs, plus libres vis à vis de certaines pratiques. J'en veux pour preuve le catalogue d'automne-hiver 2009-2010 qui vient juste d'arriver dans nos boites à lettres.Oh! Ne vous attendez pas à y trouver de grands bouleversements. On y retrouve même toutes les composantes, toutes les catégories d'articles ménagers qui font son succès depuis des décennies. Toutes plus une, précisément, qui donne une saveur particulière à cette nouvelle édition. C'est ainsi que, page 405, dans la mince partie consacrée aux soins du corps, on trouve, entre le bain à bulles, le sauna facial et le solarium, un encart pudiquement intitulé "massage et intimité". Sans qu'aucun des gadgets présentés ne soit nommé explicitement, c'est néanmoins toute une gamme de sex-toys qui est proposée au bonheur des dames. Si l'on excepte les traditionnelles boules japonaises (rebaptisées "smartballs"), ce sont des vibro-masseurs de différentes tailles et couleurs qui affichent ici leur image délicatement phallique. Notez bien que les libéllés qui les accompagnent sont des modèles de neutralité commerciale. Ainsi le fameux "Cry baby" -tout un programme!- :
"Audacieux, Cry Baby, le petit masseur sans fil qui se pilote à distance, en toute discrétion. 59,99 euros".
Une invitation à peine voilée à la masturbation dans ce bottin du goût familial! Un godemiché - n'ayons pas peur des mots - dans le paquet de la mènagère! A défaut de nous choquer, cela a de quoi nous faire sourire. Et de nous interroger aussi. Y aurait-il tant de femmes sexuellement en manque dans ce pays? A moins que la masturbation ne soit plus désormais un succédané du coït mais un complément érotique, pratique banalisée, enfin déculpabilisée à laquelle toute femme pourrait s'adonner seule ou avec un partenaire? Dans ce cas, on pourrait penser que les leçons de Georg Groddeck et de Wilhem Reich ont fini par faire leur chemin dans les esprits. Sous un autre angle, on peut y voir l'ultime avancée de l'individualisme contemporain, le sex-toy offrant à qui l'utilise une meilleure adaptation à la solitude, donc un degré supplémentaire d'autarcie. En l'occurence, le problème est aussi d'ordre économique. Alors que se développent un peu partout les boutique de porno chic et les réunions à domicile pour plaçer ces modernes instruments du plaisir, un groupe comme la Redoute aurait bien tort de ne pas prendre le train en marche et d'essayer de profiter de cette manne (qui n'est peut-être, comme toutes les modes, que passagère). D'où cet encart discret mais significatif.
Une remarque pour terminer: pourquoi les hommes sont-ils les oubliés de ce marché? La Redoute n'a t'elle rien à leur proposer pour pimenter leurs soirées? Elle qui, avec ses sylphides en culottes et en soutien-gorges, a alimenté leurs fantasmes depuis un demi-siècle, pourrait peut-être innover en ce domaine? Et leur proposer - pourquoi pas? - dans un prochain catalogue des poupées grandeur nature parées de lingerie maison; des poupées à l'effigie des filles de la Redoute.
Austin Power
13:44 Publié dans Numéro 4 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : redoute, sous-vêtements, sex-toys, sylphides