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10/10/2013

Réfugiés

 

 

                                          

 

 

 Avouons-le sans détour : le sort des autres peuples, aussi effroyable soit-il, ne nous passionne pas en France. Au fil du temps, nous n’avons fait que nous refermer sur nous-mêmes et nos petits problèmes. Dans l’information qui nous arrive à jets continus, nous ne retenons guère que ce qui nous touche de près : chômage, retraites, pouvoir d’achat, insécurité. De plus en plus, nous vivons comme si nous étions dans une forteresse assiégée. Plus que jamais, les nouveaux venus sont regardés comme une menace pour nos acquis, même si cela bouscule parfois notre conscience républicaine. Charité bien ordonnée…Cela peut sembler un paradoxe au pays des droits de l’homme, un pays où un tiers de ses habitants a des origines étrangères, mais c’est comme ça. Avec de tels sentiments le F N, à n’en pas douter, a encore de beaux jours devant lui.

Il n’empêche : le monde continue de produire quotidiennement son lot de malheurs et de détresses. La multiplication des réfugiés en est la preuve criante, eux qui – il ne faudrait jamais l’oublier – ont dû tout quitter pour tenter simplement de survivre en terre étrangère. Imagine-t’on le traumatisme que cela représente dans une vie d’homme ? Ce phénomène – qu’il faut distinguer de la simple émigration – n’est pas nouveau : que l’on songe, notamment, aux « boat people » vietnamiens dans les années 70. Ce qui est nouveau, c’est le degré de rejet et d’insensibilité qui l’accompagne dans notre pays.  Dans les visages haves de ces déracinés, nous ne voyons plus que le masque de l’envahisseur et non cet alter ego plus malchanceux. Si l’égalité et la liberté ont depuis longtemps façonné nos moeurs, qu’en est-il de la fraternité, troisième valeur de notre belle devise nationale? De temps en temps, un drame un peu plus terrible que les autres défraie l’actualité, nous force à voir la réalité géopolitique dans toute sa cruauté. La semaine dernière, ce fut le naufrage d’une embarcation emportant cinq cents Africains – Ethiopiens et Erythréens pour la plupart – au large des côtes de la Sicile. Environ deux cents d’entre eux – peut-être davantage maintenant – ont péri dans les flots méditerranéens ; sans que cela dissuade d’autres désespérés de tenter l’aventure vers l’envoutante Europe, à commencer par les Syriens ruinés par deux ans et demi de guerre civile. Face à cela, l’UE se mobilise, certes, met en place une nouvelle conférence humanitaire, mais sans parvenir à fédérer sur cette question douloureuse ses vingt-huit états membres. Quant à la France, si décidée, le mois dernier, à une action militaire contre le régime de Bachar El Assad, elle est beaucoup plus tiède à accorder le droit d’asile aux victimes civiles du dictateur syrien. En 2012, elle a ainsi accueilli 627 d’entre elles, c'est-à-dire moins que le petit  Danemark (770) et à peine un peu plus que la minuscule Chypre (564). C’est un peu juste pour un pays qui est quand même la deuxième économie européenne.

Qu’on l’admette ou non, il faudra bien que l’UE se préoccupe davantage du sort des réfugiés extra-européens ; il faudra bien qu’elle crée davantage de structures d’accueil si elle ne veut pas être débordée par ce phénomène, au cours des prochaines décennies. Car, selon nos meilleurs démographes, ce sont plus de deux cents millions de migrants – d’Afrique mais surtout d’Asie – qui pourraient bien déferler vers nos frontières, chassés par d’ inéluctables  bouleversements climatiques. A moins de renier tous nos principes et de leur livrer une guerre ouverte, nous devrons alors réapprendre à les regarder comme des hommes et les intégrer à notre destin commun.

 

 

                        Bruno DA CAPO

18/04/2012

Slogans

 

 

                               

 

 

 Les affiches électorales qui refleurissent sur nos murs, en ce printemps 2012, sont aussi l’occasion de méditer un peu  le sens et la valeur des slogans. Qu’est-ce qu’un slogan ? Une formule brève et précise – donc mûrement réfléchie -, fruit de méthodes publicitaires appliquées au champ politique. Il s’agit, avec elles, de faire désirer un candidat et son programme en aval. Car ce message emblématique résumé en quelques mots s’adresse davantage  aux sentiments qu’à l’intellect. S’il évoque le concept, ce n’est que par sa forme  car il n’est, en son cœur, qu’affectivité. Pour ce qui concerne les dix candidats en lice pour ce premier tour des présidentielles, trois au moins se revendiquent ouvertement de la France. Oui, mais de quelle France ? Car entre eux, les différences sont sensibles. Nicolas Sarkozy se fait ainsi le héraut de « la France forte ». Le message qui s’en dégage s’entend au moins à deux niveaux. Sur le plan intérieur, c’est la garantie d’une sécurité renforcée sous son égide. A l’extérieur de nos frontières, c’est la promesse renouvelée d’affronter – et de maîtriser ? - les turbulences économiques dans la zone euro. Avec lui, on est plongé dans un état de guerre permanent et, forcément, cela relègue au second plan des attentes sociales tout aussi légitimes. A l’opposé, François Bayrou mise sur « la France solidaire ». Par là, il renoue implicitement avec l’un des fondamentaux de notre république : la fraternité. On est un peu surpris par la dimension « gauchisante » de son slogan (mais Hollande, après tout, s’est emparé du changement). Homme de droite, Bayrou semble ainsi ressusciter la formule qui avait fait le succès de Giscard, voici près de quarante ans, à savoir que « la gauche n’a pas le monopole du cœur ». Dans son bord politique, il y a plusieurs familles et la sienne, assurément, n’est pas celle de Sarkozy. C’est ce qu’il entend signifier, pour le moment, à l’opinion publique car, à l’issue du 22 avril, il n’est pas impossible que l’union se reforme entre ces frères ennemis. Quant à Nicolas Dupont-Aignan, il se projette en leader de « la France libre ». La formule résonne, bien sûr, comme un hommage à De gaulle dont il n’a cessé de se réclamer. Mais nous ne sommes plus en 1940 et, dans le contexte actuel, elle fait davantage sourire que vibrer aux mannes de la patrie. Certes, les concessions que doit faire chaque état membre aux institutions européennes peuvent être ressenties comme une nouvelle forme de joug. Vouloir le secouer au motif d’une souveraineté sans partage est sans doute pêcher par excès de pessimisme ; c’est, comme on dit, voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein. Quoiqu’il en soit, il se réfère – et accapare – à un autre pilier républicain : la liberté.

A travers ces trois visions de la France, on mesure toute la difficulté d’une synthèse programmatique. Il faut quand même noter que, des trois, c’est encore la première – celle de Sarkozy – qui s’écarte le plus de l’idéal républicain.

 

                           Bruno DA CAPO