28/12/2011
Coca et silicone
Avec la monstrueuse affaire des prothèses mammaires, c’est le profit une fois de plus qui est la cause de pareil désastre. Qu’on ait laissé vendre ces prothèses alors qu’on les savait peu fiables et donc dangereuses est criminel. Il y a bien sûr le concepteur de ces prothèses qui doit être jugé à la hauteur des crimes qu’il a commis. Mais il n’est pas le seul coupable. Apparemment, les contrôles sanitaires ont été très discrets, pour ne pas dire inexistants. Le crime est donc aussi du côté du Ministère de la Santé qui semble n’avoir pas pris l’ampleur de drames comme l’affaire du sang contaminé ou celle du Médiator. Devant l’ampleur de cette affaire, les autorités se réveillent. Branle-bas de combat : il faut réopérer gratuitement les Françaises concernées. Oui, mais après ? A chacune (sauf cas médical) d’opter ou non pour de nouvelles prothèses. On voit déjà le désarroi de toutes ces femmes, devant bon gré et mal gré, devoir subir une nouvelle opération qui, pour les plus aisées, se soldera par une plastique saine et retrouvée. Mais pour les autres ? En décrivant ce triste état des choses, il me vient à penser que nous vivons décidément une lugubre époque. Vu l’actualité, même les poitrines de femmes ne me font plus rêver ! Je ne suis pas le seul. « Tout ça, m’a dit une voisine à l’opulente poitrine qui frise les quatre-vingt-cinq ans, c’est depuis Malibu ! » « Malibu ? » « Mais oui, c’est venu d’Amérique, ce foutu silicone ! C’est comme le coca ! » La vox populi me surprendra toujours : il y a parfois en elle une sorte de sagesse qui nous fait rire même quand les temps sont au déclin !
Yves CARCHON
13:12 Publié dans Numéro 8 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : prothèses, médiator, malibu, silicone
26/12/2011
Bruissements 2
Prothèses : derrière chaque scandale sanitaire, il y a toujours la recherche du profit. On veut produire vite, au prix le plus bas, pour réaliser un maximum de bénéfices. Ainsi, la qualité des produits proposés passe à la trappe et, avec elle, la santé des consommateurs. L’affaire des prothèses mammaires PIP (produites par la société française Poly Implant Prothèse) n’échappe pas à ce révoltant constat. Depuis, son fondateur, Jean-Claude Mas – un ancien charcutier ! – est sous le coup d’un mandat d’arrêt international, mais le mal est fait. Le pire est sans doute que, même après sa liquidation judiciaire en mars 2010, Poly Implant Prothèse a continué à commercialiser des prothèses mammaires avec des gels de silicone douteux mais bon marché dans le monde entier. On estime à 300 000 le nombre de femmes qui en porteraient aujourd’hui. Si le Venezuela et le Brésil les ont aussitôt retirés du marché à la première alerte, cela n’a pas été le cas dans 65 autres pays, dont la France. Résultat : une marseillaise de 53 ans est morte récemment d’un lymphome et 7 autres femmes ont développé des cancers du sein et des amygdales directement imputables à ces médiocres prothèses qui se rompaient à la moindre occasion, déversant leur contenu fatal dans l’organisme des porteuses. Devant l’ampleur de cette affaire (qui ne fait peut-être que commencer) l’Etat a décrété la gratuité des opérations de retrait d’implants pour 30 000 Françaises concernées. Mais il n’est pas question, du moins pour le moment, qu’il finance les poses de nouvelles prothèses (sauf pour des cas médicaux avérés). C’est peu mais c’est, malgré tout, mieux qu’en Angleterre où le gouvernement cherche à minimiser le problème, au grand dam des femmes implantées. 250 d’entre elles ont ainsi décidé de saisir la justice contre les cliniques et les chirurgiens qui les leur ont posées. Il faut quand même savoir qu’en France, 500 000 femmes portent des prothèses mammaires, dont 80% pour des raisons purement esthétiques. On peut, au moins, souhaiter que cette dramatique affaire décourage les nouvelles candidates à quelques centimètres supplémentaires de volume mammaire. Vanitas vanitatis…
