28/12/2012
Cahuzac, évadé fiscal ?
Chacun connaît ici la vocation à l’investigation du site Médiapart. Il est plutôt rassurant, pour notre démocratie, que de telles structures journalistiques existent. Car les apparences, en politique, ne doivent pas être soustraites au questionnement. Ces dernières années, la Droite n’a pas été épargnée par Médiapart ; la Gauche, à présent au pouvoir, ne le sera pas non plus. C’est ce que semblent nous dire les récentes allégations lancées contre l’actuel ministre du budget, Jérôme Cahuzac. Aurait-il eu, par le passé, des intentions de fraude fiscale ? A-t’il eu, comme tant d’autres, un de ces fameux comptes en Suisse ? Un comble pour un socialiste en charge des finances de l’Etat! Il est vrai, cependant, que la preuve de cette accusation est mince : un mauvais document sonore, conversation téléphonique enregistrée où l’on discerne bien mal sa voix. Et qu’elle pourrait passer pour de la calomnie, tellement elle semble tirée d’un vieux placard. Car les faits remontent à douze ans et Cahuzac n’était pas alors aux affaires. En outre, le mystérieux locuteur de cette bande sonore semble exprimer son désir de clôturer ce compte gênant pour pouvoir se présenter proprement à des élections municipales, l’année suivante. Un sursaut de conscience qui joue plutôt en sa faveur. Et qu’il pourra sans trop de peine exploiter juridiquement si l’affaire se terminait devant les tribunaux. Elle a pris, néanmoins, une réelle ampleur et la Droite, aussi ridicule que décomplexée, a même osé la comparer à celle qui a valu, en son temps, le « sacrifice » d’Eric Woerth. Laissons là ces inepties mais constatons quand même que Cahuzac risque son poste, désormais. Déjà on avance des noms pour sa prochaine succession. Ainsi Médiapart, par son travail sans concession, pourrait être à l’origine du premier remaniement ministériel du gouvernement Ayrault.
Bruno DA CAPO
15:58 Publié dans numéro 10 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cahuzac, médiapart, fraude fiscale, compte en suisse
20/12/2012
Bruissements (15)
Fin du monde : comment le calendrier d’une civilisation amérindienne disparue depuis cinq siècles peut-il susciter autant de « buzz » dans la nôtre ? Comment une date – traduite par qui ? – fixant la fin du monde au 21 décembre 2012 peut-elle être prise au sérieux par des milliers d’occidentaux, censément formés et depuis en quête de survie dans un village haut perché de l’Aude? N’avons-nous pas tous le souvenir d’apocalypses évaporées dans la stratosphère de l’Histoire, la dernière en date étant celle de l’an 2000 ? S’il y a une réponse, elle est à chercher dans l’esprit humain et sa propension immémoriale à céder au vertige métaphysique. C’est aussi le résultat de la mondialisation des cultures et leur circulation accélérée en tous points de la planète. Dans notre monde, rien ne se perd et tout revient, y compris les peurs les plus ancestrales, et cela fait, rappelons-le, les choux gras de pas mal de gens. Ils auront leur part de responsabilité dans les désordres, voire les gestes désespérés, qui pourront se produire ce jour-là. Non, nous ne serons pas les contemporains de ce fabuleux anéantissement collectif. Si au moins cette rumeur (de plus en plus assourdissante) pouvait insuffler un peu de fraternité dans notre société déboussolée, elle n’aurait pas été tout à fait vaine. A moins que ce ne soit pour la prochaine…
Tapie : s’il y en a un qui ne pourra jamais s’empêcher de tirer des plans sur la comète, c’est bien Bernard Tapie. On croyait qu’à près de 70 ans et riche à millions, il allait s’octroyer une retraite dorée, entrecoupée de prestations télévisuelles. C’était mal connaître le joueur tapi dans l’ombre. Il a ressurgi en pleine lumière, ces jours-ci, en rachetant, pour 50 millions d’euros, la Provence et quelques autres quotidiens déficitaires de la PACA. Aurait-il de secrètes ambitions électorales, à l’approche des municipales de 2014 ? L’intéressé s’en défend mais bien peu, nous le savons, se sont dédit autant que lui. Patron de presse, en attendant, ce n’est déjà pas si mal. Et c’est un rôle qui manquait à sa panoplie. Si la richesse a un sens, c’est bien de permettre aux hommes de vivre tous leurs rêves.
Baumettes : eux ne seraient sans doute pas désolés par la fin du monde. Eux, c'est-à-dire les quelques milliers de détenus aux Baumettes, prison répugnante entre toutes, avec ses cellules vétustes et surpeuplées, ses cours intérieures jonchées d’immondices. Comment favoriser la réinsertion des prisonniers, dans ces conditions ? A la demande répétée de l’Observatoire International des Prisons, le tribunal administratif de Marseille a enfin décidé d’y apporter un peu d’ordre. En 2013, les cellules devraient être rénovées, la nourriture protégée des rats et autres bestioles nuisibles et l’accès aux soins facilité. Encore faut-il que l’argent affecté à ces améliorations ne se perde pas en route. Du reste, si Bernard Tapie (qui connaît un peu la question) avait toujours des velléités philanthropiques, il pourrait investir aussi dans les Baumettes. Car la privation de liberté ne doit pas, en démocratie, être aussi une privation de dignité.
