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18/04/2012

Slogans

 

 

                               

 

 

 Les affiches électorales qui refleurissent sur nos murs, en ce printemps 2012, sont aussi l’occasion de méditer un peu  le sens et la valeur des slogans. Qu’est-ce qu’un slogan ? Une formule brève et précise – donc mûrement réfléchie -, fruit de méthodes publicitaires appliquées au champ politique. Il s’agit, avec elles, de faire désirer un candidat et son programme en aval. Car ce message emblématique résumé en quelques mots s’adresse davantage  aux sentiments qu’à l’intellect. S’il évoque le concept, ce n’est que par sa forme  car il n’est, en son cœur, qu’affectivité. Pour ce qui concerne les dix candidats en lice pour ce premier tour des présidentielles, trois au moins se revendiquent ouvertement de la France. Oui, mais de quelle France ? Car entre eux, les différences sont sensibles. Nicolas Sarkozy se fait ainsi le héraut de « la France forte ». Le message qui s’en dégage s’entend au moins à deux niveaux. Sur le plan intérieur, c’est la garantie d’une sécurité renforcée sous son égide. A l’extérieur de nos frontières, c’est la promesse renouvelée d’affronter – et de maîtriser ? - les turbulences économiques dans la zone euro. Avec lui, on est plongé dans un état de guerre permanent et, forcément, cela relègue au second plan des attentes sociales tout aussi légitimes. A l’opposé, François Bayrou mise sur « la France solidaire ». Par là, il renoue implicitement avec l’un des fondamentaux de notre république : la fraternité. On est un peu surpris par la dimension « gauchisante » de son slogan (mais Hollande, après tout, s’est emparé du changement). Homme de droite, Bayrou semble ainsi ressusciter la formule qui avait fait le succès de Giscard, voici près de quarante ans, à savoir que « la gauche n’a pas le monopole du cœur ». Dans son bord politique, il y a plusieurs familles et la sienne, assurément, n’est pas celle de Sarkozy. C’est ce qu’il entend signifier, pour le moment, à l’opinion publique car, à l’issue du 22 avril, il n’est pas impossible que l’union se reforme entre ces frères ennemis. Quant à Nicolas Dupont-Aignan, il se projette en leader de « la France libre ». La formule résonne, bien sûr, comme un hommage à De gaulle dont il n’a cessé de se réclamer. Mais nous ne sommes plus en 1940 et, dans le contexte actuel, elle fait davantage sourire que vibrer aux mannes de la patrie. Certes, les concessions que doit faire chaque état membre aux institutions européennes peuvent être ressenties comme une nouvelle forme de joug. Vouloir le secouer au motif d’une souveraineté sans partage est sans doute pêcher par excès de pessimisme ; c’est, comme on dit, voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein. Quoiqu’il en soit, il se réfère – et accapare – à un autre pilier républicain : la liberté.

A travers ces trois visions de la France, on mesure toute la difficulté d’une synthèse programmatique. Il faut quand même noter que, des trois, c’est encore la première – celle de Sarkozy – qui s’écarte le plus de l’idéal républicain.

 

                           Bruno DA CAPO

11/04/2012

Santé : les failles d’un système

 

   

 

 

S’il y a des dépenses que les Français ne peuvent pas toujours rogner, ce sont bien celles de leur santé. Ce pôle-là tend, bien sûr, à s’accroitre avec l’âge mais, jusqu’à ces dernières années, la couverture santé du régime général, avec ou sans mutuelle, palliait à la plupart des achats de médicaments. Force est de constater que cette époque est hélas révolue. Le déremboursement accéléré, que nous subissons tous,  touche de plus en plus de médicaments usuels qui n’ont pourtant rien à voir avec ces pseudos produits à visée esthétique qui constituent le superflu des ménagères. Veut-on un exemple ? La Piasclédine 300 est efficace contre l’arthrose, mais c’est un traitement qui court sur plusieurs mois. Or, le prix de la boite de 15 gélules tourne autour de 8 euros et le patient doit maintenant assumer seul cette dépense, certes modeste à priori mais qui s’inscrit dans une longue liste d’achats de santé, à commencer par les produits d’automédication contre les maux de l’hiver. Cette situation est encore accentuée par la dérégulation des prix qui fait que le même article peut couter entre 30 et 50 % plus cher selon les pharmacies où l’on entre. Bien entendu, on peut toujours faire jouer la concurrence et chercher la pharmacie qui pratiquera les tarifs les plus avantageux – pour ne pas dire les plus honnêtes. Mais cela peut prendre pas mal de temps et l’on n’en a pas toujours, surtout lorsqu’on est souffrant. Allez vous étonner après ça que les traitements soient souvent écourtés et que les affections mal soignées persistent au-delà d’une durée normale.