Génocide : depuis sa parution en 1990, la loi Gayssot (qui pénalise le racisme et l’antisémitisme) n’en finit pas de produire de la concurrence victimaire et de faire aussi des émules. La dernière législatrice en date s’appelle Valérie Boyer, députée UMP des Bouches du Rhône, laquelle a provoqué un beau tollé en obtenant l’édiction de sanctions judiciaires pour quiconque nierait publiquement le génocide arménien de 1915 (reconnu par la France depuis 2001). On peut se demander pourquoi l’Etat français est devenu si frileux sur cette page historique à laquelle il n’a pas directement participé (contrairement au génocide juif sous l’Occupation). Pourquoi le politique cherche toujours à s’immiscer dans l’Histoire, au risque d’entraver la liberté et le travail plus nuancé des chercheurs. En l’occurrence, la réponse semble n’être qu’un mesquin calcul électoral - la communauté franco-arménienne représentant un demi-million de personnes – où l’UMP a damé le pion au PS. Depuis, la Turquie a rappelé son ambassadeur et gelé une bonne partie de ses contrats avec notre pays (14 milliards d’euros). Quid des centaines d’entreprises françaises qui travaillent sur le territoire de cet éternel postulant à l’Europe ? Vous avez dit crise économique…
Amende : que, dans le domaine des mœurs, le pendant de la rigueur budgétaire soit le puritanisme, qui pourrait en douter après la récente résolution d’un projet de loi pénalisant les clients de prostitué(e)s ? Celle-ci a été récemment proposée à l’Assemblée Nationale par deux députés, Guy Geoffroy (UMP) et Danielle Bousquet (PS), révélant ainsi, sur ce troublant sujet, une convergence de vues non moins troublante. Faut-il dire qu’elle a, bien sûr, obtenu le soutien chaleureux de l’ineffable Roselyne Bachelot, ministre de la Solidarité en exercice ? Si cette loi passait – ce qui est encore loin d’être fait -, un client de prostitué(e)) pris sur le fait encourait une amende de 3750 euros et 2 ans d’emprisonnement. Outre que ces sanctions sont manifestement disproportionnées par rapport au « délit » susmentionné, elles sont également injustes car elles ne frapperaient que les plus pauvres clients, ceux qui ne peuvent que s’adresser à des prostitué(e)s de rue, à 40 ou 50 euros la passe. En revanche, les « friqués » qui peuvent recourir discrètement par Internet aux services - autrement plus élevés - d’une escort-girl, ceux-là ne risquent guère d’être inquiétés par une telle loi. Il n’est pas inintéressant de noter que le montant proposé de l’amende contre les clients est le même que celui – effectif – pour racolage passif qui s’applique aux « pierreuses » depuis 2003. A l’époque l’initiateur de cette loi humaniste n’était autre que le ministre de l’Intérieur – un certain Nicolas Sarkozy – ; et l’on voit, dans les deux cas, la constance à sanctionner les plus modestes, d’un côté comme de l’autre. Car la position abolitionniste de la France, vis-à-vis de ce phénomène particulièrement opiniâtre et mutant qu’est la prostitution, est on ne peut plus hypocrite et dépréciative pour celles et ceux qui ont fait un jour le choix de vivre de leurs charmes. Elle s’acharne à nier leur intime liberté et à leur refuser des droits sociaux dont ils devraient logiquement bénéficier, comme tous les autres travailleurs. Et si, au lieu de regarder du côté de la Suède, nos législateurs se tournaient encore une fois vers l’Allemagne ?