Depardieu : « Minable, vous avez dit minable, comme c’est minable ». C’est par ces mots, clin d’œil à une tirade célèbre, que Gérard Depardieu a commencé, dans le Journal du Dimanche, sa lettre de protestation à Jean-Marc Ayrault. Ce dernier a, comme on le sait, qualifié du même adjectif le récent «exil» fiscal de l’acteur en Belgique (à Néchin, à un kilomètre de la frontière française). Bref, d’ici qu’Obélix envoie un menhir dans les fenêtres de l’hôtel Matignon, il n’y a pas loin. L’argent délie de tout lien ceux qu’il comble, à commencer par celui de la solidarité. Et Depardieu en a beaucoup gagné grâce au cinéma français, même s’il a payé aussi des impôts conséquents depuis le début de sa carrière. Alors, pourquoi tant de polémique? D’autres célébrités du showbiz ont choisi, avant lui, de s’installer dans des pays limitrophes du nôtre pour les mêmes raisons et cela n’a pas déchainé les passions. Mais voilà, Depardieu est, avec ses rondeurs et sa gouaille, une figure de cette France populaire (à laquelle il n’appartient plus depuis longtemps). En cela, son départ, pour le moins égoïste, a déçu beaucoup de gens. C’est à eux, peut-être, de le sanctionner, tout simplement en s’abstenant d’aller voir - ou de revoir – ses films.
Synergie : il y a heureusement des nouvelles réjouissantes dans ce marigot déprimant qu’est l’actualité de cette fin d’année; des nouvelles qui laissent augurer des rapports sociaux plus justes et plus généreux. Ainsi l’annonce qu’a faite le professeur Yvon Berland, lors du colloque « Médias et santé » qui s’est tenu à Marseille les 14 et 15 décembre dernier. Un cursus de médecine universitaire, destiné aux patients souffrant d’affections de longue durée, devrait bientôt être mis en place, sans doute au centre hospitalier de la Timone. Il leur permettra ainsi de mieux comprendre et de mieux gérer leur maladie, d’épauler aussi le corps médical dans son travail de sensibilisation hors l’hôpital. Car les malades détiennent aussi un savoir et une vérité. Leur parole peut être instructive, tant pour les soignants que pour les bien-portants. Quand on sait à quelles attitudes suffisantes et autoritaires ont été longtemps soumis les patients hospitalisés, on ne peut que se réjouir de cette future synergie, gage d’une médecine en voie d’humanisation. A suivre.
Erik PANIZZA
18:01 Publié dans numéro 10 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fin du monde, tapie, baumettes, depardieu
18/12/2012
Newtown : les larmes d’Obama
L’Amérique encore et toujours... Pour nous Européens, ce fut longtemps un mythe, la terre où les émigrants en grand nombre cherchaient l’Eldorado. Les westerns nous ont raconté leur héroïque geste, leur installation dans des sites grandioses et pas toujours très accueillants... N’empêche : nous en avons rêvé. Evidemment, en cette préhistoire américaine, la Loi et l’Ordre ne pouvaient réellement triompher sans colts ou winchesters... Aujourd’hui, porter une arme aux USA est non seulement un droit mais un devoir. Le principe est inscrit (à jamais ?) dans le marbre impavide de la Constitution américaine. De plus, une arme dans de nombreux Etats est garante de sa propre sécurité, celle de sa famille, de son village, de sa ville. Elle constitue pour ainsi dire un membre supplémentaire dans le corpus américain. Légiférer contre le port d’armes en Amérique, c’est un peu comme si en France on s’attaquait à la liberté de pensée... Nos frères américains sont arrimés à leur panoplie d’armes comme nous sommes attachés presque intrinsèquement à devoir dire ce que l’on pense. Difficile donc pour Obama de réduire la vente d’armes ou en tout cas de l’encadrer avec des règles plus contraignantes. Le moment semble pourtant choisi après la tragédie de Newtown. De voir toutes ces images de gosses qui souriaient encore il y a peu sur leurs photos de classe glace le sang. Obama, il le sait, ne peut plus s’en tenir à exprimer uniquement sa compassion envers ces si petites et si nombreuses victimes. Il lui faut faire bien plus. Le pourra-t-il ? On sait que le lobby des armes finance le parti républicain et qu’à ce titre le Président américain se heurtera à une puissante opposition. Pour son deuxième mandat, ce serait un fleuron à mettre à son actif. Mais aura-t-il l’appui qui lui est nécessaire pour accomplir pareil travail d’Hercule, y compris parmi ses amis démocrates qui se disent être progressistes ?
Yves CARCHON
19:18 Publié dans numéro 10 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : newtown, amérique, victimes, lobby des armes