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22/02/2012

Tombeau pour une petite choriste de Newark

 


La petite soliste de la New Hope Baptist Church de Newark est morte à quarante-neuf ans, seule dans une chambre d’hôtel de Beverly Hills. Son nom : Whitney Houston. A ce jour, elle a vendu plus de 200 millions d’albums. Mais le showbiz, qui dévore ses meilleures créatures, a décidé un jour qu’elle n’était plus rentable. Tant que Whitney vendait, c’était tout bon. The Voice a pressenti très vite que la pression serait trop forte. Elle est tombée dans la spirale des médocs qui aident à vivre, à dormir, à chanter, à aimer. Pourtant, elle avait toute les chances de devenir une Aretha Franklin, la bonne fée penchée sur sa carrière. Whitney, ayant appris à roucouler dans les églises, était en plus belle comme un ange. Sa voix à cinq octaves flirtait avec la soul music. Elle partagea un mémorable bœuf avec le grand Archie Shepp, monstre du free-jazz. Elle devint mannequin et posa dans Glamour et Cosmopolitan. Mais quand Whitney signa avec le label Clive Davis, ce fut pour elle le début de la fin. De la soul elle passa à la soupe et ne s’en remit pas. Elle devint une machine à succès calibrés, une chanteuse de pop en s’éloignant hélas trop vite de ses racines gospel et soul. « Whitney Houston », produit sans âme, se vendra à plus de 20 millions d’exemplaires. On peut imaginer que la petite soliste rêvait d’un autre monde. Dans la foulée, pour son plus grand malheur, elle épousa une brute qui la cognait. Nouvelle spirale mais cette fois dans la drogue qui l’entraîna au fond du trou. Dans son ultime chambre, Whitney a dû pleurer les larmes de son corps en mesurant qu’elle aurait pu rester fidèle à la gamine de 11 ans qui chantait à Newark. Elle aurait dû surtout se protéger des producteurs rapaces et  d’un mari violent en engageant un bodyguard. Mais ce serait comme demander à Morrison, Joplin ou John Lennon de prendre une assurance sur cette chienne de vie !

Yves CARCHON

19:13 Publié dans Numéro 8 | Lien permanent | Commentaires (4)

17/02/2012

Projet référendaire sur la nécessité d’un deuxième quinquennat

 


Hier au soir, Sarkozy, usé, fatigué annonce solennellement sa candidature à la présidence de la République. Le matamore a du plomb dans l’aile. Quelque chose s’est cassé ; il semblerait que l’énergie, la fougue n’y soient plus. Tant mieux. Son impopularité affichée dans les sondages a fini par l’inquiéter. Il a beau afficher le slogan d’une France forte, on sent bien que le cœur n’y est plus. En populiste bon teint, il en appellera au peuple, dit-il. Ce n’est plus le modèle allemand qu’il prône désormais, mais le modèle suisse ! Tout problème posé au pays sera résolu par un référendum ! Diable ! On se croirait dans la dernière ligne droite du Second Empire, quand il était question alors de plébiscites à répétition...On sait comment Napoléon le Petit a fini. On sait aussi que du plébiscite au référendum, il n’y a qu’un pas. Dont acte. Les choses au moins sont claires. Le candidat fera fi de la représentation démocratique. A quoi donc serviront Assemblée Nationale et Sénat ? A rien, probablement. Et puis, sans députés et sénateurs, on pourrait faire de substantielles économies ! Plus de dépenses somptuaires, plus de palais dorés et lambrissés, plus de voitures de fonction, plus de festins, d’agapes payées par le contribuable ! Imaginons une France votant contre les tires-aux-flancs chômeurs, contre l’immigration, contre les pauvres grâce au bulletin référendaire ! Une France dans un perpétuel contact charnel avec son Chef ! Fini le règne de Nicolas 1er, passons au règne  du tsar Nicolas II ! On sait aussi comment a fini la famille Romanov...Mélenchon pourrait jouer avec superbe le rôle du méchant bolchevik...Mais tout cela ne peut tenir la route. Le seul référendum qui tienne est de savoir si oui ou non on veut encore de Sarkozy !

Yves CARCHON

16/02/2012

Espagne : amnistie ou amnésie ?

 

               

 C’était l’an dernier, en été, sur la place de la Porta del Sol, à Madrid. Personne n’a oublié cette foule bigarrée qui protestait, dans une ambiance de fête, contre l’austérité pré-programmée avec la seule force de sa sincérité. Bien vite, ce  mouvement dit des Indignés devait s’étendre à d’autres pays, dont la France et les USA. Oui, cet été-là, l’Espagne a encore étonné favorablement le monde. Quelques six mois après, force est de constater que les espérances portées par ce peuple en colère n’ont pas trouvé leur traduction électorale. Tout au contraire même, puisque la droite, sous la pression des marchés, est revenu aux commandes avec un seul crédo : bien gérer le pays. On sait, concrètement, ce que cela signifie pour les millions d’Espagnols qui vivent avec moins de 1000 euros par mois. C’est dans ce contexte de rigueur étouffante qu’est tombée, début février, l’annonce de la condamnation du juge Baltasar Garzon – l’homme qui a fait juger Pinochet. Aucune coïncidence dans ce jugement qui suspend de ses fonctions, pour une durée de 11 ans, cette personnalité forte et médiatique de 56 ans. C’est lui, en effet, qui avait, en 2009, démontré l’implication de la Droite Populaire (aujourd’hui au pouvoir) dans un scandale politico-financier. On lui a ainsi reproché ses écoutes illégales, comme on lui reproche à présent d’avoir violé un tabou de la démocratie espagnole en enquêtant, depuis trois ans, sur les crimes du régime franquiste. Curieux pays où la sortie de la dictature a nécessité la médiation d’une monarchie fantoche ; où une loi d’amnistie, édictée deux ans après la mort de Franco, fait toujours peser une chape de nuit sur quelques cent mille disparus politiques. C’est le couvercle de ce deuxième tombeau que Garzon, saisi par de nombreuses associations de victimes, a voulu soulever pour donner plus de clarté et dignité à leur souffrance, arguant le caractère imprescriptible des crimes contre l’humanité. Il a opposé le droit international au pacte local du silence. Mal lui en a pris et comme d’autres juges avant lui, guidés par la même exigence de vérité, il s’est retrouvé à son tour au banc des accusés. Certes, mieux vaut être démis de ses fonctions  que d’être désintégré par une bombe (comme le juge Falcone). Mais c’est, à n’en pas douter, un recul de la démocratie face à ses ennemis intimes. Car amnistie ne doit pas être synonyme d’amnésie. Et l’Espagne - à l’instar de la France avec le régime de Vichy -  devra forcément accepter de regarder son passé en face. Gare, sinon, aux retours périodiques du refoulé.   

 

 

                               Bruno DA CAPO