Faute : notez bien que si certains hommes paient pour faire l’amour, d’autres paient pour ne pas faire assez l’amour - à leur épouse, pour préciser les choses. C’est qui est arrivé à un Niçois de 51 ans condamné, par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, à verser 10 000 euros à son ex-femme au motif qu’il ne l’avait pas assez « honorée » durant leurs 21 années de mariage. Si le manque de désir pour son conjoint est certainement un bon motif de divorce, on a du mal à le considérer comme une faute : du reste, l’incompatibilité d’humeur, qui caractérise cette affaire, est sensée ne pas être une faute sous l’angle de la loi. Mais le juge, dans sa grande sagesse, a statué autrement. Aurait-il condamné l’épouse au même dédommagement si c’était le mari qui s’était plaint de son faible appétit sexuel ? Dans le contexte actuel, rien n’est moins sûr. J’imagine déjà les associations féministes qui se seraient élevées contre une justice machiste. Et de crier au viol conjugal. Alors que là, juste un sourire de compassion…
Erik PANIZZA
18:08 Publié dans Numéro 8 | Lien permanent | Commentaires (0)
23/12/2011
Du lexique contemporain
Certainement le mot de l’année 2011, le plus répété tous médias confondus, aura été le mot « crise ». Et l’on risque fort d’en parler tout autant en 2012, même si l’on préfèrerait disserter sur le mot « cerise ». Il faudrait, pour cela, avoir l’esprit plus léger. Or, le premier effet de la crise est bien d’assombrir le moral des Français. Allez vous révolter quand l’avenir semble inéluctablement est compromis. Si l’horizon économique n’est que nuages et orages, comment croire encore à des jours meilleurs et oser les demander à ceux qui nous gouvernent ? En cela la crise a bon dos. Elle permet de justifier toutes les mesures de restriction budgétaire, tous les licenciements abusifs, toutes les privatisations - et jusqu’aux échecs d’une telle politique. En outre, elle permet de faire croire qu’il n’y a pas d’autre alternative à ce grand équarrissage. Oui, la crise n’est peut-être que le meilleur épouvantail du néo-libéralisme partout à l’œuvre dans le monde, la meilleure façon de gouverner les peuples en régime démocratique. Et il est fort possible que les historiens du futur, lorsqu’ils se pencheront sur la période que nous vivons aujourd’hui, découvrent de tout autres réalités comptables que celles que l’on nous assène à longueur de journée. Alors à qui profite la crise ? C’est sans doute la question la plus urgente à (se) poser. Les solutions viendront d’elles mêmes.
Une autre association de vocables devenue familière à force d’être redondante est sans nul doute « agence de notation ». Elle s’inscrit directement dans le prolongement du premier mot abordé. Nous savions depuis longtemps que les décisions nationales étaient soumises au visa de Bruxelles ; à présent c’est la communauté européenne qui est elle-même sous le contrôle des marchés et de leurs représentants. Certains peuvent continuer à minimiser le pouvoir des agences de notation, disant qu’elles ne sont pas la fièvre mais le thermomètre qui la constate. Ce serait délibérément ignorer les interactions bien réelles entre l’observateur et la réalité observée. Pour peu, l’on croirait presque que ces implacables agences sont apparues voici à peine quelques années, alors qu’elles existent depuis le XIXeme siècle. C’est, en effet, à New-York, en 1841, que fut créée The Mercantile Agency, première société à avoir pour but déclaré l’analyse financière. De nombreuses autres suivront, dont Moody’s '(en 1909), The Poor’s Publishing Company (1916), The Standard Statistic Company (1922) et The Fitch Publishing Company (1924) qui, toutes, factureront très cher leurs services. A la demande des banques et des entreprises – leurs clients autant que les objets de leurs enquêtes -, elles vont ainsi passer au crible leurs différents paramètres pour attribuer, in fine, une note sensée refléter leur fiabilité. L’ennui, c’est que leurs verdicts sont loin d’être toujours fiables. En 2001, Moody’s, comme Standard & Poor’s, notent favorablement Enron quelques jours avant son effondrement. Bis répétita en 2008 avec la banque Lehman Brothers qui se voit affublée d’un A la veille de sa faillite. Il serait sans doute grand temps de secouer le joug morose et arrogant de ces agences américaines (dont on peut douter de l’absolue partialité lorsqu’elles appliquent leur système d’évaluation aux états européens). Pourquoi pas en créant une véritable agence fédérale ?
Jeff Dobin
16:43 Publié dans Numéro 8 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : crise, épouvantail, agences de notations, enron