Si, au moins, les pharmaciens continuaient à prodiguer les conseils qu’attendent les patients et qui complètent les prescriptions médicales. Mais dans ce secteur aussi, on assiste à une occultation de plus en plus fréquente de cette dimension humaine au profit d’une rentabilité à court terme. Dans un article de Sophie Manelli paru dans la Provence du 31 mars dernier, l’enquête faisait apparaître que près de 80% des pharmaciens marseillais ne prennent plus le temps d’écouter le patient qui se présente à eux avec sa feuille de soins. Un dialogue, même bref, peut permettre pourtant d’éviter des associations médicamenteuses nocives à la santé. Voilà à quel niveau nous sommes descendus, en France, au motif des sempiternelles obligations d’économie et de rentabilité. La Sécurité Sociale reprendra peut-être des couleurs, mais ce sera au grand dam des assurés sociaux. L’une des tâches les plus urgentes du prochain gouvernement sera, précisément, de mettre à plat ce système et de lui apporter, avec l’éthique qui s’impose, un peu plus de soins financiers. Deux approches qui ne s’excluent pas lorsqu’il s’agit de notre bien commun.

 

                             Christian ILLICH   

05/04/2012

Haro sur le bourreau

 

                        

 

 

 

 Décédé en 2008, à l’âge de 77 ans, Fernand Meyssonnier exerça, durant la première partie de sa vie, une profession assez rare et désormais historique : celle de bourreau. Il faut entendre cette appellation dans son sens littéral, c'est-à-dire exécuteur des hautes œuvres pour le compte de l’Etat Français. Précisément, c’est en Algérie qu’il officia entre 1957 et 1962 ; une brève mais intense période d’activité puisqu’il procéda, disait-il, à près de 200 exécutions. Mais le vent de l’Histoire soufflait en sens inverse. Rentré en métropole et prématurément à la retraite, Fernand Meyssonnier se lança alors dans une collecte tout aussi originale d’objets de justice récents et anciens, bric-à-brac assez inquiétant mais qui donnait à méditer  l’inventivité des hommes pour torturer leurs semblables. Cette collection, forte de plusieurs centaines de  pièces, aboutit finalement à un discret musée dans la charmante commune de Fontaine de Vaucluse.

Ce musée, je l’ai visité avec la plus grande attention en 1998, pour la rédaction d’un long article paru dans « Muséum International », la revue de l’UNESCO. Ce n’était pas une boutique des horreurs, comme certains l’ont laissé croire. Et je peux dire que s’il m’a donné parfois des frissons – notamment devant sa pièce maîtresse, une Guillotine modèle 1868 -, il présentait, à travers bon nombre d’objets et de documents, un indéniable intérêt historique. L’art n’était d’ailleurs pas absent de ces murs ; ainsi ces admirables cassolettes réalisées par des bagnards,  dont la beauté faisait presqu’oublier les déterminations  éprouvantes de leur création.

Déjà, de son vivant, Meyssonnier songeait à vendre sa collection, jugeant trop accaparante la gestion d’un musée voué à la confidentialité. Lui parti, rien ne s’opposait donc à sa dispersion et c’était le renommé Pierre Cornette de Saint-Cyr qui devait mener, fin mars, cette affaire dans ses locaux parisiens. Personne ne pensait que l’annonce de cette vente allait provoquer un véritable tollé. Plusieurs associations humanitaires s’y opposèrent farouchement (Amnesty International, le MRAP, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), au motif qu’elle était « une commercialisation de la torture ». A quoi  l’actuel Ministre de la Culture – qui ne caresse jamais l’opinion  à rebrousse-poil –  devait joindre sa propre voix d’esthète indigné par tant de barbarie, donnant un vernis d’officialité à cette bêlante bien-pensance. Les dés étaient jetés, la vente suspendue sine die et les acheteurs potentiels – des sadiques, forcément – priés d’aller voir ailleurs.

Tant de niaiseries et d’arguments ineptes, de la part d’hommes supposés cultivés, font frémir au moins autant que les fleurons de la collection Meyssonier. Au-delà de tous les clichés, cette affaire en dit long sur la force du conformisme et de la censure dans la France contemporaine. Tout ce qui n’entonne pas le crédo du moment, tout ce qui rappelle la puissance du mal en  l’homme est blacklisté, écarté, refoulé plus que jamais. Les objets rassemblés par Meyssonnier, pour saisissants qu’ils puissent être, appartiennent à notre histoire, relèvent d’une pédagogie que l’on aurait bien tort de reléguer aux oubliettes. Ils ne peuvent être comparés à ces reliques morbides que laissent derrière eux tant de serial-killers et qui font les beaux jours des enchères américaines. Par conséquent, les remettre sur le marché, même avec les avertissements qui s’imposent, n’est pas en soi une menace pour la société ni une atteinte aux Droits de l’Homme. Mais, à l’inverse, s’y opposer constitue une violation de la liberté de ses ayants-droits et un important manque-à-gagner pour eux. Il est vrai que l’Algérie, non plus, ne voyait pas d’un bon œil cette fameuse vente en cette année qui marque le cinquantième anniversaire de son indépendance. Mais ceci est une autre histoire.

 

 

                              Jacques LUCCHESI